Pierre Leroux, élu par acclamation à Russell : « la communication avec les citoyens, c’est ça l’important »

Pierre Leroux a été élu par acclamation dans la municipalité de Russell. Gracieuseté

[ENTREVUE EXPRESS]

QUI :

Pierre Leroux est maire de Russell, un mandat qu’il occupe pour une troisième fois. Il a été élu par acclamation. Natif de Vanier, Pierre Leroux habite Russell depuis 2001. Son attachement à sa communauté est forte et il regorge d’idées pour la garder vivante et en bonne santé.

 LE CONTEXTE :

Russell est située à la frontière sud-est de la Ville d’Ottawa, la municipalité se trouve dans les Comtés unis de Prescott et Russell. Avec près de 20 000 habitants, la ville a connu un essor de population ces quatre dernières années, plus 18,6% selon le dernier recensement de Statistique Canada. Principalement bilingue, la ville reste majoritairement anglophone. Le maire, lui, est Franco-Ontarien.

L‘ENJEU : 

Son leitmotiv : la communication. Pierre Leroux est proche des citoyens et se veut à l’écoute des gens, des nouvelles idées. Ce qui l’importe, c’est le sens de la communauté et le travail d’équipe. Élu par acclamation, il n’en demeure que pour lui, ce n’est pas le jeu de la démocratie. Il veut sensibiliser les habitants à la politique et aux enjeux municipaux.

« Comment vous est venue l’envie d’être le maire de Russell?

Je n’ai jamais eu d’intérêt dans la vie politique durant ma jeunesse, mais il doit y avoir 15 ans de cela, j’ai rencontré le maire de Russell et je me souviens qu’il m’avait fait un commentaire que je n’avais pas aimé. Je l’ai partagé avec mes amis un soir, puis ils ont commencé à me dire que je n’avais qu’à devenir conseiller municipal. Sauf que je ne connaissais rien n’a la politique, vraiment rien. Ils me disaient : « regarde, tu tiens un dépanneur, tu connais tout le monde ». Alors, je suis devenu conseiller et je suis tombé en amour avec le poste. Quatre ans après, j’étais fier de mettre mon nom une deuxième fois comme conseiller, mais le maire est décédé subitement en pleine élection.

Je ne le savais pas, mais il paraît qu’il m’aurait voulu comme son remplaçant. De nombreuses personnes sont venues me solliciter. Je venais de commencer le collège, j’avais toujours voulu faire le collège, excepté que deux mois plus tard, j’ai été élu maire, alors j’ai laissé faire le collège. Depuis, j’ai quand même fait d’autres enseignements à distance et maintenant, j’ai quelques certificats de l’Université de Dalhousie en administration des gouvernements locaux.

J’ai donc fait un terme de conseiller et j’entame mon troisième mandat de maire

À quoi ressemble une journée dans les souliers du maire de Russell?

Je me lève à 3h30 et je m’en vais faire mon sport tous les matins. À 5h30, je suis sur mon iPad, je m’occupe de mes courriels, je rattrape ce que j’ai manqué. Les journées varient, je suis assez actif sur les médias sociaux, je parle beaucoup avec les citoyens en ligne, je dois être accessible. Je réponds aux questions, à toutes les discussions et aux appels avec parfois des délais, mais j’essaie de faire du mieux que je peux.

Je siège aussi à la Conservation de la Nation Sud et je suis sur le comité EORN (Eastern Ontario regional network), c’est le service des télécommunications. Mes journées peuvent vite être très remplies, surtout dans une municipalité en pleine croissance comme Russell.

La municipalité de Russell compte près de 20 000 habitants. Ces quatre dernières années, la population a augmenté de 18.6%. Source : Facebook/Municipalité de Russell Township

Vous avez été élu par acclamation. Sans concurrence en face, que pensez-vous de cette situation?

C’est un couteau tranchant des deux bords. D’un côté personnel, je suis content de pouvoir jouer le rôle de maire, que j’adore. Je n’ai pas non plus la pression de l’élection, mais d’un autre côté ce n’est pas comme ça que la démocratie devrait fonctionner.

Tu veux avoir des différentes opinions au sein de la population, c’est normal et c’est même intéressant. Cela permet d’avoir des interactions et que la population ait la chance de questionner les opinions des candidats. Quand tu es choisi, tu sais que tu as le mandat de la population.

Beaucoup me disent d’être fier parce que ça veut dire que j’ai fait une bonne job si personne ne se présente en face, mais si c’est vraiment le cas, je ne le sais pas.

Ce nouveau mandat vous offre une chance de continuer votre travail, que voudriez-vous améliorer?

Il y a tout le temps de la place pour améliorer, j’aime entendre les nouvelles idées. J’aime entendre ce que le conseil pense de la direction à venir. Ce n’est pas parce que je suis acclamé qu’il faut ne rien faire, bien au contraire. Il faut que j’écoute les gens et qu’ils soient tous représentés. J’aime réellement travailler avec les conseillers et qu’on amène le bateau dans la même direction. Je prends ça très au sérieux. On est une équipe, il faut travailler ensemble et je veux être certain qu’à la table du conseil, on a du respect pour tout le monde.

Qu’est-ce qui fait, selon vous, que le monde politique, notamment municipal, ait tant de difficulté à se démocratiser?

Le monde s’implique quand quelque chose les affecte directement. Le niveau de gouvernance municipal est celui qui affecte le plus les citoyens, mais le monde ignore cela. J’ai peur que l’intérêt chute surtout pour les conseillers scolaires. Nous allons combler nos postes, mais certaines municipalités manquent de candidatures.

