Sol Mamakwa, député néo-démocrate de Kiiwetinoong, parle aux médias après avoir marqué l'histoire en s'exprimant dans sa langue native, une première pour l'Assemblée législative de l'Ontario. Photo : ONFR/Sandra Padovani

TORONTO – Le député néo-démocrate de Kiiwetinoong, Sol Mamakwa, seul élu membre des Premières Nations siégeant à Queen’s Park, a marqué l’histoire ce mardi en s’exprimant en anishininiimowin. Une première pour la chambre législative de l’Ontario, qui autorisera désormais les langues autochtones à être utilisées dans l’enceinte de la chambre.

C’est face à une chambre comble et sous des tonnerres d’applaudissements de toute part que Sol Mamakwa a donné un discours historique d’une dizaine de minutes dans sa langue autochtone anishininiimowin.

En effet, pour la première fois, le Parlement ontarien a autorisé une langue autre que le français et l’anglais, à être officiellement parlée, interprétée et retranscrite dans l’enceinte de la chambre.

« Dans le passé, on nous a interdit de nous exprimer dans nos langues natives (en référence aux pensionnats autochtones). On nous a dit que jamais ce ne serait permis au Parlement et, aujourd’hui, ça le devient », a-t-il déclaré avec émotion.

De poursuivre : « Je me sens très reconnaissant de pouvoir m’exprimer dans ma langue et d’incarner ma culture et je m’en sens plus fort. Que l’on continue à lutter pour nos droits avec tous les gouvernements et je prie en ce jour historique qu’on puisse autoriser à parler ces langues autochtones dans d’autres chambres au Canada. »

Après son discours acclamé, Sol Mamakwa a également ouvert la marche de la période des questions en anishininiimowin, en lien avec des problématiques autochtones, levant la question de la pénurie des lits de soins de longue durée à Sioux Lookout.

« Le manque de lits de soins de longue conduit les unités d’urgence à utiliser leurs lits pour des aînés. Est-ce la province va s’assurer qu’ils aient les ressources dont ils ont besoin et qu’il y aura un financement pour le permettre? »

Stan Cho, le ministre de Soins de longue durée l’a invité à en discuter ensemble pour trouver des solutions pour la communauté de Sioux Lookout, précédant une intervention du premier ministre ontarien.

« Je suis fier de vous et de ce que vous faites. Je m’engage à construire cet établissement de soins de longue durée », a promis Doug Ford avant de se lever et de rejoindre Sol Mamakwa au centre de la chambre pour lui serrer la main.

Photo : ONFR/Sandra Padovani

Un pas de géant pour les droits des Premières Nations

En mars dernier, à l’occasion d’un discours lors d’une réception, le député de Kiiwetinoong avait déploré ne pas pouvoir parler son propre langage à l’Assemblée.

S’en étaient suivies des discussions entre lui et le leader parlementaire et ministre du Logement Paul Calandra, incrédule face à cette déclaration, n’étant pas au courant de la règle archaïque datant de 1867 interdisant l’usage des langues autochtones.

Sol Mamakwa lui avait alors rappelé ses tentatives pour parler en anishininiimowin par le passé, interrompues à chaque fois par le président de la chambre Ted Arnott

À la lumière de ces informations, Paul Calandra avait ensuite pris les choses en main et entrepris les démarches pour faire changer le règlement autorisant tous les futurs membres autochtones du parlement provincial à parler leur langue, sous couvert d’informer préalablement le greffier sur la langue en question pour l’organisation de l’interprétation et de la traduction en interne.

« Il s’agit d’un moment historique pour les peuples autochtones de l’Ontario. Il renforce le capital symbolique des langues autochtones (souvent reléguées à la sphère privée et au passé), surmontant ainsi la honte associée à celles-ci », a réagi Darren O’Toole, professeur à la Faculté de droit et à l’École d’études politiques à l’Université d’Ottawa.

« C’est un pas simple vers la réconciliation »
— Sol Mamakwa

« Nous sommes si fiers de notre collègue. Ce jour marque un pas important et j’espère vraiment qu’on verra d’autres législatures provinciales et le parlement fédéral mettre en place des changements et règlements similaires », a souligné la cheffe du NPD Marit Stiles aux journalistes, juste après la session parlementaire.

À ses côtés, Sol Mamakwa a lui aussi exprimé son sentiment aux médias : « C’est monumental pour moi. Quand j’ai commencé mon discours, j’ai eu l’impression par automatisme que j’enfreignais les règles et les lois de la chambre. Puis je me suis rappelé qu’il n’y a rien de mal à parler ces langues. C’est l’anniversaire de ma mère aujourd’hui et j’ai pu parler ma langue natale, je suis très fier. »

« C’est un bon jour. Non. C’est un jour formidable, a-t-il corrigé. J’appelle d’autres parlements et la Colline parlementaire à en faire de même, à arrêter d’être colonialistes. C’est un pas simple vers la réconciliation », a-t-il conclu.