Jessica Gaudreault entre paradoxe olympique, retour en force et pause forcée
[PARIS 2024, UN AN APRÈS]
Un an après les Jeux olympiques de Paris, ONFR vous propose de revenir sur les souvenirs des athlètes franco‑ontariens et surtout sur leur année après les Jeux. Ce mercredi, c’est au tour de Jessica Gaudreault, gardienne de but de l’équipe canadienne féminine de water‑polo, de revenir sur cette expérience unique et sur l’année qui a suivi sa deuxième participation olympique.
Pour la gardienne franco-ontarienne, les Jeux olympiques de Paris 2024 restent un souvenir mêlé de fierté et de frustration. Si elle garde en mémoire le soutien de sa famille avec une vingtaine de proches venus l’encourager sur place, elle regrette la tournure sportive d’un tournoi qui a vu le Canada terminer en huitième place.
« Contre l’Italie et la Grèce, on perd les matchs dans les toutes dernières minutes. Parfois, je me dis qu’avec un peu plus de concentration, on aurait pu changer le scénario. On était compétitives jusqu’au dernier quart… »
Mais c’est surtout le paradoxe émotionnel de la fin de tournoi qui l’a marquée.
« Tu perds en quarts de finale, donc tu sais que tu ne peux plus viser une médaille. Tu es encore là une semaine entière, tu continues à t’entraîner, tu joues encore deux matchs… mais sans objectif clair. C’est long. »
Cette situation crée un étrange flottement mental. « Tu as envie de décrocher, de souffler, de profiter un peu du village olympique, mais tu est toujours en compète. Tu veux donner ton maximum, par respect pour l’équipe et pour toi-même, mais ton cœur n’y est plus autant. »

Une réalité d’autant plus difficile qu’elle contraste avec l’ambiance des Jeux : « T’es aux JO, tout le monde est heureux d’être là, mais toi, tu viens de perdre ton objectif principal. T’es là, sans être vraiment là. C’est dur à expliquer. »
Retour en Espagne
Dès la page olympique tournée, Jessica Gaudreault a retrouvé le monde professionnel en Espagne. Elle avait déjà signé son retour avant même les Jeux avec le Club Natació Terrassa, situé à une trentaine de kilomètres de Barcelone, dans la région la plus dense du water-polo mondial.
« On a bien joué en championnat, dans la meilleure ligue au monde. On a fini troisième, juste derrière les deux meilleures équipes d’Europe. »
Cette performance n’est pas anodine : en Liga Premaat, pas moins de huit clubs féminins de haut niveau sont localisés dans Barcelone et ses environs, créant une concentration d’élite unique au monde. Parmi eux, le CN Sabadell, ogre du water-polo européen, multiple champion d’Espagne et huit fois vainqueur de la Ligue des champions sur les dix dernières années.
En championnat, Terrassa a réussi à se hisser sur le podium derrière Sabadell et Sant Andreu, confirmant sa montée en puissance. « C’était une vraie satisfaction. On avait un groupe jeune, mais très soudé, avec une belle progression tout au long de la saison. »
En revanche, la Ligue des Champions s’est révélée plus compliquée. « Notre groupe était relevé, avec Sabadell dedans justement, et d’autres équipes très expérimentées. Notre effectif manquait encore un peu de vécu à ce niveau. »
Blessure de fatigue
Ce que la native d’Ottawa n’avait pas anticipé, c’est la douleur qui allait l’accompagner pendant toute la seconde moitié de saison.
« J’ai développé une blessure d’usure en décembre. J’ai continué à jouer jusqu’en mai, mais avec énormément de douleurs. Ce n’était pas le bon environnement pour guérir, j’étais encore dans un mode compétition après Paris. Je n’ai jamais vraiment eu de vraie coupure. »

La douleur provenait d’une blessure à la hanche, un problème fréquent chez les gardiennes de water-polo en raison des mouvements explosifs et répétitifs qu’impose leur position.
« C’est assez typique pour nous, on pousse constamment dans l’eau avec la même rotation, les mêmes appuis. Mon corps me disait clairement qu’il avait besoin de repos. »
Rééducation et avenir à définir
Depuis le printemps, place à la récupération. Jessica a décidé de ralentir pour se soigner et se préparer correctement en vue de la suite. Elle a tout de même retrouvé l’équipe canadienne cet été pour un camp d’entraînement, dans un groupe largement renouvelé. « Il y a un nouveau sélectionneur, une nouvelle dynamique, très peu de filles des Jeux. C’est un nouveau chapitre. »
Le Canada n’a pas pu participer aux Championnats du monde 2025, faute de qualification après les tours continentaux, une première dans l’histoire récente de l’équipe. Le camp de trois semaines à Montréal a néanmoins permis de travailler avec ce groupe jeune, sous la direction de la nouvelle sélectionneuse Kyriaki Liosi, ancienne médaillée olympique grecque. L’équipe vise désormais les mondiaux 2027, qui serviront aussi de tremplin pour se qualifier aux Jeux de Los Angeles 2028.
« Je suis concentrée sur ma santé. Peut-être un retour en Espagne en janvier, mais rien n’est signé. Si je veux prolonger jusqu’à Los Angeles 2028, il faut que je prenne soin de moi maintenant. »