Reconduction du PAFO : espérer des jours meilleurs
[ANALYSE]
Il y avait bien longtemps que les Franco-Ontariens n’avaient pas bénéficié directement d’une annonce gouvernementale. Trop longtemps peut-être. La semaine dernière, la reconduction du Programme d’appui à la francophonie ontarienne (PAFO) par la ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney, a rassuré.
Le PAFO, c’est cette enveloppe de 1 million de dollars que doivent se partager les organismes franco-ontariens pour financer leurs projets. L’an dernier, 48 d’entre eux en avaient bénéficié d’un des deux volets : le développement économique qui concerne les organismes non lucratifs, et le « communauté-culture ». Dans tous les cas, la limite pour chaque subvention est fixée à 50 000 $.
Quelques exemples pêle-mêle : la Place des Arts de Sudbury a ainsi obtenu 25 000 $ pour développer un « portail qui servira de plaque tournante » à sa promotion, une somme identique pour l’école de médecine de Thunder Bay afin de traduire son site internet, ou encore quelque 50 000 $ pour que Detroit Productions Inc., société d’événementiel et agence de traduction, assure des activités de réseautage.
Lancé il y a trois ans par un gouvernement libéral en fin de parcours, le PAFO a par la suite été reconduit par les conservateurs en 2019, en y ajoutant une « composante économique ». L’équipe de Doug Ford revenait cependant sur la promesse libérale de doubler le montant du PAFO à un total de deux millions de dollars.
C’est là où le bât blesse. Le PAFO est aujourd’hui victime de son succès, et la somme d’un million de dollars est insuffisante, au regard des demandes. Pour sa première année de mise en service, on sait par exemple que le total des demandes s’élevait… à huit millions de dollars.
Conséquences : beaucoup d’organismes restent sur le carreau, et n’ont pas accès à ces précieux deniers capables de lancer des projets visibles dans la communauté, mais aussi d’assurer leur survie à moyen terme.
La « francophonie d’affaires » se fait attendre
La « composante économique » apparaît par ailleurs bien timide. Elle se résume à un total de 145 000 $ dans la dernière enveloppe du PAFO. Le 25 septembre 2018, la ministre Mulroney avait pourtant affirmé vouloir mettre l’économie au centre de ses priorités francophones. « L’Ontario a un potentiel énorme et inexploité, nous allons développer des stratégies pour miser sur notre main-d’œuvre bilingue. »
Deux ans plus tard, cette « francophonie d’affaires » défendue par la Société économique de l’Ontario et le Conseil de la coopération de l’Ontario tarde à se matérialiser.
Parsemer les organismes de subventions ne peut suffire à construire une solide « francophonie d’affaires ». Cela doit passer, sur le terrain, par des partenariats avec le privé, mais aussi par un véritable engagement financier du gouvernement vis-à-vis des entreprises franco-ontariennes.
Deux prochaines années cruciales pour Mulroney
Hasard du calendrier, Caroline Mulroney fête ce lundi le deuxième anniversaire de son intronisation à titre de ministre des Affaires francophones.
Pour beaucoup, son bilan reste entaché par la crise linguistique de l’automne 2018. Récemment, la nomination d’une commissaire aux services en français très effacée n’a pas donné les meilleures garanties.
Certes, les réformes du système de santé et de l’éducation ont monopolisé les énergies du gouvernement au cours des derniers mois. Oui, la COVID-19 a par la suite laissé beaucoup de projets sur la glace. Mais dans les deux prochaines années, Caroline Mulroney devra aller bien plus loin dans l’enveloppe du PAFO, et sur d’autres dossiers…
Cette analyse est aussi publiée sur le site du quotidien Le Droit du 29 juin.