Ottawa pourrait inspirer les provinces à adopter des lois anti-francophones, selon les Anglo-Québécois

La ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor.
La ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor. Crédit image: Stéphane Bédard.

OTTAWA – La modernisation de la Loi sur les langues officielles est un précédent pour les autres provinces qui souhaiteraient adopter une législation linguistique anti-francophone, plaident les anglophones du Québec, et ce, même si tous les organismes francophones du pays l’appuient.

De passage devant les sénateurs lundi soir en comité concernant C-13, le Quebec Community Groups Network (QCGN) a indiqué que la référence à trois reprises de la Loi 96 dans la Loi sur les langues officielles constitue un danger pour les francophones. Le principe d’asymétrie dans le projet de loi, qui vise à traiter différemment la minorité francophone du pays de celle anglophone pourrait aussi créer un dangereux précédent estime le QCGN. Les Anglo-Québécois considèrent que « leurs droits fondamentaux » seront « sacrifiés » par Ottawa si le projet de loi C-13 est adopté.

Les anglophones du Québec considèrent que ces références pourraient inspirer d’autres provinces à mettre en place leur propre Loi 96. Cette dernière, entrée en vigueur le 1er juin, a apporté d’importantes modifications à la Charte de la langue française en restreignant l’utilisation de l’anglais dans certains contextes et été conçue pour protéger l’usage du français au Québec.

« Quand on établit le principe d’acceptation au niveau fédéral de politique – si j’ose le dire discriminatoire – dans une province, d’autres provinces peuvent se sentir un peu plus libres », estime Joan Fraser, membre de l’organisme anglophone.

L’ancienne sénatrice affirme « en avoir trop vu pour que tout soit toujours beau dans le meilleur des mondes » ajoutant qu’on ne peut pas dire « qu’il n’y aura jamais de sentiment anti-francophone dans les autres provinces ».

« Le temps est long, on ne peut jamais garantir que ce qui est accepté comme étant une bonne politique aujourd’hui le sera dans l’avenir… Il peut y avoir des mouvements dans les autres provinces pour dire ‘’pourquoi est-ce que l’on devrait donner X ou Y aux francophones’’ », illustre Mme Fraser.

Questionnée à savoir si elle partageait cette argumentation, la ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor a répondu non. « On ne cause pas de précédents avec le projet de loi C-13 », juge-t-elle.

La représentante acadienne s’est défendue tout au long de son témoignage sur ces références qui « n’enlèvent aucun droit à la communauté anglophone du Québec ».

« Faire mention de la Charte de la langue française est tout simplement une description de la loi du Québec… Veut veut pas, c’est la loi qui existe actuellement au Québec. Dans la Loi sur les langues officielles, on parle aussi de la spécificité du Nouveau-Brunswick et on parle de la province du Manitoba », énonce-t-elle.

La Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) se dit aussi peu inquiète, estimant le risque beaucoup trop minime pour qu’il devienne réalité dans les provinces et territoires du pays. « Je ne pense pas que c’est un scénario plausible (…). Je dors bien le soir », a réagi sa présidente Liane Roy.

Liane Roy, la présidente de la FCFA. Gracieuseté.

Lundi, l’ensemble des organismes de la francophonie canadienne ont lancé « un cri du cœur » aux parlementaires afin d’adopter dès que possible la mouture pour « qu’ils finissent le travail ».

« Pour reprendre une expression familière, les étoiles sont alignées d’une manière qui ne se reproduira peut-être pas. D’où le sentiment d’urgence qui nous habite, nourri par la fragilité du français et de nos communautés, mais aussi par la conscience qu’il faut profiter de cet alignement pendant qu’il existe », a témoigné Mme Roy.

Le projet de Loi C-13 vient statuer que le gouvernement doit en faire plus pour protéger le français au pays, donner plus de pouvoirs au commissaire aux langues officielles, obliger le fédéral à se doter d’une politique en immigration francophone et à atteindre sa cible de nouveaux arrivants. Il vient aussi donner un droit de travailler en français pour les travailleurs des entreprises à charte fédérales dans les fortes régions francophones du pays.