Ottawa demande plus de fonds à la province pour lutter contre l’itinérance

D'après la Ville d'Ottawa, il existe un énorme écart entre le financement alloué via le Programme de prévention de l’itinérance à la Ville de Toronto et Ottawa. Source: Canva

OTTAWA – La Ville d’Ottawa prétend recevoir un pourcentage inapproprié des fonds alloués au Programme de prévention de l’itinérance (PPI). Selon le dernier budget de l’Ontario, Ottawa devrait obtenir un financement supplémentaire de 845 100 $, soit 0,4 % de l’allocation provinciale afin de répondre aux problèmes de logement et de soutien pour les sans-abri. En comparaison, Toronto attend une enveloppe de 48 millions de dollars supplémentaires pour les mêmes besoins. Le maire Sutcliffe appelle le gouvernement Ford à revoir ses calculs.

« Je vous écris pour demander une aide supplémentaire afin d’assurer que la Ville d’Ottawa reçoive sa part équitable des investissements critiques que votre gouvernement réalise pour répondre aux problèmes d’accessibilité et de disponibilité du logement ainsi que pour fournir des soutiens urgents aux personnes sans-abri. »

Voilà ce que demande le maire d’Ottawa à la province : une part équitable des fonds versés au titre du PPI.

Le budget de l’Ontario de 2023 a alloué des fonds supplémentaires de 202 millions de dollars par an pour les programmes de logement avec soutien et de prévention de l’itinérance dans l’ensemble de la province. Comme de nombreuses grandes villes au pays, Ottawa souffre d’un besoin inégalé en termes de logement. C’est pourquoi, dans la lettre envoyée au premier ministre de la province, au ministre du Logement et à celui des Finances, M. Sutcliffe s’insurge face à cette différence de traitement.

Le maire d’Ottawa, Mark Sutcliffe a envoyé une lettre à la province de l’Ontario, afin que le gouvernement augmente l’enveloppe financière pour lutter contre l’itinérance. Archives ONFR+

« Sur la base de l’allocation de Toronto, la part d’Ottawa devrait être d’au moins 16 à 18 millions de dollars » – Marc Sutcliffe

C’est presque 60 fois plus d’argent alloué à la Ville de Toronto, alors que la population de la Ville reine est seulement trois fois plus importante que celle d’Ottawa. « Sur la base de l’allocation de Toronto, la part d’Ottawa devrait être d’au moins 16 à 18 millions de dollars », a établi le maire de la Capitale dans sa missive.

L’un des effets de cette crise du logement, c’est qu’il est plus difficile aujourd’hui d’aider les gens à sortir de la rue.

En réponse à ONFR +, le ministère des Affaires municipales et du Logement a expliqué que « comme cela a été expliqué au maire Sutcliffe et aux responsables de la Ville d’Ottawa à plusieurs reprises au cours des dernières semaines, le financement du PPI est basé sur une formule mise à jour qui s’applique à tous les gestionnaires de services municipaux de la province ».

« Le modèle précédent n’était pas transparent et ne reflétait pas de manière précise les mesures des besoins locaux », spécifie le bureau du ministre Steve Clark. « Sous l’ancien modèle, certaines municipalités, comme Ottawa, recevaient un financement disproportionné par rapport à d’autres municipalités ayant des besoins déterminés plus importants. »

Clara Freire
Clara Freire, directrice générale des services sociaux et communautaires d’Ottawa, Clara Freire. Capture d’écran/ ONFR+

Durant le conseil municipal, ce mercredi, la directrice générale des services sociaux et communautaires d’Ottawa, Clara Freire, a déclaré que « des clarifications ont été demandées, notamment sur la manière dont cette révision a été prise. La Ville recherche un investissement proportionné de la part de la province, ce qui correspondrait à une allocation d’au moins 18 à 20 millions de dollars pour couvrir les coûts opérationnels nécessaires pour maintenir les services existants, ce qui serait, selon nous, le même niveau de considération accordé à la Ville de Toronto ».

