Un autre souci que Donald Trump pour les agriculteurs francophones de l’Ontario
TORONTO – L’annonce du futur président des États-Unis via le réseau social X d’augmenter de 25 % les taxes d’importation est certes une source d’inquiétude à la convention annuelle des agriculteurs de l’Ontario qui se déroule en ce moment-même à Toronto. Mais, pour nombre d’agriculteurs francophones de l’Ontario, d’autres sujets comme l’accès aux informations et aux ressources dans leur langue sont apparus plus importants que ce qui ne demeure pour l’instant que « des menaces » provenant de Donald Trump.
Parmi les agriculteurs présents au grand rendez-vous annuel de la Fédération d’agriculture de l’Ontario (OFA), Michel Dignard ne cache pas ses craintes mais reste sceptique. Pour cet acteur de la grande culture à Embrun, dans l’Est, une augmentation de 25 % des taxes sur ses exportations de maïs et de soya aurait un impact conséquent sur ses revenus, mais le président américain mettra-t-il vraiment à exécution cette mesure?
« Il va tout de même mettre des tarifs, mais je ne suis pas sûr qu’il puisse mettre en pratique une telle augmentation, parce que c’est lui qui a signé le dernier libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Il se contredit quatre ans après. Avant ça, il donnait son excuse : ‘Si ce n’est pas moi qui l’ai fait, ce n’est pas bon’. Mais là, c’est lui qui l’a fait. Je pense qu’il n’a pas réalisé que le consommateur américain va payer plus cher. Là, ça a fait monter la piastre américaine, baisser la piastre canadienne. Ça peut nous aider pour l’exportation. »
Et de tempérer : « C’est seulement un tweet qu’il a fait. Nous sommes en novembre et il parle de janvier. En deux mois, il a le temps de changer d’idée encore bien des fois. Donc, on va se préparer. »
L’heure n’est pas à la panique non plus du côté de la FAO, qui a profité de cette convention annuelle pour mettre le sujet à l’ordre du jour dans les résolutions votées mardi après-midi.
Paul Maurice, directeur de la FAO et représentant du comté de Simcoe, Peel et York, a confié à ONFR qu’il était tout de même nécessaire de se tenir prêt en raison du caractère imprévisible de Donald Trump.
« Il est très difficile de prévoir ce que M. Trump va mettre en place et comment il va le poursuivre. Mais ce qui est le plus important maintenant, c’est qu’avec notre équipe on soit préparé, peu importe ce qu’il va nous envoyer. (…) Une équipe est en place pour regarder quelles pourraient être les conséquences et comment on pourrait les minimiser pour nos agriculteurs. »
Deux points majeurs ont été discutés lors des résolutions : l’idée de réfléchir à des tarifs en réponse à cette augmentation de taxes, mais aussi une réflexion sur les possibilités de renforcer les liens et les échanges avec le Mexique, « l’autre victime » de cette décision politique à venir.
Le défi de l’accès aux ressources en français
Si la problématique liée à l’augmentation des taxes d’exportation aux États-Unis est le lot de tous les agriculteurs ontariens, pas seulement les francophones, la question de l’accès aux ressources et aux formations en français est aussi au centre des discussions.
Vanessa Renaud, directrice du conseil provincial de la Fédération de l’agriculture de l’Ontario, représentante de la région de l’Est ( Glengarry, Prescott, Russell et Stormont) a partagé ce constat.
« Parfois, c’est difficile de rechercher les bonnes informations et d’avoir les outils. Par exemple, Best management practices, c’est en anglais. Si tu vas sur un cours sur les subventions disponibles pour toi, comme avec le Soil and Crop Association, c’est en anglais aussi. »
« Ils n’ont pas de difficulté à faire de l’agriculture, convient-elle, mais avoir des ressources et des gens pour les conseiller dans leur langue, les aideraient à mieux comprendre. »
Mme Renaud prend l’exemple de l’accès à un banquier en français pour discuter de financements qui concernent de « gros coûts ». Il sera toujours plus simple pour des francophones de comprendre tous les tenants et les aboutissants en ayant des explications en français, ce qu’ils n’ont malheureusement pas toujours.
La question de l’accès aux nouvelles technologies est également au cœur de cette problématique.
« C’est une des priorités et le futur pour l’agriculture, surtout avec le manque de main-d’œuvre. C’est vraiment un gros point de pousser vers l’innovation. Mais lorsque tu n’as pas de formation, quand tu appelles pour du service, c’est en anglais. Ton ordinateur est en français, le gars te parle en anglais. Ça crée vraiment des complexes », regrette-t-elle.
« Tu ne peux pas utiliser les technologies à leur maximum, parce que tu ne sais même pas comment utiliser toutes les fonctions, comment configurer tout ça. Je généralise, mais parfois ça peut être un désavantage pour les producteurs francophones. »
Sur le terrain, Michel Dignard pointe du doigt l’administration, surtout au niveau fédéral.
« Il faut encore se battre avec le gouvernement provincial pour avoir des services francophones. (Au niveau) municipal, ils s’en viennent pas mal mieux. On peut dire que les provinciaux ont gagné 50 %, mais ils ont encore la moitié du chemin (à faire). »
« Le Fédéral, c’est une bataille de tous les jours. Les services sont supposés être bilingues. Quand t’arrives là-dedans, tout est bien bilingue, mais après cinq minutes, t’es tout de suite de retour à l’anglais parce que la communication ne passe pas. »
L’un des objectifs de la convention annuelle est de fournir les outils nécessaires aux agriculteurs pour être en mesure d’aller échanger avec les administrations, mais, comme on a pu le constater sur place, tous les échanges lors des différents panels et présentations demeurent en anglais.