Quel impact pour le français au Canada avec la nouvelle Loi sur les langues officielles?
OTTAWA – Le projet de Loi C-13 a obtenu la sanction royale modifiant ainsi, en partie, dès aujourd’hui la Loi sur les langues officielles. Qu’en est-il? Quelles sont les nouveautés? Quel effet cela aura-t-il sur l’avenir du français au pays et quand les principales mesures entreront-elles en vigueur? Les réponses à vos questions.
La sanction royale a été confirmée par le Sénat mardi après-midi à la période des questions de la Chambre haute. Ça faisait près de six ans que le gouvernement libéral avait promis une telle mouture et la ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor a tenu à le rappeler quelques moments après la confirmation en provenance du Sénat.
« Ça fait 18 mois qu’on travaille là-dessus(…) Aujourd’hui, nous sommes très contents de dire que c’est mission accomplie et c’est une bonne journée pour nos communautés de langues officielles en situation minoritaire. C’est réellement une journée historique », a-t-elle commenté.
Qu’est-ce que la Loi sur les langues officielles?
La Loi sur les langues officielles (LLO) statue que le français et l’anglais sont les deux langues officielles du Canada. Elle a aussi pour objet d’appuyer le développement des minorités francophones et anglophones et précise les pouvoirs et obligations des institutions fédérales en langues officielles.
Quelles sont les principales mesures du projet de Loi C-13?
Protéger le français. Le libellé vient statuer que le français est en déclin au pays et qu’il faut en faire plus pour cette langue en raison de son statut précaire, rompant ainsi avec la tradition d’une égalité sur le papier entre le français et l’anglais.
Rétablir le poids démographique des francophones. Le fédéral s’engage à rehausser le poids démographique des francophones hors Québec via l’immigration avec l’adoption d’une politique comportant une cible et des indicateurs.
Plus de droits aux employés fédéraux. En vertu de la nouvelle Loi, les employés d’institutions assujetties à la Loi sur les langues officielles dans des régions francophones auront de nouveaux droits pour effectuer leur travail en français, être supervisés en français et recevoir des communications en français.
Plus de pouvoirs pour le commissaire aux langues officielles. Le Commissariat aux langues officielles (CLO) pourra désormais sanctionner les institutions fédérales à la hauteur de 25 000 $ par année. Il pourra aussi émettre des ordonnances et conclure des accords de conformité, une sorte de contrat juridique, avec les institutions fédérales.
Plus d’appui aux communautés francophones. La nouvelle version de la LLO obligera le gouvernement à en faire plus pour favoriser « le développement et l’épanouissement », en plus de « protéger et promouvoir les institutions fortes » des communautés francophones comme l’éducation, la justice et la santé.
Quel impact sur l’avenir du français?
« Ça ne va rien changer du jour au lendemain, mais ça garnit un peu plus la boîte à outils des communautés francophones un peu partout au Canada. Les projets de loi sur la Loi sur les langues officielles sont des projets qu’il faut regarder sur une plus longue période », explique le juriste en droit linguistique Michel Doucet.
Il estime qu’il a une certaine nature symbolique à désormais reconnaître que c’est le français qui est en péril. « La Loi définit ça et c’est celle qu’on doit nécessairement appuyer pour son développement alors c’est très important sur le plan symbolique, mais aussi psychologique pour les communautés minoritaires francophones, de faire reconnaître ce fait-là dans une loi fédérale. »
Un impact plus direct pourrait être le renforcement de la partie 7 de la LLO, qui est celle portant sur l’appui aux communautés francophones du pays, note le juriste acadien. Cette section touche un ensemble de secteurs des communautés francophones hors Québec où le gouvernement devra désormais en faire plus : l’éducation, l’immigration, la santé et la culture.
« C’est quelque chose qui peut-être positif, mais il faudra voir le respect accordé à cette Loi par les institutions fédérales », prévient M. Doucet.
La Loi sur les langues officielles sera-t-elle respectée?
Ça sera le gros mandat du Commissariat aux langues officielles, estime Michel Doucet. Il aura un rôle crucial comme « chien de garde » pour déterminer si cette Loi aura réellement un impact pour aider à freiner le déclin du français, croit l’expert juridique. Avec les nouveaux pouvoirs d’ordonnance et la possibilité de conclure des accords, les multiples récidivistes aux manquements aux langues officielles comme Air Canada auront beaucoup plus de difficulté à continuer.
« Il y aura toujours la possibilité pour le commissariat de se tourner vers les tribunaux pour s’assurer du respect. Ça devient un outil quasi juridique et pour l’institution, ça sera plus difficile de défendre devant un tribunal sa non-observation d’un engagement qu’il aurait pris à l’intérieur d’une ordonnance par exemple », précise le juriste.
Qu’est-ce qui entre en vigueur et que reste-t-il à déterminer?
La majorité de la nouvelle version de la LLO est en vigueur dès aujourd’hui, indiquait vendredi dernier la ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor, mais certaines sections restent à être déterminées par règlement, un processus qui prendra fin en 2025. Par exemple, le gouvernement donne deux ans aux gestionnaires et superviseurs d’institutions fédérales à être « aptes à communiquer avec les employés dans les deux langues officielles, peu importe le profil linguistique du poste des employés ».
Plusieurs pouvoirs du Commissariat aux langues officielles restent aussi à être décidés par réglementation. Le gouvernement devra détailler par exemple la portée des sanctions financières et ordonnances que peut émettre le CLO pour les institutions fédérales en raison de certaines parties de la Loi.
Le gouvernement se donne aussi deux ans pour déterminer quelles sont les régions à forte présence francophone au pays (hors Québec) dans la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale. De son côté, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) devra adopter par décret ses nouvelles obligations pour une politique en matière d’immigration francophone.