Près d’un million de dollars pour aider en français les victimes de la traite des personnes dans le Niagara
WELLAND – Soutien psychothérapeutique, sensibilisation, prévention, aiguillage vers les ressources disponibles… Le Centre de santé communautaire Hamilton/Niagara (CSCHN) a reçu un appui provincial de plus de 940 000 $ sur cinq ans afin d’offrir des services en français aux jeunes à risque.
L’Ontario est une plaque tournante de la traite des personnes et l’extrême sud de la province n’échappe pas au phénomène. La région très touristique du Niagara attire de nombreuses jeunes femmes en quête d’emploi dans le monde de la nuit.
« Ce sont des femmes qui viennent du Québec. Elles commencent comme danseuses mais, pour s’en aller de ce milieu, elles doivent recruter de nouvelles danseuses à leur tour, sinon elles sont mal prises et recrutées à des fins sexuelles. Dans ce milieu, on appelle ça de la fresh meat : il y a de la nouveauté tous les week-ends », explique Loubna Moric.
La coordonnatrice de l’Équipe contre la violence et les agressions sexuelles, au CSCHN, décrit un piège qui se referme alors sur les victimes. Dans la région de Hamilton, le portrait est sensiblement différent mais le résultat identique : « Ce sont en général de nouvelles arrivantes qui sont vulnérables, soit à cause de la barrière de la langue, soit financièrement », poursuit Mme Moric.
Deux tiers des victimes en Ontario : « Ça ne fait qu’augmenter »
Deux tiers des victimes de la traite des personnes le sont en Ontario. 1,9 % des victimes sont de la région de St. Catharines et du Niagara, 4,4% de Hamilton. « Ca ne fait qu’augmenter », alerte Mme Moric.
Alors, pour faire face à la recrudescence de ce trafic, son équipe sera désormais soutenue par la province pour apporter des services en français, notamment par le biais d’une campagne de sensibilisation et de prévention dans les écoles.
Les deux conseils scolaires francophones de la région sont partenaires du programme, ce qui revêt une importance capitale pour Mme Moric qui travaille aussi en lien étroit avec la police.
« Les écoles, les centres commerciaux, l’internet sont des lieux de recrutement. C’est donc important d’en parler et plus seulement aux élèves de 11e et 12e année. On s’est rendu compte que c’était trop tard car les statistiques démontrent que le recrutement débute dès l’âge de 13 ans. On a donc renforcé notre présence à partir de la 7e année. »
La directrice générale du CSCHN, France Vaillancourt, voit dans ce financement la « reconnaissance de la barrière de la langue dans la traite des personnes, ce qui permettra de mettre en place des outils plus efficaces pour sortir les victimes de ce monde-là ».
Un sujet tabou dans les familles
« On veut surtout axer sur la sensibilisation car c’est encore un sujet tabou et il faut que les familles puissent identifier les situations problématiques pour leurs enfants quand ils sont à risque. »
Son centre de santé milite pour la création d’un abri francophone pour les jeunes et planche sur la mise en place d’une table de coalition francophone contre la traite des personnes, à l’échelle de la province, une instance qui faciliterait les collaborations interprovinciales. Neuf employés travaillent au sein du département de lutte contre la violence, dont trois sont affectés à la question de la traite des personnes avec le soutien d’une thérapeute spécialisée.
« Cet investissement permettra d’augmenter les services en français destinés aux enfants et aux jeunes qui ont été victimes de la traite des personnes ou qui sont à risque, ce qui permettra de veiller à ce que davantage de jeunes aient accès à l’aide dont ils ont besoin pour rester en sécurité et se rétablir », souligne Jane McKenna, ministre associée déléguée au dossier de l’Enfance et à la Condition féminine.
« Le fait d’accroître la disponibilité des services en français et la sensibilisation de la communauté francophone de cette région permettra de protéger un plus grand nombre d’enfants et de jeunes contre ce crime », a affirmé Caroline Mulroney, ministre des Affaires francophones.
Cet investissement s’inscrit dans le cadre de la Stratégie ontarienne de lutte contre la traite des personnes, dotée d’un budget de 307 millions de dollars, qui vise à sensibiliser au problème, à protéger les victimes et à intervenir de façon précoce, à soutenir les survivantes et les survivants et à tenir les contrevenants responsables.