Patrick Cloutier veut propulser la réussite des entrepreneurs

Patrick Cloutier, directeur général de la SÉO. Gracieuseté

[LA RENCONTRE D’ONFR]

EMBRUN- Patrick Cloutier prend les rênes de la Société économique de l’Ontario (SÉO), à titre de directeur général, à un moment charnière pour l’économie francophone avec la mise en route de plusieurs projets financés par la province. Il succède à Luc Morin, qui a brusquement démissionné en novembre dernier.

« Vous êtes le nouveau visage de la SÉO, mais vous n’êtes pas un nouveau venu. Quel a été votre cheminement dans cet organisme?

J’ai commencé en décembre 2002 comme contrôleur financier, puis j’ai été promu directeur des finances en 2016. J’occupe la direction générale par intérim depuis novembre dernier et ma nomination comme directeur général est effective depuis le 26 mars.

Comment se sont passées ces premières semaines à la tête de l’organisation?

Faire la transition entre l’aspect finance et la direction générale a été un beau défi. C’est tout un apprentissage, que ce soit au niveau de la stratégie, de la politique, du personnel ou encore du conseil d’administration.

Est-ce que le départ brutal de votre prédécesseur a compliqué cette transition?

Non, ça fait 18 ans que je suis dans la SÉO. Je connais tous les bailleurs, les programmes, les partenaires et les employés, alors ça m’a facilité grandement la transition avec l’ancien directeur général.

Quelles sont les principales missions de la SÉO?

La SÉO, ce sont 40 employés qui travaillent auprès des immigrants, des entrepreneurs et des chercheurs d’emploi, à travers une multitude de programmes. On fait partie du Réseau national de développement économique et d’employabilité (RDÉE) Canada et on contribue au développement francophone et bilingue en Ontario.

Qu’est-ce qui vous anime autant dans les missions et les valeurs de cette organisation?

La cause franco-ontarienne me tient beaucoup à cœur. Je veux créer de la richesse pour les Franco-Ontariens et je vois la SÉO comme un leader de l’espace francophone et bilingue pour le développement économique, l’employabilité et l’entrepreneuriat. Je vais tout mettre en œuvre pour qu’on remplisse bien nos mandats. On est un joueur majeur et j’ai l’intention qu’on le demeure dans les prochaines années.

Patrick Cloutier pense que la FGA va accélérer le développement économique francophone en Ontario. Gracieuseté

Inscrivez-vous votre mandat dans la continuité ou allez-vous réorienter certaines politiques, apporter une « touche Cloutier »?

Non, pas maintenant. On va continuer dans la même direction, au service de l’employabilité et, surtout, de l’entrepreneuriat. On est par exemple en train de développer, à l’interne, Espace entrepreneur, un programme de huit modules qui mettent à l’avant-plan l’entrepreneur, à travers des ateliers, du mentorat, de l’accompagnent personnalisé et du réseautage.

Les récents investissements de la province tendent à démontrer que l’Ontario s’intéresse au potentiel de l’économie francophone? Comment percevez-vous ce potentiel?

On est probablement au tout début du mouvement. On est d’ailleurs un des membres fondateurs de la Fédération des gens d’affaires de l’Ontario (FGA) qui entend faire progresser les intérêts socio-économiques de ses membres. Il faut vraiment que tous les organismes travaillent et collaborent ensemble, et ne se fassent plus compétition. Le développement économique francophone en Ontario est une valeur ajoutée pour le gouvernement et pour toute la population.

En quoi la FGA apporte une plus-value à la SÉO, et vice-versa?

Pour nous, c’est un avantage, car la FGA va faire connaître la SÉO auprès de ses partenaires et du gouvernement. Mais c’est aussi un avantage pour la FGA qui va profiter de la force de tous ses membres fondateurs, comme la SÉO, pour avoir plus de poids face au gouvernement pour aller chercher des appuis et des subventions.

Est-ce que la SÉO a les reins assez solides pour influencer les politiques?

Absolument. On a un comité de démarchage et certains de nos membres du conseil d’administration sont très présents au niveau politique. Ça porte ses fruits puisque plusieurs nouvelles demandes de financement ont été approuvées dernièrement et on a d’excellents programmes. La SÉO a le vent dans les voiles pour mettre en valeur de nouveaux projets dans les prochains mois.

