Place des minorités ethnoculturelles : l’AFO recolle les morceaux
TORONTO – Rendu public ce vendredi, le rapport de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) sur la place des minorités visibles, identifie plusieurs pistes d’action pour réduire la fracture entre francophonie « de souche » et la francophonie plurielle. Un vaste chantier qui commence par la création d’un comité.
La synthèse des consultations menées, il y a un an, auprès d’une centaine de personnes issues des minorités raciales et ethnoculturelles francophones (MREF) à Toronto, London, Sudbury et Ottawa en 2018, vient d’être dévoilée.
Intitulé Par, pour et avec – Pour forger une cohésion dans la diversité, le document de 35 pages dresse un constat alarmant qui ne souffre d’aucune contestation en Ontario français : celui d’une « fracture » entre la communauté « de souche » et le reste des francophones. Ce déficit d’inclusion a de multiples répercussions sur la francophonie provinciale comme celle de se couper d’une partie de la jeunesse et donc de l’avenir.
« Les MREF représentent 10 % de la population francophone de la province », pointe la rapporteuse Léonie Tchatat. « Elles font face au défi constant d’exclusion et de marginalisation, ce qui les place dans une situation de vulnérabilité relative. Cela résulte naturellement en un sentiment de non-équité et de non-appartenance à la communauté francophone. »
Des recommandations assez vagues
Rédigées sous forme de pistes d’action, les dix recommandations qui émergent des débats régionaux demeurent cependant assez vagues sur un dossier ciblé comme urgent. Parmi les principales, notons :
- Parler davantage d’inclusion et moins d’intégration
- Améliorer le dialogue entre l’AFO et la communauté MREF
- Mettre en place des tables de concertation par et pour les MREF
- Établir un plan de l’AFO proposant des engagements concrets
Les questions de sémantique (parler d’inclusion plutôt que d’intégration ou encore trouver un autre terme que MREF pour désigner la communauté) éclipsent quelque peu des mesures concrètes, jusque sur la question d’une stratégie pour répondre au sous-financement des organismes représentant ou desservant les minorités visibles.
Prêt à modifier la structure de gouvernance
Sur le front des actions concrètes, l’AFO s’en remet donc à la création d’un comité chargé d’affiner les mécanismes et la façon de procéder de l’AFO.
Peter Hominuk, le directeur général de l’organisation porte-parole des Franco-Ontariens, a confié à ONFR+ l’ouverture imminente d’un processus de sélection pour y siéger. « On va lancer, en début de semaine prochaine, un appel aux gens afin qu’ils soumettent leur candidature », confie-t-il.
Les 20 à 25 personnes choisies se réuniront régulièrement, deux fois en personne et deux fois en vidéoconférence, avec pour objectif, fin mars, d’élaborer des recommandations et une méthodologie. Un calendrier propice à insérer les décisions prises dans le renouvellement du plan stratégique communautaire de l’organisme.
« On va ainsi s’assurer que la communauté MREF est très présente pour les cinq prochaines années, en étant plus spécifique dans notre mandat », justifie le directeur général, qui va plus loin.
« Notre intention est de militer pour obtenir plus de fonds. Nous le faisions déjà mais on va intensifier cela », insiste-t-il. « On est aussi ouvert à revoir la structure de la gouvernance si le comité le demande. »
Actuellement, deux personnes issues des MREF siègent au conseil d’administration. L’AFO pourrait par exemple changer la façon dont les membres sont élus. « Toutes les initiatives qui permettront un rapprochement de tout le monde nous intéressent. On va s’assurer de communiquer plus et mieux pour faire en sorte que la communauté soit unie. »
Peu de réactions dans la communauté
Il a été très difficile de prendre le pouls de la communauté à la suite de la publication du rapport. « Demandez à l’AFO », nous ont répondu plusieurs intervenants, partie prenante des tables rondes.
Il faut dire que la parution du rapport a grandement tardé. Dans un article paru l’été dernier, ONFR+ révélait que le document avait été remis dès mars 2019 à l’AFO par sa rédactrice, Léonie Tchatat, mais sa diffusion reportée.
À cette même période, La Passerelle-I.D.É – dont elle est la directrice générale – se trouvait embourbée dans des allégations du Toronto Star. C’est donc finalement une fin de semaine, à deux jours des élections fédérales, que l’AFO a retenue pour divulguer les conclusions du rapport.
Le président de la Coalition des noirs francophones de l’Ontario, Jean-Marie Vianney, en salue la qualité. « Il est temps que nous prenions cela en main et que nous établissions des modèles qui vont répondre aux besoins de notre communauté en travaillant avec la communauté d’accueil », déclare-t-il, indiquant que son organisme est prêt à collaborer pour la nomination des membres du comité qui peut « contribuer à un grand avancement pour l’inclusion et la diversité. »
« Le titre du rapport démontre une avancée, une volonté de modifier les lectures rétrogrades de la francophonie de Mme Bombardier », estime-t-il. « Le rapport met les responsabilités à l’AFO mais aussi au groupe MREF. »