Sports

Paul Poirier : « Si on ne pense qu’aux Jeux, tout devient trop grand, trop lourd à porter »

Paul Poirier et Piper Gilles ont bien débuté leur saison avec une sixième victoire en six ans à Saskatoon. Photo : Danielle Earl/Skate Canada

[ENTREVUE EXPRESS]

QUI :

Paul Poirier est un patineur artistique canadien originaire de Toronto. Depuis 2011, il forme avec Piper Gilles l’un des duos de danse sur glace les plus constants au monde. Ensemble, ils ont remporté deux titres aux Championnats des quatre continents et plusieurs médailles aux Mondiaux.

LE CONTEXTE :

Le duo Gilles-Poirier a débuté sa saison 2025-2026 au Grand Prix de Saskatchewan, où il s’est imposé pour la sixième année consécutive. Une victoire symbolique qui ouvre leur dernière ligne droite vers les Jeux olympiques d’hiver de 2026.

L’ENJEU :

Entre nouveaux programmes, gestion de l’énergie et réflexion sur la suite de sa carrière, Paul Poirier aborde une saison charnière qu’il veut à la fois sereine et ambitieuse.

« Il se murmure que cette saison pourrait être la dernière pour vous. Qu’en est-il réellement?

C’est une possibilité, oui. Pour être honnête, nous n’y pensons pas trop. Les Jeux olympiques qui approchent occupent toute notre attention pour l’instant.

Nous n’avons pas encore pris de décision, parce que nous voulons rester concentrés sur cette saison et sur la préparation. Une fois les Jeux terminés, nous verrons ce que nous voulons faire ensuite.

Vous venez de remporter le Grand Prix de Saskatchewan, votre sixième victoire consécutive dans cette compétition. Quelle importance accordez-vous à ce succès?

C’est une excellente manière de commencer la saison. Même si nous n’étions pas entièrement satisfaits, cette compétition nous a permis de voir ce qui fonctionne et ce qui doit encore être ajusté. C’est le premier test de la saison, celui qui montre où en sont les programmes dans un vrai contexte de performance, devant un public.

Certaines parties ont très bien marché, d’autres un peu moins, mais c’est normal. Si tout était parfait dès le départ, ce serait presque inquiétant. Cela voudrait dire qu’on a choisi la facilité. Nous aimons garder de la marge pour faire évoluer les programmes tout au long de la saison.

Piper Gilles et Paul Poirier ont présenté leur nouveau programme de danse rythmique en compétition internationale pour la première fois à Saskatoon. Photo : Danielle Earl/Skate Canada

Comment avez-vous conçu les programmes de cette année?

Pour la danse rythmique, le thème imposé est la musique des années 90. C’est une décennie que j’aime beaucoup, celle de mon enfance. C’est beaucoup de nostalgie, de souvenirs. Nous nous sommes inspirés de l’ère des supermodels et de la scène ballroom. C’est un programme plein d’énergie, d’attitude et de mouvement, avec une touche ludique et visuelle qui parle autant au public qu’à nous.

Pour la danse libre, nous avons choisi de revisiter Vincent, un programme que nous avions présenté il y a sept ans, inspiré du peintre Van Gogh. C’était un programme que nous aimions énormément, mais que nous trouvions inabouti à l’époque. Il n’avait pas pu atteindre tout son potentiel.

Nous avons donc voulu le recréer avec notre expérience et nos habiletés d’aujourd’hui. C’est une version plus aboutie, plus méditative, qui explore davantage la relation entre l’artiste et son œuvre.

À quoi ressemble votre calendrier avant les Jeux?

Après le Grand Prix de Saskatchewan, nous serons en Finlande la semaine prochaine, puis nous espérons nous qualifier pour la finale des Grands Prix au Japon début décembre. Ensuite, il y aura les championnats nationaux en janvier, qui seront la dernière étape avant la sélection olympique.

C’est un calendrier classique, mais dans une année olympique, chaque compétition a une résonance différente. Il faut performer à chaque étape, tout en gérant l’énergie. On veut arriver aux Jeux avec du rythme, de la confiance et un bon niveau de reconnaissance auprès des juges. Dans un sport jugé, cette dynamique compte énormément.

Paul Poirier et Piper Gilles ont totalisé 202,89 points au Grand Prix de Saskatchewan, un résultat qu’ils ont jugé perfectible malgré leur victoire. Photo : Danielle Earl/Skate Canada

Comment réussir à se concentrer sur chaque compétition sans penser uniquement aux Jeux dans une année olympique?

C’est une question d’équilibre. Si on ne pense qu’aux Jeux, tout devient trop grand, trop lourd à porter. Nous travaillons plutôt avec une série d’objectifs rapprochés : des objectifs pour chaque compétition, pour chaque semaine, parfois même pour chaque jour.

C’est comme ça qu’on garde le contrôle et qu’on avance sans se laisser submerger. Il y a aussi l’importance du momentum : si vous enchaînez de bonnes performances avant les Jeux, vous arrivez avec plus de confiance, et les juges aussi vous perçoivent comme un des couples forts. Tout cela fait partie de la préparation mentale.

Est-ce qu’à ce niveau, la prévention des blessures devient une préoccupation constante?

Oui, absolument. C’est probablement le plus grand défi de notre sport. Les blessures surviennent souvent par répétition, à force d’exécuter les mêmes mouvements des milliers de fois. Ce ne sont pas des gestes naturels pour le corps humain, donc il faut apprendre à en prendre soin.

Avec l’expérience, on sait mieux ce dont on a besoin : quand il faut se reposer, quand il faut pousser plus fort. La récupération fait partie intégrante de l’entraînement. Cela passe par les étirements, le travail avec les kinés et les massothérapeutes, le foam rolling, la nutrition, le sommeil…

En fait, à ce niveau, la vraie différence entre un athlète expérimenté et un jeune, c’est cette capacité à se connaître. On apprend à anticiper les signaux du corps, à prévenir avant de corriger. On ne peut pas tout contrôler, bien sûr, mais on fait tout ce qu’on peut pour éviter les blessures évitables. »