Sault-Sainte-Marie : le « oui » à l’immigration francophone, 28 ans après…

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SAULT-SAINTE-MARIE – Sault-Sainte-Marie souhaite faire mieux en matière d’immigration francophone. 28 ans après une crise linguistique qui avait fait les manchettes au Canada, la municipalité a donné son feu vert pour proclamer la Semaine nationale de l’immigration francophone.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

La rencontre communautaire de lundi soir a donné le coup d’envoi à ce qui ressemble à un partenariat local en matière d’immigration francophone. À la table des discussions, on retrouve bien sûr la municipalité, le Centre francophone de Sault-Sainte-Marie, et le Réseau de soutien à l’immigration francophone du Nord de l’Ontario (RSIFNO), mais aussi les conseils scolaires et le bureau du Commissariat aux langues officielles.

Troisième ville du Nord de la province en terme de population avec un peu plus de 78 000 résidents, Sault-Sainte-Marie ne compte pas une grosse proportion de francophones. Au bord de la rivière Sainte-Marie, ils sont un peu plus de 2 000 à posséder le français comme première langue officielle parlée, l’équivalent d’environ 3 % de la population.

« C’est la première fois que la Semaine de l’immigration francophone est proclamée à Sault-Sainte-Marie », souligne Christian Howald, coordonnateur de projet au RSIFNO. « Nous avions fait une proclamation pour Sudbury l’an passé. Cette année, cela concerne Sault-Sainte-Marie, mais aussi Timmins, Red Lake, Greenstone, Thunder Bay, mais étant donné la faible proportion de francophones à Sault-Sainte-Marie, c’est un grand pas en avant. »

Au-delà d’une simple proclamation, l’événement participe à panser les plaies de la crise de 1990 pour la présidente du Centre francophone de Sault-Sainte-Marie, Jessica Torrance. « Pendant des années, les gens ne voulaient plus s’afficher en français, beaucoup de parents avaient peur de parler leur langue à leurs enfants. »

En 1990, quatre ans après l’adoption de la Loi sur les services en français en Ontario (LSF) et en pleines négociations de l’accord du lac Meech, le maire de l’époque, Joe Fratesi, fait voter un règlement interdisant l’usage du français dans les affaires municipales de Sault-Sainte-Marie. Quatre ans plus tard, un tribunal ontarien invalide finalement cette résolution d’unilinguisme.

Le maire actuel de Sault-Sainte-Marie, Christian Provenzano. Archives #ONfr

Il faut alors plusieurs années pour refermer les cicatrices. D’abord en 2010, avec les excuses du maire John Rowswell à tous les francophones du Canada, puis en 2014, lorsque le nouveau premier magistrat élu, Christian Provenzano, hisse l’année suivante et pour la première fois le drapeau franco-ontarien devant l’édifice municipal. « À chaque année, nous avons la levée de drapeau », fait part Mme Torrance.

La réélection récente de M. Provenzano, unilingue mais ouvert aux francophones, rassure donc les militants francophones locaux.

Travailler en français à Sault-Sainte-Marie

Reste que l’économie de Sault-Sainte-Marie est bien plus connue pour son industrie minière, notamment avec l’aciérie Algoma, principal employeur de la ville. « Il y a de la place pour les immigrants francophones », assure Mme Torrance. « Nous avons beaucoup de besoins en éducation dans les écoles francophones, mais aussi dans les centres d’appels où l’on recherche des gens bilingues. »

La ville compte d’ailleurs aujourd’hui deux établissements scolaires francophones et plusieurs écoles d’immersion.

« Beaucoup d’immigrants francophones arrivent ici à Sault-Sainte-Marie, mais nous n’avons pas les outils et les programmes pour les appuyer. Par exemple, l’aide pour trouver un emploi va se faire un anglais. Les différents organismes francophones veulent travailler ensemble pour améliorer cette situation. »

Dans une perspective plus large, M. Howald du RSIFNO évoque le besoin urgent de 50 000 immigrants dans le Nord de l’Ontario. « On est en train de frapper un mur, et la solution passe par les francophones. Beaucoup d’entre eux ont des spécialisations dans leur pays d’origine, je pense par exemple aux médecins, aux enseignants, aux camionneurs, qui peuvent apporter au Nord de l’Ontario une croissance exponentielle. »

« Le nom est francophone »

Du côté de la municipalité, on insiste sur la bonne volonté d’avoir des relations cordiales avec la communauté francophone. Né en 1988 deux ans avant la crise linguistique, le conseiller municipal Matthew Shoemaker est le symbole de cette génération. Passé par les écoles d’immersion, il s’exprime aujourd’hui très bien dans la langue de Champlain.

« Ce n’est pas juste pour notre économie, mais aussi pour enraciner notre culture historique francophone, qui représente une histoire de 300 à 400 ans. Le nom de Sault-Sainte-Marie est francophone. »