Les cinéphiles en attente de l'ouverture des portes du théâtre Richcraft du Centre des arts Shenkman, juste avant le premier film du festival Objectif Cinéma 2023. Gracieuseté MIFO

Qu’ils soient de Toronto, Windsor ou Ottawa, les cinéphiles franco-ontariens ont de quoi se réjouir ces jours-ci. Trois festivals de films, trois endroits où découvrir de nombreuses œuvres francophones. Les programmations du Festival international du film de Windsor (WIFF), d’Objectif cinéma et de Cinéfranco se croisent, présentant des sélections semblables, avec quelques particularités à chaque endroit.

Le WIFF bat son plein jusqu’à dimanche. En tout, 55 œuvres, en partie ou totalement en français, font partie de la programmation qui a débuté le 26 octobre. Parmi celles-ci, on retrouvait la série de Philippe Falardeau Lac-Mégantic : ceci n’est pas un accident, présentée en deux séances de deux épisodes chacun. Le réalisateur a été honoré d’un prix Spotlight du WIFF, soulignant l’ensemble de sa carrière.

La réalisatrice gatinoise Ariane Louis-Seize a également ajouté un nouveau prix (et 25 000$) à la collection de Vampire humaniste cherche suicidaire consentant, sacré meilleur film canadien. Cette nouvelle récompense s’ajoute au prix de la découverte Jean-Marc Vallée de la Guilde canadienne des réalisateurs, remporté le 21 octobre, ainsi qu’à plusieurs autres titres reçus à la Mostra de Venise, au Cinéfest de Sudbury, et dans des événements au Canada, en France et en Espagne. Vampire humaniste cherche suicidaire consentant a aussi été vendu dans plus de 30 pays.

Vampire humaniste cherche suicidaire consentant raconte l’histoire de Sasha, une vampire qui refuse de tuer des humains, par empathie. Crédit image : Shawn Pavlin

Près d’une trentaine de films francophones sont toujours à l’affiche du WIFF d’ici dimanche.

Le sprint d’Objectif cinéma

Le festival Objectif cinéma du Mouvement d’implication francophone d’Orléans (MIFO) présente une dizaine de longs-métrages et une soirée de courts-métrages, entre le 1er et le 4 novembre. Les organisateurs ont eu chaud dans les dernières semaines, alors qu’un de leurs lieux de diffusion principaux a fermé ses portes sans préavis.

« Ça a été du sport mais, l’important, c’est l’arrivée », mentionne la directrice artistique du MIFO, Anne Gutknecht, à propos de la réorganisation imposée. Elle précise que tous les films prévus seront présentés. Les circonstances ont même donné lieu à un nouveau partenariat avec la Maison de la francophonie d’Ottawa, située à l’autre bout de la ville, dans l’ouest.

« Je trouve ça chouette qu’il y ait des événements panottaviens, qu’on soit en collaboration et non en compétition », souligne Anne Gutknecht.

La soirée de clôture du festival Objectif cinéma se tiendra donc à la Maison de la francophonie. Le film L’audience y sera présenté, en plus du court-métrage Pas juste des cheveux de Wanda Minni, gagnante du volet scolaire du concours Objectif cinéma plus tôt cette année.

La directrice artistique du MIFO, Anne Gutknecht, lors de l’ouverture du festival Objectif cinéma mercredi soir. Gracieuseté : MIFO

La particularité d’Objectif cinéma est d’avoir un jury citoyen, guidé par Patrick Thibeault, professeur de cinéma au Centre d’excellence artistique d’Ottawa. Les usagers du MIFO ont sauté à pieds joints dans ce concept, selon Anne Gutknecht. « À chaque fois, on est surpris du nombre de candidatures. Les gens adorent ça. »

Les autres événements du festival se dérouleront soit au théâtre Richcraft du Centre des arts Shenkman, soit directement au MIFO. Si le confort n’est pas comparable à celui d’une salle de cinéma, l’organisme s’est tout de même doté d’équipement de projection professionnel durant la pandémie, ce qui permettra d’offrir une expérience de qualité.

