Réforme en santé : les secrets du projet de loi pour les francophones

La récente reforme du gouvernement dans le secteur de la santé fait craindre le pire aux francophones. Source: archives ONFR+
La récente reforme du gouvernement dans le secteur de la santé soulèvent de nombreuses interrogations sur l'accès en français. Source: archives ONFR+

TORONTO – Aux quatre coins de l’Ontario, le projet de loi du gouvernement Ford pour réformer le réseau de la santé est scruté à la loupe. De nouveaux détails émergent sur les opportunités qui se présentent pour améliorer les soins en français, s’entendent plusieurs observateurs, qui restent néanmoins sur leurs gardes et qui appellent à certains changements.

Moins d’intermédiaires

En créant un réseau de santé unique, le gouvernement réduit le nombre d’intermédiaires. Une directive claire sur l’importance de meilleurs services en français portera plus dans le nouveau modèle, croient plusieurs intervenants. « Bien que nous soyons d’accord que la centralisation de la planification et de la coordination des services peut être bénéfique afin d’établir des directives plus fortes et systémiques au regard des services de santé en français, il reviendra à la haute direction de Santé Ontario d’établir et de mettre en œuvre de telles directives », affirme néanmoins le commissaire aux services en français, François Boileau.

Le projet de loi 74 qui donnera vie à Santé Ontario éliminera les 14 réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS). « Le préambule du projet de loi dit de façon explicite que le système de santé publique doit se soumettre à la Loi sur les services en français », se réjouit l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), qui croit que Santé Ontario pourrait bien permettre une analyse des besoins des francophones dès la planification des services tout en haut de la pyramide.

Aider le patient à naviguer le système

Les acteurs de la santé francophone ont été des précurseurs dans l’implantation de « navigateurs » du système de santé. Ces intervenants qui ont pour mandat d’orienter et d’accompagner le patient vers les bons services dans un système trop souvent décrit comme « labyrinthique ».

Mais les ressources manquaient et le nombre de « navigateurs » était limité. « Le gouvernement introduira de nouveaux outils afin d’aider les patients et leurs familles à naviguer le système de santé.Cela promet pour les francophones qui font face à des barrières au niveau de l’accès », se réjouit le commissaire aux services en français à le lecture du projet de loi.

Bien souvent les services en français existants ou les intervenants francophones sont méconnus par le patient. Une meilleure navigation du système pour le patient devrait lui permettre d’interagir plus rapidement avec les spécialistes capables de le servir dans sa langue, si le projet de loi prend vie de la manière dont il est actuellement rédigé.

Les technologies à la rescousse

Certaines communautés francophones sont éloignées, peinent à attirer des spécialistes de la santé. Par exemple, des patients de Geraldton dans le Nord de l’Ontario ont déjà dénoncé devoir faire des centaines de kilomètres pour un simple rendez-vous de routine avec leur médecin.

Le gouvernement Ford veut étendre l’utilisation d’outils de santé à distance, une initiative saluée par François Boileau. « Le gouvernement souhaite optimiser l’utilisation des ressources digitales afin d’accroître l’accès à des spécialistes. Cette initiative promet également pour tous ces francophones vivant dans des communautés plus petites et isolées. La ministre de la Santé et des Soins de longue durée, Christine Elliott insiste sur une amélioration de l’accès à des outils en ligne. Il deviendra impératif de s’assurer que ces outils soient accessibles en français », dit-il, cependant.

Un rôle clé pour les entités francophones

Les 14 réseaux de la santé actuellement en place vont disparaître. Au sein de ces réseaux, l’étonnement est cependant palpable à un sujet : « La seule chose épargnée par le gouvernement, ce sont les entités francophones », rapporte un intervenant du milieu de la santé. « Après la crise linguistique, les Franco-Ontariens avaient besoin d’être rassurés. Les décisions prises par le gouvernement ne sont pas étrangères à la crise linguistique », dira un autre. Gilles Marchildon, à la tête de l’entité Reflet Salvéo, affirme qu’une opportunité se présente, mais il faudra d’abord préciser les termes de référence du projet de loi.

« L’interlocuteur deviendra Santé Ontario pour les Entités francophones. Mais il y aura aussi un rôle à jouer pour nous au niveau local auprès des nouvelles équipes de santé. Nous avons des pourparlers pour la rédaction des règlements et s’assurer d’avoir cette influence », dit-il. Une préoccupation partagée par François Boileau.

« L’article 44 du Projet de loi 74 semble prometteur en ce qui a trait aux relations entre Santé Ontario et les entités. Mais leurs rôles sont beaucoup plus importants; elles devront interagir directement avec les équipes Santé Ontario au niveau régional et local à travers la province », dit-il, espérant aussi que des précisions seront apportées. Le gouvernement ne cache pas non plus son désir de fusionner certaines entités pour les ramener de 6 à 5. « Il y a un échange franc et harmonieux entre les entités au sujet des changements à l’horizon », lance Gilles Marchildon, à ce sujet.

Limiter les pouvoir du ministre de la Santé

Si des gains se dessinent, des amendements au projet de loi seront suggérés par plusieurs intervenants francophones. Il sera notamment exigé que l’on limite les pouvoirs du ministre de la Santé en ce qui à trait aux services en français.

Il ne devrait pas avoir le droit d’influencer le niveau de services offerts, selon les aléas économiques du moment, s’entendent plusieurs intervenants. Le projet de loi donne des pouvoirs gigantesques au ministre. « Une clause du projet de loi parle de ce que le ministre ne doit pas faire. On l’interdit notamment d’agir contre les croyances religieuses.

Il serait approprié d’ajouter que le ministre ne puisse pas limiter ou réduire les services en français », affirme un expert en droits linguistiques, qui préfère conserver l’anonymat.

Imposer des obligations aux Équipes Santé Ontario

Un organisme de santé désigné en vertu de la Loi sur les services en français se fusionne avec d’autres qui ne le sont pas : qu’arrive-t-il? Les acteurs francophones affirment que la totalité du nouveau regroupement devrait alors être désigné et offrir des services en français. Mais le projet de loi ne le précise pas, ce qui est un problème, selon Carol Jolin.

« Il reste à préciser la question du maintien des désignations bilingues d’organismes prodiguant des services dans le cadre des intégrations à venir et sur le rôle des entités avec les équipes de Santé Ontario et les agences régionales. Le gouvernement nous assure que les désignations resteront lorsqu’il y aura des fusions », dit-il.

Caroline Mulroney vante le plan dans une lettre aux francophones

La ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney, vante les décisions de son gouvernement en santé dans une lettre envoyée à de nombreux acteurs franco-ontariens, obtenue par ONFR+.

« En ce qui a trait au projet de loi proposé, je voudrais souligner trois points importants. Premièrement, le Conseil consultatif des services de santé en français demeure en place. Deuxièmement, notre gouvernement conserve les entités de planification qui jouent un rôle essentiel pour l’accès à des services de santé en français. Et, finalement, les équipes Santé Ontario seront assujetties à la Loi sur les services en français », écrit-elle.

« Notre gouvernement continuera d’écouter les patientes et patients, familles, médecins, infirmières et infirmiers, et autres prestataires de soins de santé pour protéger et améliorer les services de santé à travers l’Ontario. À titre de ministre des Affaires francophones, je vais continuer de travailler avec ma collègue, la ministre Elliott, afin d’améliorer l’accès en français aux services en santé, aux soins de longue durée ainsi qu’aux services liés à la santé mentale », promet la ministre.