Actualité

Interprètes au Parlement : le coût ne sera pas le seul critère, réfute le Bureau de la traduction

Une interprète en plein travail lors d'une conférence de presse du gouvernement fédéral. Photo : La Presse Canadienne/Justin Tang

OTTAWA — Le Bureau de la traduction dément les affirmations d’interprètes parlementaires qui soutiennent que la qualité de la traduction baissera au Parlement en raison d’une décision du gouvernement de prioriser « le plus bas soumissionnaire » pour les interprètes pigistes.

Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) est en processus de renouvellement des contrats des interprètes parlementaires pigistes, qui prendront fin en décembre. Un peu moins de 50 % de ces interprètes sont des pigistes alors que le reste est employé au Bureau de la traduction, selon l’Association internationale des interprètes de conférence — Région Canada (AIIC-Canada).

Cette dernière avance qu’un nouveau processus de SPAC sacrifiera la qualité au nom du soumissionnaire au plus bas prix. L’AIIC-Canada soutient que seuls le prix et le fait d’être un interprète accrédité auprès du Bureau de la traduction seront pris en considération. Par le passé, c’est la qualité de l’interprète ou encore la disponibilité qui faisaient partie d’un ensemble de critères évalués.

« Cet indice de qualité n’est pas mentionné dans cette nouvelle version que l’on nous a présentée. On ne sait pas trop comment il (le bureau de la traduction) pense faire l’évaluation », a affirmé Alionka Skup, la présidente de l’AIIC-Canada lors d’une comparution au Comité des langues officielles mardi.

Les élus du comité font actuellement une étude sur le renouvellement du contrat de travail des interprètes parlementaires.

L’AIIC-Canada estime qu’une telle nouveauté pénalisera le français au Parlement, car la majorité de la traduction se fait de l’anglais vers le français et que les meilleurs interprètes seront écartés.

« On a des interprètes qui sont présents sur la colline depuis très longtemps et qui ont différentes spécialités, alors ça serait logique qu’ils soient affectés aux comités relatifs à leurs autres connaissances, au lieu de simplement prendre la liste et d’aller au moins cher », poursuit Mme Skup.

« Si on fonctionne de cette façon, les interprètes avec le plus d’expérience vont simplement ne plus être présents parce que leurs tarifs vont être trop élevés », statue-t-elle.

L’AIIC-Canada déplore aussi le fait que les nouvelles règles ne permettent pas de rémunérer le temps de préparation des interprètes, mais seulement celui passé au micro, à effectuer la traduction.

Le prix parmi un ensemble de critères

Le Bureau de la traduction affirme ne pas encore avoir pris de décision concernant le renouvellement des contrats en décembre des interprètes pigistes.

« Dire que c’est uniquement les soumissionnaire à bas prix, vous me permettrez de dire que je ne suis pas tout à fait en accord, a réfuté son président-directeur général, Jean-François Lymburner devant les députés fédéraux. On a besoin d’avoir des interprètes qui ont été certifiés par le Bureau de la traduction. Pour nous, c’est un gage de qualité certain. Tous les soumissionnaires ne seront pas accrédités. »

« De plus, avance M. Lymburner, des interprètes pigistes seront toujours sélectionnés en fonction de critères comme le fait d’avoir une cote de sécurité et d’habiter dans la région d’Ottawa. »

« À l’heure actuelle, les pigistes ont tous un indice de qualité identique », a indiqué Annie Plouffe, vice-présidente, Services au Parlement et Interprétation au Bureau de la traduction, qui précise qu’il n’est pas question d’avoir des interprètes non accrédités au Parlement.

Cette dernière soutient aussi qu’à l’heure actuelle, les expertises externes des pigistes, comme le fait d’être un ancien juriste, ne sont pas prises en compte dans leur assignation quotidienne.

L’organisme qui relève de SPAC a terminé ses consultations. Il se trouve maintenant à l’étape d’analyse de la rétroaction reçue des membres de l’industrie, ce qui est considéré comme « une étape normale » selon M. Lymburner.

Questionné à maintes reprises par le député conservateur Joël Godin, Jean-François Lymburner n’a pas divulgué le mandat confié au Bureau de la traduction par SPAC concernant le renouvellement des contrats des interprètes. Cette réticence a poussé l’élu à se tourner vers le président du comité pour demander « que le témoin puisse répondre à mes questions ».

« Évidemment, à un certain point, on est des gestionnaires et on a des pressions un peu comme tout le monde et on regarde le prix et la valeur », a lâché le dirigeant quelques minutes plus tard.

Correction : Une précédente version du texte affirmait que près de 70 % des interprètes parlementaires étaient pigistes, il s’agit plutôt de 50 %.