La soirée d’ouverture affichait complet mercredi, alors que Les hommes de ma mère d’Anik Jean était présenté au théâtre Richcraft.

Une édition modeste pour Cinéfranco

À Toronto, le festival international du film francophone Cinéfranco s’apprête à lancer son volet grand public ce vendredi. Après avoir insisté sur une programmation hybride dans les dernières années, le plus grand festival du film francophone en milieu canadien minoritaire revient à une édition complètement en personne. Selon Marcelle Lean, directrice artistique, générale et fondatrice de Cinéfranco, le volet virtuel a été abandonné pour des raisons budgétaires et logistiques, devant une chute drastique de la demande.

Marcelle Lean et le réalisateur Ricardo Trogi lors d’une édition précédente de Cinéfranco. Gracieuseté Cinéfranco

Cette 26e édition sera plus modeste que celle de l’an dernier, qui jouissait d’une programmation bien étoffée pour souligner le quart de siècle du festival. Cinéfranco a connu un achalandage inégal à travers les années, et 2022 a été décevante. Il est donc difficile de prévoir combien de visiteurs franchiront les portes du Cinéma Carlton cette année.

Le thème récurrent dans cette programmation de 19 films est l’amour. « Mais l’amour sous toutes ses formes. Il y a un côté romantique, mais il y a aussi un côté toxique », souligne Marcelle Lean.

Cinéfranco 2023 s’ouvrira sur la comédie, Sexygénaire, avec Thierry Lhermitte et Patrick Timsit. Le 11 novembre, le film de clôture sera plus lourd, mais Tirailleurs enverra un clin d’œil direct au jour du Souvenir. « Nous terminons avec un hommage aux tirailleurs sénégalais, mais également à tous les hommes qui ont vécu dans les colonies françaises et ont dû s’enrôler dans l’armée française pour défendre la démocratie et la liberté. » Le film mettant en vedette Omar Sy se déroule durant la Première Guerre mondiale.

Cinéfranco propose aussi deux séances de courts-métrages. Le documentaire de Joanne Belluco, Un. Deux. Trois, nos identités franco-canadiennes, sera de la partie de 11 novembre. Produit par ONFR, le film fait découvrir les coulisses de la grandiose production théâtrale Un. Deux. Trois. de Mani Soleymanlou, en s’attardant sur des discussions identitaires avec des acteurs franco-ontariens de différents horizons. Marcelle Lean commente : « J’ai trouvé ce documentaire tellement éclairant sur nos dilemmes francophones. Qui on est, comment on se justifie. J’ai adoré la fougue avec laquelle les francophones s’exprimaient. »

En milieu minoritaire

Le nombre d’événements qui se déroulent parfois en même temps, la difficulté de trouver des bénévoles et du personnel qualifié et le poids démographique des francophones posent des enjeux d’organisation. La fondatrice de Cinéfranco explique : « C’est un défi d’avoir une variété de films, d’avoir une diversité d’origines de manière à attirer ces cultures francophones compartimentées. »

Les partenariats permettent d’offrir une programmation plus solide. Anne Gutknecht souligne entre autres l’apport du festival Plein(s) écran(s) pour la soirée de courts-métrages d’Objectif cinéma, ainsi que la tournée Québec cinéma, qui est aussi associée à Cinéfranco.

Malgré les défis, Marcelle Lean est convaincue qu’un festival de film est bénéfique pour rapprocher les gens. « Si quelqu’un rit, si quelqu’un pleure, on a presque envie de lui demander pourquoi. Il y a une communauté qui se forme où on partage tout », affirme celle qui est sur place lors de toutes les projections pour échanger avec les festivaliers.

La directrice artistique du MIFO parle également de cet esprit de communauté. « On est un festival communautaire qui chausse des talons hauts pour quelques jours », imagine Anne Gutknecht.