Règlement XVII : 110 ans après
L’histoire des Franco-Ontariens a toujours été marquée par des luttes pour préserver leurs droits. Celle qui a suivi l’annonce du règlement XVII en juin 1912 par le gouvernement de l’époque en est une. 110 ans après, le souvenir demeure toujours présent et l’impact pas encore tout à fait épongé!
C’est ce 25 juin que les Franco-Ontariens « fêteront » l’anniversaire du tristement célèbre règlement XVII dont les relents ont réussi à traverser 110 ans d’histoire.
« Le règlement XVII représente un véritable symbole de résistance. Les Franco-Ontariennes et les Franco-Ontariens ont démontré qu’elles et qu’ils savent s’unir pour revendiquer et protéger leurs droits. Nous ne devons jamais oublier ces enseignantes et ces enseignants qui ont eu le courage de refuser de se plier à cette Loi et qui ont pratiqué la désobéissance civile pour défendre l’éducation de langue française en Ontario », déclare Anne Vinet-Roy, présidente de l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens.
De son côté, l’historien Serge Dupuis parle d’un tournant historique déclenché par ce règlement 17 :
« Ce règlement évoque pour moi la précarité des ambitions linguistiques, culturelles et politiques des francophones en Ontario parce qu’avant 1912, on avait plus ou moins le champ libre pour établir des paroisses, des commissions scolaires, des écoles ou des entreprises francophones, et là, il y a comme un frein appliqué en 1912. Ceci dit, aujourd’hui, on en parle comme un traumatisme, mais aussi comme une victoire parce que le règlement a finalement été abrogé. »
Un peu d’histoire
Pour rappel, le règlement XVII a vu le jour il y a 110 ans jour pour jour sous forme d’une mesure que le gouvernement ontarien avait adoptée, et ce afin de limiter l’usage du français dans la province.
« Mieux » que cela, le gouvernent de l’époque avait pour ambition de faire de l’anglais la principale langue d’enseignement dans les écoles élémentaires, y compris dans celles qui accueillaient des élèves franco-ontariens et n’autorisant le français que dans les deux premières années du primaire.
Toutefois, dès l’annonce de ce règlement quelque peu discriminatoire, la communauté franco-ontarienne s’est mobilisée pour mener la résistance. À la tête du mouvement se trouve l’Association canadienne-française d’éducation d’Ontario fondée à peine deux ans plus tôt.
Pour sa part, le Conseil des écoles d’Ottawa prend une décision radicale en faisant fi de cette mesure et en continuant à enseigner le français. Il sera suivi par d’autres commissions scolaires bilingues.
Cette mobilisation n’a pas tardé à donner ses fruits puisqu’en 1925, Howard Ferguson, premier ministre conservateur de la province en ces temps nomme une nouvelle commission d’enquête dans le but de trouver une sortie de crise.
Deux ans plus tard, la commission remet son rapport et le gouvernement s’est vu obligé de mettre en place un système où le français devient la principale langue d’enseignement dans les écoles bilingues primaires. Cependant, le règlement n’a été supprimé officiellement qu’en 1944.
Les séquelles ont la peau dure
Mais qu’en est-il aujourd’hui? La question vaut son pesant d’or, car selon les spécialistes, les conséquences de ce règlement se font encore ressentir dans la province.
« L’impact du règlement est majeur vis-à-vis du rapport de force linguistique. On a qu’à regarder la différence entre la proportion de la population en Ontario qui a des origines françaises et qui se situe entre 12 et 15%, et la proportion des francophones dont le français est la langue maternelle où on se rapproche de 3 à 4%, alors qu’elle devrait être de 12 ou 15% aujourd’hui », explique M Dupuis.
Quant à la Mme Vinet-Roy, les effets du règlement XVII se sont étalés sur plusieurs décennies et ne sont pas complètement dissipés si l’on conjugue au présent :
« Après le Règlement XVII, il a fallu attendre les années 80 avant de voir la création des premiers conseils scolaires de langue française et ensuite la fin des années 90 pour que les Franco-Ontariennes et les Franco-Ontariens obtiennent leur pleine gestion scolaire »
Et d’ajouter : « Encore aujourd’hui, nous devons continuer de faire entendre haut et fort notre voix pour défendre nos droits et nos intérêts et pour nous assurer de protéger pleinement et entièrement l’accès à l’éducation publique en Ontario ».
Des propos qui sonnent comme un rappel, une pique lancée à la mémoire et portant le chiffre 17.