TOQAQ MECIMI PUWIHT – Une pièce jeunesse bilingue en français et wolastoqey
SUDBURY – Après un passage à Toronto en mars, la pièce franco-wolastoqey TOQAQ MECIMI PUWIHT / Delphine rêve toujours sera présentée à la Place des arts du Grand Sudbury ce samedi 22 avril. Ce spectacle jeunesse raconte l’histoire d’une jeune autochtone qui tente de retrouver le tambour de son muhsums (grand-père) que son père a égaré. Elle est alors transportée dans le monde des esprits de la forêt et rencontrera des personnages colorés qui la guideront dans sa quête.
L’auteur Dave Jenniss apprend sa langue traditionnelle et l’intègre à ses pièces pour la faire résonner dans les oreilles d’un public plus large, souvent allochtone.
En entrevue avec ONFR+, il explique que la démarche s’inscrit dans son parcours identitaire personnel, mais aussi dans un mouvement plus large : « C’est se réapproprier notre identité et nos langues qui ont trop longtemps été perdues ou en dormance. La langue wolastoqey a toujours existé, c’est juste qu’il y avait très peu de locuteurs. Il y a comme eu un réveil, un déclic, et les gens ont commencé à se dire : il faut préserver cette langue-là. »
TOQAQ MECIMI PUWIHT est bilingue. Dave Jenniss souligne que les enfants et leurs parents comprennent très bien l’histoire sans avoir à traduire les passages en wolastoqey.
L’instinct : un point commun important
Dave Jenniss aime écrire des pièces jeunesse. Il est fasciné par la psychologie de l’enfant, sa naïveté, son authenticité et son habileté à vivre le moment présent. Devant un public composé d’enfants, on obtient une réaction immédiate et instinctive. De plus, l’écriture qui peut sembler naïve cache un niveau de complexité.
« Quand on écrit pour l’enfant, on n’écrit pas juste pour lui, mais aussi pour ses parents, ses accompagnateurs, ses professeurs, ses grands-parents. Il y a toujours un double discours dans le texte. On accroche l’enfant mais, par la bande, on parle aussi au parent. C’est une nourriture vraiment intéressante pour l’auteur. »
Ce côté instinctif, on le retrouve aussi chez les animaux, qui inspirent beaucoup l’écriture de l’auteur. Il recherche même ce trait de caractère chez les acteurs. « Dans mon écriture, j’essaie de créer des personnages qui sont proches de l’animal. Mais je dis toujours que ce n’est pas un animal qu’on retrouve sur scène. J’aime que ce soit des humains, mais qui ont une mentalité, une spiritualité et une âme d’animal. Qu’ils essaient de se nourrir de ça pour construire leur personnage. Je trouve que ça amène une force de plus. »
La musique est également un élément essentiel de TOQAQ MECIMI PUWIHT. L’esprit animal se retrouve parmi les musiciennes sur scène, avec la saxophoniste Geneviève D’Ortun qui incarne le Kiwahq, la créature antagonique de la pièce.
Un enjeu familier
Le thème de la transmission de la langue et de la culture est au cœur de TOQAQ MECIMI PUWIHT. On peut dresser un parallèle avec la francophonie canadienne en milieu minoritaire. Dave Jenniss a sillonné le pays en tant qu’acteur. Il a aussi vécu huit ans à Gatineau et a conservé ses liens avec les compagnies de théâtre d’Ottawa. Il souligne s’être toujours senti accueilli dans les communautés franco-canadiennes. « J’ai toujours trouvé qu’il y avait une similitude avec ce que vivaient les communautés autochtones d’ici. Toujours en train de devoir prendre place, de démontrer que c’est important d’être mis en avant par sa langue et sa culture, qui sont différentes des autres. De toujours prouver qu’on est plus forts. »
Un imprévu de taille
Le rôle de Delphine était initialement tenu par la comédienne atikamekw Jemmy Echaquan Dubé. Cette dernière a quitté la distribution pour participer à la troisième saison de l’émission Big Brother Célébrités, sur les ondes de Noovo.
Son départ a été difficile pour l’équipe. « Ça a créé une petite panique. Mais on a réussi à trouver Marie-Pier (Chamberland), qui est fabuleuse dans le rôle (…) C’est une Wendat. Toute la question de se réapproprier la langue fait aussi partie de son processus, donc ça allait bien avec le spectacle. »
Le départ de Jemmy soulève une question importante dans la représentativité des communautés autochtones. Alors que le monde de la télévision tente d’être plus inclusif, le domaine du théâtre en subit les contrecoups.
Dave Jenniss explique : « La relève est minime. On n’a pas beaucoup d’acteurs et actrices autochtones francophones. Donc, quand on en perd une, on n’a pas 50 choix pour se revirer de bord. »
TOQAQ MECIMI PUWIHT / Delphine rêve toujours est une collaboration du Théâtre de la Vieille 17 et de Ondinnok, dont Dave Jennis est le directeur artistique. Ondinnok est finaliste au concours ESTime de la Chambre de commerce de l’Est de Montréal dans la catégorie arts, culture et loisirs.
Selon l’auteur, cette reconnaissance est un signe d’ouverture : « Il y a un éveil à l’art autochtone. Cette curiosité amène les gens à s’intéresser à ce qu’on fait. On a beaucoup plus d’opportunités de jouer sur des scènes institutionnelles. »
Une cinquantaine de représentations de TOQAQ MECIMI PUWIHT ont eu lieu cette année. La pièce, qui s’adresse aux enfants de 5 à 9 ans et à leur famille, sera ce samedi de la programmation du Théâtre du Nouvel-Ontario (TNO) à Sudbury.
Le spectacle sera suivi d’un atelier familial sur les légendes autochtones. L’équipe prévoit un arrêt à Kingston en décembre, puis repartira en tournée à l’automne 2024.