Un futur quartier francophone sur les rives du lac Ontario?
TORONTO – L’implantation de l’Université de l’Ontario français (UOF) aux abords de Sugar Beach, fait renaître l’idée d’un quartier francophone dans la Ville reine.
L’UOF a officialisé, la semaine dernière, son futur lieu d’implantation, à l’angle des rues Lower Jarvis et Queen’s Quay Est, sur les berges du lac Ontario. C’est à quelques encablures du nouveau Collège Boréal, actuellement en construction de l’autre côté de la voie rapide Gardiner.
À l’UOF, les travaux en cours devraient s’achever dès cette année pour une mise en service en 2021. Du côté du Collège Boréal, le chantier a, certes, pris du retard, mais l’édifice collégial s’inscrira bel et bien dans le paysage du quartier historique de la Distillerie, à l’horizon 2023.
Ces deux institutions francophones de premier ordre, installées durablement avec des baux respectivement d’une durée de 10 et 20 ans, dans un rayon d’à peine un kilomètre, refont émerger une légende urbaine au sein de la communauté : celle d’un quartier francophone, avec ses services, son art de vivre, sa langue…
Contrairement aux diasporas italienne, coréenne, grecque ou chinoise, aucun lieu ne rassemble réellement les Franco-Torontois qui représentent, selon les dernières données de Statistique Canada, 1,3 % de la population torontoise. Ils sont dispersés aux quatre coins de la métropole, avec quelques concentrations notables dans le centre-ville, le long de la rivière Don et dans l’Ouest.
Plusieurs ont tenté de lancer ce concept. « La Vallée », située le long de la rivière Humber, au sud de la rue Dundas Ouest, avait un temps été évoquée de par son potentiel résidentiel et historique – la rivière étant associée aux exploits de l’explorateur Étienne Brûlé.
Le secteur de la rue Carlton, entre les artères Yonge et Sherbourne, avait également été considéré comme un épicentre de la francophonie torontoise, concentrant plusieurs organisations communautaires d’importance et une église catholique… Mais aucun de ces lieux ne s’est véritablement imposé comme un centre névralgique sur le long-terme, un quartier à part entière.
Un potentiel prometteur
L’avantage du secteur Bayfront Est est qu’il regroupera deux institutions post-secondaires qui vont drainer, d’ici quelques années, des centaines d’étudiants. Si on ajoute les 300 étudiants de l’actuel campus du Collège Boréal aux 350 étudiants espérés par l’UOF dans sa première année de fonctionnement – et un millier à l’horizon 2024 -, cela représentera la deuxième plus forte concentration étudiante de langue française à Toronto, derrière le Collège Glendon et ses 2 700 étudiants.
Il faut aussi s’attendre à ce que le reste de la communauté soit attiré par les futurs services qui seront mis à disposition dans le secteur. Organisé en campus, sur le modèle de Sudbury, le Collège Boréal escompte en effet abriter sous son toit une multitude d’organismes francophones qui offriront des services et initieront des événements de nature à stimuler la vie communautaire. Autant de services qui pourraient inciter, par exemple, les nouveaux arrivants à s’installer à proximité.
L’UOF, de son côté, continue de développer son projet de Carrefour du savoir et de l’innovation. Étroitement lié au volet académique de l’université, il fédérera différents partenaires, eux-aussi pourvoyeurs de services recherchés par les Franco-Torontois. 25 partenaires seraient prêts à y implanter leur siège, un bureau satellite ou à nouer un partenariat leur facilitant une présence sur place. Mais sa mise sur pied interviendra plus tard.
« L’idéal, ce serait qu’on ait quelques écoles dans ce coin-là. Il y aurait une dynamique – Dyane Adam, présidente du conseil de gouvernance de l’UOF
À la population étudiante, vont donc se mélanger des francophones de tout horizon souhaitant bénéficier de ces services communautaires. Cette densité d’organismes pourrait ainsi pencher dans la balance des résidents en quête d’un cadre de vie francophone.
D’autant que les aînés aussi y ont leurs repères avec les Centres d’accueil Héritage, présents depuis 40 ans et qui gèrent 135 résidences dans l’édifice Place Saint-Laurent, fait remarquer Jean-Rock Boutin, président de la Fédération des aînés et des retraités francophones de l’Ontario (FARFO).
Tous ces facteurs font dire à la présidente du conseil de gouvernance de l’UOF, Dyane Adam, qu’« il y aura une concentration francophone, c’est vrai ».
« L’idéal, ce serait qu’on ait quelques écoles dans ce coin-là. Il y aurait une dynamique. C’est très positif ce secteur. »
L’autre atout de cette partie de la ville est d’être en transformation. Longtemps laissée à l’abandon, elle est désormais convoitée par les investisseurs. Les projets immobiliers fleurissent à proximité, à l’image du quartier intelligent développé par Sidewalk Labs, une filiale de Google. Quelque 4 300 logements abordables devraient voir le jour sur Quayside, aux côtés d’entreprises et de commerces générateurs d’emplois.
« Je suis convaincu que des synergies se créeront autour de Boréal et de l’UOF » – Gilles Marchildon, directeur du campus torontois du Collège Boréal
« Nos deux institutions auront deux adresses dans un quartier historique, attractif et en pleine ébullition », se réjouit Gilles Marchildon, directeur du campus torontois du Collège Boréal.
« Ce sera une très belle présence pour la francophonie sur les berges du lac Ontario et je suis convaincu que des synergies se créeront autour de Boréal et de l’UOF. Elles attireront naturellement un public francophone et donc, pourquoi pas, d’éventuels nouveaux services autour du quartier. »
Il faudra néanmoins une sérieuse politique du logement étudiant à Toronto pour espérer voir les jeunes francophones s’approprier la zone. Le coût des loyers en centre-ville a littéralement explosé ces dernières années, poussant les résidents les plus modestes à déménager hors du centre.
Les stratégies d’aide au logement que développeront le Collège Boréal et l’UOF seront aussi scrutées à la loupe. Un temps pressentie pour gérer les logements en partenariat avec l’UOF, la Maison de la francophonie pourrait jouer un rôle dans cette variable cruciale pour les étudiants.