
Un EP tout en français pour Good Fortune

KINGSTON – La Franco-Ontarienne et artiste bilingue Good Fortune, alias Kelsey McNulty, a lancé un EP complètement en français ce vendredi. Les cinq chansons présentes sur Un rappel prennent une sonorité directement inspirée de la pop des années 1960, une période musicale inspirante pour l’artiste établie à Kingston. En entrevue avec ONFR, Good Fortune décortique son mini-album et explique sa démarche artistique.
Le titre de l’album, « c’est un rappel de rester présent, d’être ouvert, que ça change toujours, raconte l’autrice-compositrice-interprète. C’est être présent pour accepter l’amour, la musique, la vie. Et c’est un rappel pour moi de mon côté français. »
Née à Ottawa dans un environnement très bilingue, déménagée à Toronto dans sa vingtaine vivant maintenant à Kingston, Good Fortune a débuté sa carrière musicale dans des sphères majoritairement anglophones.
Son nom d’artiste est tiré du titre d’une chanson de son premier album. Il évoque un sentiment de gratitude à l’idée de pouvoir créer, enregistrer et faire carrière en musique. « J’avais juste le sentiment, en faisant l’album, d’être tellement chanceuse. Donc, j’ai nommé le projet Good Fortune pour cette raison. »
L’autrice-compositrice-interprète et réalisatrice donne dans la rétropop, même si elle rappelle qu’elle y ajoute des touches modernes. Elle s’inspire fortement de la chanson française des années 1960 et 1970, plus particulièrement de Françoise Hardy (une influence facilement identifiable) et de Serge Gainsbourg. L’album Histoire de Melody Nelson de ce dernier a été particulièrement marquant pour Good Fortune. Son timbre de voix rappelle aussi celui d’une autre ontarienne bilingue, Andrea Lindsay.
Un pont pour franchir les barrières linguistiques
Après avoir collaboré avec certains artistes francophones dans la ville reine, Good Fortune s’est désolée de constater l’étanchéité qui régnait entre les scènes artistiques. « Quand je faisais des festivals avec des groupes anglophones, je connaissais toujours des musiciens (dans différents groupes). Mais quand j’allais dans les festivals francophones, je ne connaissais personne. »
S’ouvrir sur la musique en français lui a donné envie de passer par-dessus les barrières linguistiques. « C’est une scène tellement vibrante, avec de la très bonne musique ».

Entre les festivals francophones qui mettent souvent l’identité à l’avant-plan et les festivals anglophones qui ne prêtent pas attention à la langue minoritaire, si ce n’est que d’inviter un artiste francophone de temps en temps, elle rêve de voir émerger des événements réellement bilingues. « Je suis une artiste bilingue et c’est important pour moi que ce ne soit pas divisé. »
Le premier album de Good Fortune comportait déjà trois chansons en français. Avec Un rappel, elle replonge complètement dans cette francophonie qui l’a vue grandir.
« Toutes mes grosses décisions de vie, je les ai faites en anglais. Donc, le français, c’est un peu plus innocent pour moi. (…) Mes doutes, mes questionnements existentiels, je les fais en anglais. Le français connote une partie de ma vie qui date d’avant tout ça », raconte l’artiste en évoquant son enfance.
Pièce par pièce
Pour Good Fortune, le bilinguisme est un atout lorsqu’on fait carrière en musique. « Quand j’écris en anglais et quand j’écris en français, même si c’est le même sentiment, la façon dont les mots tombent change la musique. C’est vraiment intéressant comment le langage influence les mélodies et les chansons. J’aime avoir accès aux deux langues. Ça double l’inspiration. »
La chanson Sosie, qui ouvre le EP, vient d’ailleurs d’une idée qu’elle a d’abord réfléchie en anglais. En observant une artiste plus jeune qu’elle, elle a cru se reconnaître. Elle aurait voulu lui donner des conseils, lui raconter ses erreurs afin qu’elle évite de les reproduire.
Elle a plutôt choisi d’en faire une chanson, mais trouvait que le mot Doppelgänger se plaçait mal. Elle trouvait le mot français sosie plus beau, alors elle a écrit la chanson en français.
Un rappel se poursuit avec Laisse au vent, qui puise son inspiration dans ses racines franco-canadiennes. « Je relisais La détresse et l’enchantement de Gabrielle Roy, se remémore l’artiste. Ça parle beaucoup de sa vie au Manitoba. Elle se sentait seule dans le monde, grand et isolé. Il y avait un parallèle entre sa vie et le paysage. Il y avait quelque chose, là, qui m’inspirait. »
Laisse au vent évoque l’idée que le monde est grand, mais qu’il faut foncer pour le découvrir.

L’idée du parallèle entre l’humain et la nature revient sur Cendres, le troisième titre du mini-album. La saison particulièrement intense des Feux de forêt, en 2023, sert de trame de fond pour parler de relations interpersonnelles. Pour faire face aux changements climatiques, comme pour entretenir nos couples ou nos amitiés, il faut faire des efforts conscients. « You have to care for it. »
Il est important de soutenir notre partenaire dans ses ambitions, mais on ne peut pas non plus réaliser ses projets pour lui ou le forcer à le faire, comme exprimé dans la chanson suivante, Même si je comprends. On ne « peut pas forcer le temps », et le conseil vaut aussi pour nous-mêmes.
« Beaucoup des chansons sont un rappel pour moi de rester ouverte, d’être présente et de ne pas trop forcer. Je veux toujours tout faire. (…) C’est un rappel de ralentir. »
Un rappel se termine sur sa pièce la plus légère, Disons rien. La chanson est inspirée d’une version de la formation Montréalaise TOPS de la chanson Sunday Morning, tirée d’un album hommage à l’artiste américaine Margo Guryan.
En spectacle
La prochaine prestation publique de Good Fortune est prévue le 21 mai au Centre national des arts d’Ottawa, dans le cadre de la semaine musicale de la capitale. Cet événement, qui aura lieu pour la première fois cette année, est organisé par la Coalition de l’industrie musicale d’Ottawa en marge de son gala des Prix de la musique de la capitale.
Good Fortune se produit parfois dans des cafés et salles de spectacles de Kingston, et prépare un spectacle éventuel en collaboration avec le Centre culturel Frontenac, un organisme important pour la francophonie de la région.
Elle caresse aussi le projet de faire des spectacles intimes dans des magasins de disques indépendants. Une tournée pourrait se dessiner à l’automne.