Mathématiques : littératie financière, codage et apprentissages socioémotionnels en Ontario
Le gouvernement Ford poursuit sa transformation du monde scolaire. Les mathématiques déconnectées de la vraie vie, c’est terminé, affirme-t-il. Le nouveau programme de maths doit projeter l’Ontario dans l’avenir et permettre aux jeunes de la 1re à la 8e année de développer une relation plus positive avec cette matière, promet-on. Et les enseignants devront rapidement l’adopter.
Le gouvernement Ford promet des cours de mathématiques « de leur temps et avec des exemples pratiques pour lier les mathématiques à la vie de tous les jours ». Auparavant, les exemples n’étaient pas concrets et d’une autre époque, argue le gouvernement. Les élèves devraient savoir faire des budgets et apprendre à bien gérer leur argent, dit-on, par exemple.
« Ce n’est pas un hasard si le taux de chômage chez les jeunes ou le ratio d’endettement des jeunes sont liés à cela. Il faut faire plus à la base de l’apprentissage des mathématiques. Si on fait ce qui s’impose aujourd’hui, on peut changer l’avenir pour les jeunes personnes », a soutenu le ministre de l’Éducation, Stephen Lecce. « Ce sont des réformes nécessaires pour donner de l’espoir aux jeunes. Leur permettre d’avoir un emploi bien payé qui leur permettra de s’acheter une maison, un jour », a-t-il ajouté.
Autre nouveauté : les jeunes ontariens vont commencer à apprendre à coder, dès la première année de l’élémentaire. L’apprentissage de ce langage informatique est présenté comme une façon de se préparer aux réalités futures du monde du travail.
L’Ontario dit vouloir joindre les rangs de ces juridictions « modernes et progressistes » où savoir coder est un apprentissage obligatoire.
Le gouvernement ontarien veut aussi transformer la relation que les jeunes ont avec les mathématiques. Les élèves ont trop souvent peur de faire des erreurs et craignent cette discipline, affirme la province. Le nouveau programme comporte une section consacrée à l’« apprentissage socioémotionnel » des mathématiques.
Les maths serviront à « développer une identité positive en tant qu’apprenante ou apprenant des mathématiques, et à favoriser son bien-être ainsi que sa capacité d’apprendre, d’améliorer sa résilience et de s’épanouir », dit la province. On veut ici développer la débrouillardise, la compassion, l’esprit d’équipe et la capacité à gérer son stress.
Tous ces changements en profondeur du programme de mathématiques s’appuient sur des travaux de recherche et des données factuelles, affirme le gouvernement Ford, qui a déjà utilisé ce type d’argument pour se défendre des changements qu’il souhaitait mener au programme d’éducation sexuelle, par le passé.
Pour favoriser une transition réussie, l’Ontario annule les examens de l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation (OQRE) pour les élèves de la 3e à la 6e année en 2020-2021.
Dès cet automne, malgré la pandémie
Le nouveau programme de mathématiques débutera dès cet automne. Dans le contexte actuel, les professeurs auront-ils le temps de s’initier aux nouveaux concepts du programme et à ses exigences? Le gouvernement ontarien jure que oui et affirme que des webinaires et des vidéos ont été préparés pour permettre aux enseignants d’y arriver dans les temps.
« On va enseigner les maths en septembre, quoi qu’il arrive », a lancé Stephen Lecce. « Au cours de la dernière décennie, nous avons constaté une stagnation ou une diminution des performances des élèves en mathématiques. Du point de vue compétitif, nous devons changer les choses immédiatement. Nous avons reçu le mandat de revenir à l’essentiel. Il faut modifier le programme pour refléter les réalités du travail », a-t-il ajouté.
En début de mandat, le gouvernement Ford avait été plongé dans la controverse en voulant réformer le programme d’éducation sexuelle de la province.
Après un million de dollars en consultations et moult débats, le nouveau programme n’a finalement apporté que quelques changements mineurs au curriculum passé.
La démarche avait divisé les parents et provoqué des débats houleux sur les questions d’orientation sexuelle et d’identité de genre. Ultimement, le gouvernement Ford a ignoré les demandes des parents qui désiraient le retrait de ces enseignements.
« Difficile, sinon impossible »
Rémi Sabourin, président de l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO), est tombé de sa chaise en apprenant l’échéancier annoncé pour l’implantation du nouveau programme.
« Côté contenu, il y a des choses intéressantes. Mais concernant la mise en œuvre et le timing, c’est horrible! Ce sera très difficile pour septembre, sinon impossible », lance-t-il en entrevue à chaud, à ONFR+.
Le contexte actuel est déjà passablement compliqué, fait-il valoir. « Il y a tellement d’incertitude sur la rentrée. Selon l’évolution de la pandémie, aura-t-on une formule hybride, des cours à distance? Les enseignants doivent se préparer à toutes éventualités, mettre en place des protocoles de sécurité et changer leurs méthodes. Et là, on nous demande de maîtriser un nouveau programme de mathématiques? Incroyable! », lance-t-il.
Et attention aux préjugés, insiste-t-il : la période estivale n’est pas nécessairement adaptée à la familiarisation des enseignants à un nouveau programme.
« Les enseignants sont payés sur 10 mois pour 194 jours de travail », débute-t-il. « Puis, plusieurs ont des cours de qualifications additionnelles, reçoivent de la formation pédagogique ou préparent leurs cours sur leur temps en vue de la rentrée », poursuit-il.
Avant la rentrée, une seule journée pédagogique est prévue par les conseils scolaires, dit-il. Et elle servira à préparer les enseignants à leur nouvelle réalité, dit-il.
« Là, le ministre parle de formation obligatoire pour le nouveau programme, je ne vois pas comment. À moins qu’on vienne jouer dans les conventions collectives », affirme Rémi Sabourin.
Enfin, il souligne que les jeunes francophones performent très bien en mathématiques avec un taux de réussite de 82 %, soit beaucoup plus que leurs comparses anglophones. « Prenons le temps de prendre notre temps », lâche M. Sabourin.