Le dernier budget a-t-il vraiment répondu à la souffrance des petites entreprises face à la pandémie, selon vous?

L’aide annoncée dans le budget est essentielle et bien reçue, mais c’est certain que les entrepreneurs souffrent. Leurs lignes de crédit sont maximisées et ils manquent de liquidités. Pour la SÉO, c’est quand même un bon budget, mais il va falloir en avoir un peu plus dans les prochaines années parce que la COVID-19 est très dure pour les entrepreneurs. Je suis satisfait des mesures annoncées. On a vu des choses intéressantes, entre autres dans le tourisme avec 400 millions de dollars. On est nous-mêmes très investis dans le Tourisme avec la Route Champlain.

La Route Champlain n’a pas connu un réel succès de fréquentation jusqu’ici. Croyez-vous toujours en ce projet?

Oui. Même si 2020 a été beaucoup plus difficile au niveau touristique, la Route Champlain demeure un de nos programmes clés. On est à la phase 5 de l’entente et on va certainement reconduire nos financements. Je ne suis pas d’accord sur le fait que ça n’ait pas bien fonctionné. Je suis satisfait du programme. Les commentaires sont très positifs de mon côté. Je vais m’asseoir avec la gestionnaire dans les prochains jours pour voir la suite.

Patrick Cloutier entrevoit l’économie francophone comme un des moyens de sortir de la crise. Gracieuseté

Sur le plan personnel, qu’est-ce qui vous a amené en Ontario?

C’est l’amour de la francophonie ontarienne. J’ai été marqué par les luttes comme celle de l’hôpital Montfort. J’aime le peuple franco-ontarien. Il est très fier et se bat pour ne pas voir sa langue mourir. Je suis né à Québec et j’ai grandi dans la région d’Ottawa. Je demeure à Embrun depuis une dizaine d’années. Mon épouse est franco-ontarienne d’Alenxadria et mes enfants sont nés à l’Hôpital Montfort.

Au niveau familial, comment avez-vous vécu cette dernière année, sous le coup de la pandémie?

C’est très difficile, car ça nous empêche de voyager et d’avoir une vie normale. Mon garçon qui joue football compétitif, avait l’habitude d’aller partout en province : à Windsor, London, etc. Du jour au lendemain, comme tous les jeunes de l’Ontario, il s’est retrouvé privé de sport. C’est très difficile pour les jeunes et pour tout le monde, particulièrement pour la santé mentale. Mon épouse travaille à l’hôpital des enfants en santé mentale et l’effet sur les jeunes est très dévastateur.

Au niveau professionnel, est-ce que l’adaptation a été compliquée?

On a dû réinventer le contact avec les entrepreneurs, aller vers le télétravail et faire un virage numérique. Avant, on rencontrait les immigrants, face à face. Les rapports étaient plus directs et plus humains. Mais on s’est adapté pour répondre à une demande plus pressante. On a senti que les gens avaient des besoins plus importants pendant la pandémie, surtout dans le Nord de l’Ontario, qui connaît une grosse pénurie d’employés qualifiés. Les gens à bout de souffle avec les fermetures et réouvertures. On se doit d’être la pour les aider. On cherche des gens qualifiés prêts à déménager dans les communautés du Nord.

Comment résoudre ces problèmes récurrents de main d’œuvre dans le Nord?

Il n’y a pas de solution miracle, mais une des clés serait de faire connaître ces régions. À l’extérieur du pays, quand on vante le Canada et l’Ontario, on parle surtout des grandes villes. On oublie ces régions qui offrent des emplois bien rémunérés avec une qualité de vie extraordinaire : le grand air, la chasse, la pêche, les sports d’hiver. Il faut accentuer la visibilité de ces endroits.

La relance économique ontarienne passe-t-elle par les entreprises et les travailleurs francophones?

Absolument. Le développement économique francophone est une valeur ajoutée. Ça a été maintes fois prouvé. On ne règlera pas tout à nous seuls, mais on va faire partie de la solution. »


LES DATES-CLÉS DE PATRICK CLOUTIER

1970 : Naissance à Québec

2002 : Entre à la Société économique de l’Ontario (SÉO)

2016 : Devient directeur des finances de la SÉO

2021 : Devient directeur général de la SÉO

Chaque fin de semaine, ONFR rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.