Programme national de garderies : les francophones attendent plus
OTTAWA – Le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, Jean-Yves Duclos, a dévoilé les contours du nouveau programme national de garderies qui pourrait, entre autres, permettre d’accroître l’offre de services en petite enfance dans les communautés francophones de l’extérieur du Québec. Mais les garanties manquent, jugent les francophones.
L’entente multilatérale prévoit le transfert d’une somme de 7,5 milliards de dollars sur 11 ans du gouvernement fédéral vers les provinces et les territoires pour améliorer les services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants.
Cette somme est assortie de plusieurs règles fixées par Ottawa, dont celles de prioriser les programmes pour les enfants de moins de six ans et de viser les familles en difficultés, comme les familles à faible revenu, les familles monoparentales ou encore celles qui ont des horaires de travail non conventionnels. Les provinces et les territoires ne pourront pas non plus financer des programmes existants avec ces nouveaux fonds fédéraux.
L’entente précise aussi l’importance de reconnaître « les besoins particuliers des communautés francophones et anglophones minoritaires ».
« Il est important de s’occuper des barrières auxquelles font face nos communautés de langue officielle en situation minoritaire pour grandir, vivre et être éduquées dans leur langue. Leurs besoins sont reconnus dans cette entente et des actions plus précises seront déterminées dans les ententes bilatérales », explique le ministre Duclos.
Le choix restera toutefois entre les mains des provinces et territoires qui négocieront une entente bilatérale de trois ans avec Ottawa, dans laquelle chaque gouvernement pourra définir des critères particuliers selon ses besoins, tout en respectant le cadre national.
« Nous avons de très bonnes raisons de croire que ces ententes leur feront une place appropriée », ajoute le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social.
Les francophones attendent de voir
Le directeur général de la Commission nationale des parents francophones (CNPF), Jean-Luc Racine, se dit satisfait de l’entente, mais attend encore de voir.
« Nous travaillons avec le ministre Duclos qui connaît bien nos besoins et qui y est sensible. Nous allons lui transmettre toute l’information nécessaire pour garantir que chaque entente bilatérale comprenne des clauses précises et des mesures concrètes et positives pour les communautés francophones. Cela pourrait être une somme spécifique consacrée aux services de garde en français et la création d’un nombre de places en garderie garanti pour les jeunes francophones. Il faut qu’il y ait au moins une de ces deux mesures dans les ententes bilatérales car les besoins sont énormes. »
Dans un rapport intitulé La petite enfance : vecteur de vitalité des communautés francophones en situation minoritaire et publié en octobre dernier, le commissaire aux langues officielles du Canada de l’époque, Graham Fraser insistait sur le rôle du gouvernement fédéral dans le développement de la petite enfance dans les communautés francophones et sur le manque de ressources. Pourtant la demande est là, insiste la présidente de la Fédération nationales des conseils scolaires francophones, Melinda Chartrand, dans un communiqué.
« Au Nunavut, il en coûte 60$ par jour pour avoir accès au service de garde de la commission scolaire francophone qui compte une quinzaine de places alors que quatre fois plus d‘enfants sont encore sur une liste d’attente. En Nouvelle-Écosse, le programme Grandir en français qui s’adresse aux 4 à 5 ans a vu une augmentation fulgurante en dix ans du nombre de bambins inscrits au programme : de 33, ils sont passés maintenant à près de 450! Ces exemples démontrent que plusieurs de nos conseils scolaires font face à une forte demande pour des services de garde en français. Cela est compréhensible puisque, là où la langue et l’identité prennent racine, c’est la petite enfance. »
Le vice-président de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF), Mario Pelletier, aurait voulu que le gouvernement fédéral aille plus loin.
« Les besoins sont là et ce n’est pas toujours facile d’une province à l’autre car, comme on l’a vu dans le passé, on ne sait pas toujours à quoi servent les sommes transférées par le gouvernement fédéral ni où elles sont redirigées. Les garderies bilingues ne répondent pas à nos besoins et on aurait donc aimé qu’une somme précise soit identifiée dès aujourd’hui sur ces 7,5 milliards de dollars, réservée aux services de garde en français dans nos communautés francophones. Nous voulons notre part! »
L’Ontario tiendra compte des francophones, dit la ministre
En Ontario, la ministre responsable de la Petite enfance et de la garde d’enfants, Indira Naidoo-Harris, juge l’entente « historique ».
« Cette entente va nous permettre d’aller de l’avant dans ce dossier avec une vision commune. (…) Cela nous donne la flexibilité nécessaire pour travailler selon nos besoins. Cette entente et ses critères s’agencent bien avec ce que nous faisons déjà. »
La ministre ontarienne assure que la communauté franco-ontarienne ne sera pas oubliée dans les négociations bilatérales avec Ottawa.
« Nous avons eu de nombreuses consultations à travers la province avant cette entente, avons visité plus de vingt communautés et parlé avec des milliers d’Ontariens. Les Franco-Ontariens ont eux-aussi participé à ces consultations et nous savons très bien quels sont leurs besoins. Nous allons travailler fort pour y répondre. »