Natacha Castor, qui a grandi à Montréal, réside désormais à Oshawa. Photo : gracieuseté de Natacha Castor

OSHAWA – Arrivée d’Haïti à un très jeune âge, Natacha Castor, qui a grandi et vécu dans la Belle Province, est Québécoise avant tout. Venue vivre en Ontario il y a une dizaine d’années, elle s’expose alors au choc des cultures, presque une seconde immigration. Forte de ses origines riches et multiples, elle découvre sa langue française autrement, comme vecteur d’identité, de revendication, de ralliement…

Arrivée à l’âge de 7 ans avec sa mère au pays, Natacha grandit à Montréal, y fait ses études du primaire à l’université, et y passe la majeure partie de sa vie d’adulte, teintée de ses repères culturels.

« Je suis Montréalaise, mes points de référence et mon accent sont québécois. Ainsi, je n’ai pas vécu les difficultés et l’expérience des immigrants arrivés à l’âge adulte, notamment sur le plan de l’intégration, sur le plan professionnel », confie celle-ci.

« Je suis toutefois une personne racisée, je n’ai donc pas été à l’abri non plus de certains défis que des personnes de couleur peuvent vivre. J’ai eu la chance d’avoir le soutien nécessaire et de ne pas vivre d’isolement, explique-t-elle. Au début des années 80, l’immigration francophone n’était constituée que de quelques Haïtiens, Libanais et Marocains. Depuis, la diversité est beaucoup plus importante. »

Après le cégep, elle part s’installer dans la campagne québécoise, et ce pendant 15 ans. Elle raconte être alors la seule personne noire, et représenter toutes les minorités dans la tête des gens : « On parle du début des années 90. Les personnes issues de l’immigration vivaient principalement à Montréal. J’étais très « visible », avec du racisme beaucoup plus ouvert ».

Doublement étrangère, le fait de venir de la ville la faisait également de facto sortir du lot. Avec certains de ses amis dans le même cas, ils s’appelaient entre eux « les expatriés de la ville ».

Du Québec à l’Ontario, un choc des cultures à la frontière

Natacha navigue entre plusieurs identités, se considérant autant Québécoise, Canadienne, qu’Haïtienne – depuis l’âge adulte, elle revendique davantage son patrimoine d’Outremer – et, maintenant, que « Franco-Ontarienne, ou du moins j’y travaille », plaisante-t-elle.

Natacha explique avoir besoin de comprendre l’histoire francophone de l’Ontario, pour se l’approprier pleinement.

C’est seulement en déménageant à Oshawa il y 15 ans que cette superviseure en travail social découvre l’existence de cette francophonie.

Elle inscrit alors ses enfants en école d’immersion francophone, ignorant alors l’existence des écoles de langue française dans la province : « Dès le premier jour, l’école m’a appelé pour me demander ce que mes enfants faisaient dans cette école, parlant déjà un français impeccable! »

Photo : Gracieuseté de Natacha Castor.

Si elle constate alors les avantages d’être une minorité francophone en Ontario, elle remarque que les anglophones de Québec eux n’ont pas eu à revendiquer autant leurs droits linguistiques, beaucoup plus acquis.

La francophonie ontarienne est pour elle plus fragile, celle du Québec plus politique, une lutte différente.

« En Ontario, même si je pourrais tout faire en anglais, je m’accroche au français. Même sans le vécu et la culture des Franco-Ontariens, la langue est mon point d’attache à la francophonie ontarienne et c’est, je pense, le point de ralliement de tous les francophiles et francophones qui viennent de partout dans le monde. »

Une différence qui joue beaucoup selon Natacha dans le choix de rester et de ne pas repartir au Québec. À quelques heures de la frontière seulement, elle évoque le petit choc culturel de ce « mini New York City » anglophone au rythme effréné.

« Avec des repères différents, le français est ce qui m’est familier. L’attachement à la francophonie, c’est aussi avoir retrouvé un certain art de vivre, une certaine convivialité et un état d’esprit, un franc-parler. »

« Je travaille en français (au sein du Conseil Sccolaire Viamonde), ce qui m’a permis de trouver un cadre et un réseau, développer des liens. J’ai rencontré des gens qui se revendiquent francophones qui viennent d’Amérique du Sud par exemple. Pour plusieurs d’entre nous le fait francophone et notre point de ralliement. »

Par le biais de ce sentiment d’appartenance, elle trouve un point d’ancrage, sa pierre angulaire.

La transmission francophone à ses enfants

Ses enfants, nés au Québec, sont considérés 3e génération. Ils revendiquent leurs racines haïtiennes, ont un engouement pour leur héritage culturel et comprennent bien le Créole.

Natacha est catégorique : tout le monde parle français à la maison, c’est la langue de communication, ce qui est très important pour sa fille et pour son fils.

« Ils parlent avec leurs amis en anglais, mais ils s’en sortent bien pour faire la part des choses. Notre famille est à Québec. Ils arrivent aussi, tout comme moi, à naviguer entre tous ces univers », se réjouit-elle.

« Ils sont plus Franco-Ontariens que moi, arrivés à 4 et à 5 ans, là où ils ont grandi en célébrant le drapeau. Leurs repères sont ici comme les miennes étaient au Québec à leur âge ».

Eux aussi comprennent l’importance de préserver le français. Ils écoutent de la musique en français, lisent des auteurs francophones, « de leur propre chef ».

Un positionnement non négociable, dans les institutions bancaires et autres qui offrent des services en français, toute la famille insiste pour être servie dans sa langue maternelle.

« La francophonie est en train de changer en saveurs et en couleurs. Pourquoi reste-t-on accroché à cette langue? Parce que c’est un aspect identitaire important et d’autant plus ici en Ontario, où la langue a dû être sans cesse défendue, où on s’est battu et ça n’aura pas été pour rien. »

Chaque jour de la Semaine nationale de l’immigration francophone, ONFR vous fait découvrir un portrait d’immigrant francophone en Ontario, son parcours, ses défis, ses succès.