Réveil difficile pour les francophones du Nouveau-Brunswick

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FREDERICTON – Les Acadiens du Nouveau-Brunswick retiennent leur souffle au lendemain d’une soirée électorale à suspense. Les 22 sièges obtenus par le Parti progressiste-conservateur laissent la possibilité d’une entente avec l’Alliance des gens du Nouveau-Brunswick.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Le parti de Kris Austin n’a gagné que quatre sièges, lundi soir, mais c’est assez pour un gouvernement de coalition, puisque 49 élus sont présents à l’Assemblée législative de Fredericton.

Abolition du réseau de santé francophone, fin de la séparation des élèves francophones et anglophones dans les autobus scolaires et élimination du Commissariat aux langues officielles, l’Alliance a multiplié les discours à l’encontre du bilinguisme lors de la campagne électorale.

Le chef progressiste-conservateur Blaine Higgs, qui pourrait devenir le prochain premier ministre du Nouveau-Brunswick, est un anglophone unilingue. Son appartenance à un parti opposé au bilinguisme, il y a plus de 30 ans, continue de susciter la méfiance des Acadiens. D’autant que plus de 30 % des résidents du Nouveau-Brunswick ont le français comme langue maternelle.

« Sur la question linguistique, n’oubliez pas que M. Higgs a promis de nommer des unilingues à des postes désignés bilingues, de nommer des ambulanciers unilingues, de retirer la révision judiciaire de la décision McEvoy. Juste ça, c’est déjà inquiétant et je ne parle pas de son unilinguisme », a commenté hier soir, Michel Doucet sur son fil Twitter.

Plus tard ce mardi, en entrevue pour #ONfr, l’avocat, spécialiste des droits linguistiques, évoque certes « une très grande inquiétude » des francophones concernant l’Alliance, mais refuse d’envisager le pire. « Les droits des Acadiens sont protégés grâce à la Charte canadienne des droits et libertés. Recevoir des services en français au Nouveau-Brunswick fait partie d’une protection fédérale, de même on ne ne peut pas revenir sur le droit d’utiliser le français à l’Assemblée législative. »

« Acadiens du Nouveau-Brunswick, bienvenue à votre pire cauchemar », avait pourtant lâché la politologue du Collège militaire royal du Canada, Stéphanie Chouinard, sur Twitter, lundi en soirée.

« Journée triste pour les Néo-Brunswickois », estime la SANB

Durant la campagne électorale, la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) n’avait eu de cesse de faire entendre ses craintes sur l’Alliance des gens du Nouveau-Brunswick.

Interrogé par #ONfr, son président Robert Melanson ne cache pas sa déception. « La grosse déception, c’est de voir que 47 000 anglophones du Nouveau-Brunswick ont voté l’Alliance, c’est à dire contre le bilinguisme. C’est un peu un retour aux années 1960. »

Une percée de l’Alliance dans les urnes que le président attribue directement aux deux principaux partis. « Depuis dix ans, les libéraux comme les progressistes-conservateurs n’ont pas fait de contre-discours à ces gens. C’est scandaleux! Ce n’est pas une journée triste aujourd’hui pour les francophones, mais plus largement pour les Néo-Brunswickois! »

Deux « vainqueurs »

Les prochaines semaines devraient être déterminantes quant à la formation du nouveau gouvernement. Avec 21 sièges, le Parti libéral du premier ministre sortant, Brian Gallant, revendique lui aussi la victoire.

Fait inédit, MM. Gallant et Higgs doivent se rendre tous les deux à la résidence de la lieutenante-gouverneure Jocelyne Roy Vienneau ce mardi.

« Pour le moment, c’est le Parti libéral, bien que crédité de 21 sièges contre 22 pour les progressistes-conservateurs, qui a la priorité pour essayer de former un gouvernement », analyse M. Doucet.

« Brian Gallant va probablement essayer de convaincre le Parti vert [vainqueur dans trois circonscriptions] de faire alliance avec lui. Pour espérer la majorité, c’est à dire 25 élus, il devra soit obtenir qu’un élu progressiste-conservateur lui donne allégence, ou bien qu’il y’ait un recomptage qui s’effectue dans quelques circonsciptions, à l’avantage des libéraux. »

Le premier ministre sotant aura ainsi jusqu’à mi-décembre pour trouver une majorité à l’Assemblée législative. En cas d’échec, les progressistes-conservateurs pourraient donc décider d’officialiser une entente avec l’Alliance.