J’essaie d’éduquer la population pour sensibiliser les gens. Je fais des entrevues avec les candidats et les candidates aux postes de conseillers. Ces entrevues sont d’ailleurs visibles en ligne en ce moment même. J’ai fait ça pour que les gens puissent assister en direct et puissent poser leurs questions. J’essaie de faire en sorte que les citoyens se sentent concernés.

Quelles sont les raisons, d’après vous, qui repoussent les gens à s’investir en politique?

Je pense qu’il y a deux facteurs. Déjà, je crois qu’il y a la pression des médias sociaux. Il faut être capable de se protéger des attaques. Je suis très impliqué sur les médias et depuis la COVID-19, je constate quand même que les politiciens se font vraiment attaquer sur les réseaux.

Puis, on est dans un secteur très rural, il n’y a pas une grande diversité donc les personnes qui deviennent conseillers sont souvent à la retraite. L’autre chose, c’est que les salaires de conseillers sont bas. Pour s’en sortir, il faut soit être à la retraite et cumuler avec une pension ou comme moi, avoir eu une entreprise et avoir pris des bonnes décisions financières dans sa vie. Encore là, le monde s’implique, mais de demander à quelqu’un de mettre sa carrière en pause, ça peut être très difficile.

Pierre Leroux démarre un troisième mandat, l’absence de concurrence l’inquiète sur l’état de la démocratie. Source : Facebook/Pierre Leroux

Ceux qui sont passionnés par la communauté, ils sont aussi présents bénévolement. La réalité d’un politicien, c’est que quoi que tu fasses, quelqu’un ne sera pas content avec ta décision.

Avec le projet de Ford pour Ottawa et Toronto, plus de pouvoirs pour les maires, il pourra apporter ça à d’autres municipalités. Cela va créer un autre niveau de responsabilité.

Quels sont les enjeux que l’on retrouve dans une municipalité comme Russell?

On est chanceux dans la municipalité de Russell, on met en place des projets depuis plusieurs années qui se passent très bien. Je n’ai pas l’impression qu’il y a de gros problèmes. On est la municipalité avec le taux de croissance le plus rapide de l’Est ontarien. Disons que les enjeux sont liés aux attentes des gens qui viennent de l’extérieur. Souvent, ils s’attendent aux mêmes avantages que ceux d’une grosse ville et évidemment, ce n’est pas toujours possible. Entre 2016 et 2021, on a augmenté de 18,6% de population. Nous sommes environ 20 000 habitants, le salaire médian est assez bon, nous avons de nombreux employés du gouvernement et du corps de police. Russell, c’est aussi 82% de terres agricoles, on est très familial avec neuf écoles et une population quasi bilingue.  

Alors justement, quelle est la place du français à Russell?

Je dirais que le pourcentage purement francophone, c’est juste 4% ou 5% de la population. Les bilingues sont plus nombreux. On a constaté que beaucoup d’anglophones se sont installés ici pour que leurs enfants grandissent en français.

Moi, je suis franglais pas mal. J’ai été élevé un bord anglais, un bord français même si je viens de Vanier à la base. Je me suis installé à Russell en 2001, quand on a commencé à avoir des enfants et l’envie d’un terrain plus grand. Et surtout, vivre en français, ici, c’est possible. On a ouvert notre entreprise de dépanneurs, qu’on a gardé pendant 17 ans, et honnêtement Russell est une super place pour élever ses enfants.

Il semble que vous portez beaucoup d’intérêts aux médias sociaux et plus largement aux outils de communication. Pourquoi un tel engouement?

C’est quelque chose que j’ai fixé tôt dans ma carrière : la communication avec les gens. La communication avec les citoyens, c’est ça l’important. Les médias sociaux, c’est une porte d’entrée, mais on ne va pas résoudre les problèmes là-dessus. On redirige les gens vers les bons services. En étant présent sur les réseaux, on peut communiquer facilement. Je suis très présent sur Facebook puis ce sont surtout les gens de mon âge. Je suis sur Instagram, mais je ne suis pas encore sur TikTok.

Je suis très ouvert là-dessus parce que je place la communication comme priorité. On en discute avec les professeurs et les directeurs des écoles. Je m’en vais faire des présentations dans les écoles pour parler des enjeux municipaux. J’ai trois jeunes garçons et déjà là ce n’est pas facile de leur faire comprendre la politique donc c’est définitivement un enjeu.

Pour faire campagne, le maire de Russell a mis en place un système de donation peu ordinaire. Source : Facebook/Pierre Leroux

Quelle est votre priorité en tant que maire?

Je crois qu’il faut un juste milieu et que le monde travaille ensemble. C’est dans cette idée que j’avais commencé à faire campagne. Au lieu de faire des pancartes électorales, j’ai placé des silhouettes de moi dans quelques commerces, les gens devaient se prendre en selfie avec et les mettre sur ma page. Pour chaque photo, je donnais deux dollars pour un projet local. Je préfère investir dans ma communauté que de payer pour des pancartes. En comptant la participation des commerces en plus, je crois que l’on a amassé 75 000$ pour des projets locaux.

Qu’est-ce qui vous tient à cœur?

D’abord, j’aime ma communauté et ma famille évidemment, mais je suis aussi un geek dans le cœur. J’aime les comics books et les films. C’est nouveau dans ma vie, mais ce qui me tient à cœur, c’est la santé mentale et la santé physique. Je veux m’améliorer continuellement.

J’adore le rôle de maire et si les gens sont prêts à me voir là un bout, je suis partant pour faire ça le restant de mes jours. Je suis devenu maire à 39 ans pour la première fois, aujourd’hui, j’ai 47 ans. Il faut juste avoir du fun parce que la vie est trop courte. »