Un budget décevant pour les francophones

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau. Archives #ONfr

[ANALYSE]

Gisèle Lalonde brandissant un drapeau franco-ontarien, des centaines d’élèves défilant dans les rues d’Ottawa. La « fierté » francophone a été célébrée tout au long de la semaine pour le 20e anniversaire du ralliement des SOS Montfort. Autre événement majeur concomitant : le dépôt du budget fédéral mercredi est plutôt synonyme d’un retour à la réalité pour les Franco-Ontariens.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Car si les francophones représentent grosso modo un quart des locuteurs au Canada, ce poids ne s’est guère reflété dans le document budgétaire présenté par le ministre des Finances, Bill Morneau.

Le budget 2016 du gouvernement libéral avait pourtant suscité l’enthousiasme. Il répondait enfin à des souhaits des francophones laissés sur la glace par l’austérité budgétaire du gouvernement conservateur de Stephen Harper. Conclusions : un investissement supplémentaire pour Radio-Canada/CBC, et le rétablissement du programme de contestation judiciaire.

Les 324 pages du document dévoilé mercredi ne comportent pas les mêmes « cadeaux ». Le terme de « budget dans la continuité » seriné par les économistes est un fait. Et c’est justement là où le bât blesse : la continuité pour les Franco-Ontariens (qui représentent grosso modo la moitié des francophones hors Québec) n’est pas acceptable.

Grosse déception : l’immigration francophone. Une mention y était espérée. Surtout dans le contexte où la cible de 4,4 % d’immigrants francophone hors Québec reste une chimère inatteignable. Les Franco-Ontariens, dont l’enjeu est soulevé avec acuité depuis plusieurs mois, devront se contenter de quelques lignes : le programme Entrée express doit répondre « aux besoins du marché du travail canadien, et à ce que les candidats les plus susceptibles de réussir au Canada soient sélectionnés », dixit le document.

Justin Trudeau réitère, par le biais du budget, son engagement certes louable pour l’accueil de réfugiés… dont peu parlent le français. S’en dégage une impression que les francophones ne sont qu’une minorité parmi d’autres pour le premier ministre du Canada.

À une semaine du grand sommet de Moncton sur l’immigration francophone, la ministre déléguée aux Affaires francophones, Marie-France Lalonde, et toute la délégation ontarienne, auront la lourde de tâche de convaincre un gouvernement fédéral qui fait du multiculturalisme sa marotte… parfois au détriment des francophones.

Du côté de l’Office des Affaires francophones de l’Ontario, on a souvent insisté avant le départ de M. Harper qu’il n’était pas toujours aisé de collaborer avec un autre parti politique à la Chambre des communes. Désormais les gouvernements de Queen’s Park et de Toronto ont la même couleur politique… Le temps des résultats, donc?

Les autres déceptions du budget concernent somme toute l’argent alloué. Les 80 millions de dollars prévus sur dix ans pour des infrastructures éducatives construites en collaboration avec les provinces dans les communautés en situation minoritaire sont à première vue un pas en avant. Mais ce pas est bien minuscule considérant les besoins souvent criants pour des écoles francophones, en Ontario et dans les autres provinces.

Le point d’espoir se situe cet été. Les francophones connaîtront les grandes lignes de la prochaine Feuille de route pour les langues officielles du Canada, un programme renouvelable tous les cinq ans. Avec des organismes souvent pris à la gorge sur le terrain par une Feuille de route à l’enveloppe inchangée depuis des années (c’est notamment le cas des différentes ACFO ), les besoins sont énormes.

La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, qui a beaucoup « consulté » sur ce sujet, sera attendue au tournant. Le gouvernement Trudeau y jouera une partie de son capital politique auprès des francophones hors Québec. Et les francophones peut-être une partie de leur avenir…

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit le 25 mars.