Le maire, les conseillers et des députés à l’unisson

« Ce manque de fonds nous forcera à annuler 54 unités de logement avec soutien qui étaient censées devenir opérationnelles au cours des 18 prochains mois », affirme le maire dans sa lettre.

« En fin de compte, cela compromettra considérablement notre capacité à atteindre les objectifs du plan décennal sur le logement et l’itinérance d’Ottawa. »

Au micro d’ONFR+, le député provincial d’Ottawa-Centre Joel Harden s’est dit choqué de voir de telles disparités.

« Franchement, à Ottawa, il y a des milliers de personnes qui vivent dehors. Nous avons besoin de beaucoup plus de fonds et de capacité. On doit agir », a-t-il imploré.

Joel Harden, député néo-démocrate d’Ottawa-Centre. Il urge les gouvernements d’intervenir sur le dossier de l’itinérance à Ottawa. Crédit image : Rudy Chabannes

Durant le conseil municipal, plusieurs conseillers et conseillères, tels que Stéphanie Plante, Ariel Troster, Laura Dudas, Sean Devine ou encore le conseiller Jeff Leiper, ont pris la parole pour interpeller le gouvernement Ford, indiquant entre autres que le ministre Clark devait fournir la formule mathématique employée pour déterminer ces pourcentages.

Le maire d’Ottawa a qualifié cette nouvelle de « dévastatrice » dans sa correspondance avec la province.

« Je fais appel à votre sens de l’équité et à votre préoccupation pour les personnes les plus vulnérables de notre ville en vous demandant de revoir l’allocation à Ottawa dans le cadre du PPI. Fournissez-nous un financement qui, sur une base per capita, est similaire à ce que reçoivent Toronto et les autres municipalités, plutôt que ce montant considérablement plus faible qu’auparavant. »

Une crise de l’itinérance qui ne fait qu’augmenter

D’après Mme Freire, « pour la première fois, les refuges locaux d’Ottawa fonctionnent à capacité maximale, soit à 366 % de leur capacité, ce qui a nécessité l’utilisation d’hôtels, de motels et autres résidences ».

En effet, selon le député Harden, la Ville d’Ottawa aurait déjà fait de nombreux changements, en exploitant des arénas et centres communautaires afin de loger les sans-abri. « Nous essayons de créer de l’espace, mais pour ça, il nous faut des fonds de la province et du gouvernement fédéral. »

Les conseillers municipaux Jeff Leiper (à gauche) et Ariel Troster (à droite). Crédit image : Ville d’Ottawa


« Nous ne devrions même pas avoir à faire le choix entre fournir un service récréatif pour les enfants ou un logement pour les sans-abri », ajoute la conseillère du quartier Somerset en centre-ville d’Ottawa, Ariel Troster. « Je dis simplement à mes collègues autour de la table que si la province ne vient pas à la table avec l’argent que nous demandons, nous allons avoir une conversation sérieuse sur le budget 2024. »

« Nous ne pouvons pas permettre à l’itinérance de continuer, ni moralement ni économiquement. »

« Et si les calculs ne sont pas justes, alors le ministre doit revoir cette décision » – Jeff Leiper

C’est aussi ce dont a témoigné le conseiller Jeff Leiper du quartier Kitchissippi. « C’est une situation effrayante. Cela laisse à Ottawa, un réel risque d’augmentation du nombre de campements, du nombre de personnes vivant dans des conditions extrêmement vulnérables. »

Selon lui, « il incombe au ministre Clark de nous montrer les calculs. Nous devons voir les calculs. Et si les calculs ne sont pas justes, s’ils ne sont pas équitables, alors le ministre doit revoir cette décision et s’assurer qu’il apporte le financement dont nous avons besoin à Ottawa ».

Un nouveau plan sera présenté au Comité des services communautaires le 23 mai et au Conseil municipal le 24 mai prochain. « Notre espoir d’ici-là est de voir une réévaluation du montant de cette allocation », a annoncé la directrice générale des services sociaux et communautaires de la ville.