TORONTO – Alors que le groupe Meta interdit les nouvelles canadiennes sur Facebook et Instagram depuis août, en réponse à la Loi sur les nouvelles en ligne (Online News Act), qui requiert une rémunération envers les organes de presse, ceux-ci ont dû s’adapter. Pour les médias franco-ontariens, digitaux particulièrement, dont la présence en ligne est capitale pour la diffusion au lectorat, de nouvelles stratégies s’imposent : contourner l’algorithme des médias sociaux ou encore recentrer sur les sources mères de l’information.

Après Meta, c’est le géant du web Google qui a annoncé que si un accord n’était pas trouvé avec le gouvernement canadien, il mettrait à exécution le blocage des liens journalistiques lors de l’entrée en vigueur de C-18, soit à la fin de l’année, en décembre.

Le professeur en journalisme, Samuel Lamoureux, nous confiait qu’une baisse de visibilité des contenus de l’ordre de 60% était à dénoter sur Facebook, plateforme sur laquelle de nombreux médias comptent pour la diffusion de leurs articles.

Julien Cayouette, directeur de l’information du journal Le Voyageur, explique avoir trouvé une stratégie de contournement provisoire, et ce, sur la plateforme elle-même.

« Nous avons pour l’instant trouvé une façon d’indiquer sur Facebook que nous avons de nouveaux textes sur le site web en publiant un message contenant une photo, un lien simple avec un espace en plus, pour que Facebook n’identifie pas le site web, et une courte description. Nous les diffusons sur les groupes de cette façon. »

Julien Cayouette, directeur de l’information du journal Le Voyageur. Gracieuseté

Si certains administrateurs de groupes Facebook relayant les nouvelles franco-ontariennes ont décidé de ne pas interférer et de laisser les publications abonder de façon organique, certains décident d’agir en soutien aux médias.

André Lefort, administrateur de Franco-Ontariens du Nord de l’Ontario, est d’avis que cette situation doit nous pousser à être plus créatifs. Il a ainsi décidé de résumer par écrit les actualités sous forme de revue de presse aux lecteurs.

Mathieu Fortin, du groupe Je suis Franco-Ontarien/Franco-Ontarienne, nous indique avoir créé un article « répertoire » des médias franco-ontariens : https://buzzfortin.com/repertoire-des-medias-franco-ontariens-et-la-loi-c-18/.

« Le ban de Méta envoie un message important aux médias : diversifiez vos sources et vos réseaux de publications et habituez les gens à venir chercher vos nouvelles ailleurs que sur des plateformes dont vous n’êtes pas le maitre absolu. Je trouve cela triste et même dangereux pour la survie des médias en milieu minoritaire », déclare celui-ci.

Son idée pour aider les journalistes : créer un potentiel bulletin d’information du type revue de presse en Facebook Live. « Je pense que les médias sont en période de questionnement. La porte est ouverte pour voir comment nous pouvons travailler ensemble », conclut-il.

Se passer des plateformes Meta

D’autres médias misent désormais sur le fait de se passer des plateformes de Meta.

Dans une déclaration officielle, CBC/Radio-Canada dénonce que « la décision de Meta de bloquer l’accès des Canadiens à des sources locales d’information vérifiée et digne de confiance » est « irresponsable et constitue un abus de sa position dominante dans le marché ».

« C’est d’autant plus vrai à un moment où la population en a besoin pour rester à l’abri des événements météorologiques sans précédent au pays », indique Marc Pichette, premier directeur, Promotion et Relations publiques chez la société d’État.

Ce dernier explique que la position du groupe est d’encourager le public à se rendre directement sur les sites web de médias de confiance pour trouver l’information dont ils ont besoin.

Le rédacteur en chef de l-express.ca, François Bergeron, explique que seulement 5% de leurs lecteurs provenaient de liens d’articles partagés sur Facebook et 1% sur Instagram.

« Nous nous recentrons sur Twitter et LinkedIn. Nous développons aussi sur Facebook une façon de partager nos articles sans le lien, mais avec des instructions faciles pour le trouver. Et nous développons des stratégies de promotion de notre média et de son infolettre. »

Marc St-Hilaire, directeur général Le Quotidien, groupe Les Coops de l’information. Gracieuseté

Il ajoute craindre l’impact bien plus important qu’aura une suspension des liens de médias d’information canadiens comme résultats de recherche Google, ce qui « représente actuellement environ 40% des lecteurs de notre média numérique ».

Pour Marc St-Hilaire, directeur général du Quotidien du groupe Les Coops de l’information (dont Le Droit, Le Nouvelliste, Le Soleil, La Tribune, etc.), l’enjeu est vraiment de briser l’habitude d’aller prendre l’information sur Facebook pour aller la chercher sur les plateformes du groupe média.

« Peu importe les actions qu’on va entreprendre, on est conscient qu’on ne pourra pas avoir le même flux de lecteurs que via Facebook, mais si on peut aller chercher une fraction de ce qu’on perd avec ce blocage, ce sera déjà une victoire. »

Retour aux sources mères de l’information

Le mot d’ordre pour de nombreux médias en ligne est le retour aux sites internet. Marc St-Hilaire ajoute que des campagnes publicitaires et marketing sont déployées pour inciter le lecteur à aller à la source.

« Nous faisons confiance au processus et aux parties prenantes pour arriver à un dénouement. Mais si ça devait perdurer, il faudrait faire émerger une solution alternative durable, qui assurément ne se fera pas du jour au lendemain », modère celui-ci.

« Les réseaux sociaux aléatoires n’ont jamais été de bons moyens de s’informer » – François Bergeron

Autre outil mis en avant par les médias en cette période de bouleversement sur les médias sociaux, l’infolettre.

« Notre infolettre était déjà bien rodée, alors nous poursuivons. Un des avantages de cette crise sera peut-être de nous avoir apporté quelques inscriptions de plus pour notre infolettre gratuite et même quelques abonnements de plus », relativise Julien Cayouette du journal Le Voyageur.

D’ajouter : « Et c’est peut-être là l’un des avantages des journaux qui ont encore des éditions papier ou numérique. Nous avons encore ce moyen de diffusion qui intéresse toujours des lecteurs. »

François Bergeron de l’-express.ca y voit également une opportunité pour les lecteurs de prendre de meilleures habitudes de consommation de l’information : « Aller directement sur les sites de leurs médias préférés, recevoir les infolettres des médias par courriel, et les alertes des médias sur leur téléphone ». « Les réseaux sociaux aléatoires n’ont jamais été de bons moyens de s’informer », conclut celui-ci.

François Bergeron, rédacteur en chef de l-express.ca. Gracieuseté