Pas de vainqueur ni de vaincu entre l’AEFO et le gouvernement

Le président de l'AEFO, Rémi Sabourin. Archives ONFR+

[ANALYSE]

TORONTO – Dans un contexte mondial inédit, les enseignants francophones et le gouvernement se sont enfin entendus la semaine dernière. Une nouvelle passée sous le radar du fait de la crise de la COVID-19, mais qui a mis fin à un bras de fer de plusieurs mois.

À partir du mois de février, le conflit avait même connu son point d’incandescence avec plusieurs journées de grève incluant tous les enseignants de la province. Une situation d’ampleur exceptionnelle à laquelle le gouvernement ontarien n’avait pas été confronté depuis 1997.

Début mars, le ministre de l’Éducation, Stephen Lecce, offrait une porte de sortie aux syndicats d’enseignants : la diminution à 23 de la moyenne d’élèves dans les salles de classe, et autoriser ces mêmes élèves à ne pas choisir les cours en ligne.

L’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO) a été le troisième des quatre syndicats à saisir la balle au bond. Un accord non sans effort, puisqu’il a fallu une semaine de négociations, avec des échanges derrière les écrans d’ordinateur en raison des mesures de confinement. Autre obstacle : la présence des conseils scolaires autour de la table en guise de troisième joueur dans les négociations.

Les motifs de l’accord n’ont pas filtré. Il sera soumis au vote des membres avant que les trois parties ne signent le document final. Cette nouvelle convention collective arriverait alors à échéance en août 2022.

On présume cependant que le syndicat a validé les propositions de M. Lecce et consenti à ne pas demander plus de 1 % d’augmentation de salaire.

Encore des interrogations

Peut-on, dès lors, parler de succès pour l’AEFO? Pas tout à fait, répondent certains observateurs. La mesure d’une diminution à 23 élèves par classe ne représente pas un retour à la moyenne de 22 qui faisait référence jusqu’à l’an passé.

Ensuite, l’autorisation pour les élèves de ne pas choisir des cours en ligne précéderait de longues démarches administratives, estiment des enseignants.

Il y a un mois, l’obtention d’un tel accord aurait quand même été considéré comme une petite victoire, à défaut d’un succès. Avec le défi sans précédent que pose le coronavirus, cette entente apparaît aujourd’hui beaucoup plus nébuleuse.

Dans une économie mondiale en panne, on peut s’interroger si la hausse des salaires – un enjeu mis de côté par les enseignants – sera assez suffisante.

Ironie cruelle de l’histoire, les cours en ligne se sont imposés comme la clé pour répondre aux exigences du confinement. Difficile de savoir si le gouvernement sera tenté de généraliser cette solution de court terme contre laquelle les syndicats ont longtemps fait feu de tout bois.

Une meilleure fin que prévu pour Lecce

Pour M. Lecce, la partie se termine mieux qu’elle n’avait commencé. En préférant offrir des concessions plutôt qu’à se résoudre à une loi spéciale qui aurait obligé les enseignants à revenir au travail, le ministre de l’Éducation s’est montré sage.

Ce recul partiel du gouvernement aura au moins eu le mérite de ne pas agrandir le fossé de plus en plus béant avec les enseignants.

De ce conflit entre les conservateurs et les syndicats, il n’y a pas eu de vainqueur, ni de vaincu. Le match est aujourd’hui quasi terminé. La crise du coronavirus impose déjà un autre agenda. Avec cette fois, un adversaire commun, et un combat probablement beaucoup plus long.

Cette analyse est aussi publiée sur le site du quotidien Le Droit le 6 avril.