Steve Mcinnis (au centre) détient le journal le Nord depuis six ans. L'hebdomadaire existe depuis 1976. Montage ONFR+

HEARST – Le journal hebdomadaire francophone Le Nord pourrait fermer ses portes en 2022, en raison d’un manque de main-d’œuvre. Les dirigeants se donnent jusqu’au mois de décembre avant de statuer sur l’avenir du journal d’information qui est l’un des seuls disponibles en français dans le Nord de l’Ontario.

« On est vraiment dans une situation critique », lâche au bout du fil le directeur général des Médias de l’épinette noire, Steve Mcinnis, un organisme à but non lucratif propriétaire du journal en plus de la radio communautaire CINN 91,9 FM.

Ce n’est pas avec un manque de journalistes que doit composer M. Mcinnis, mais plutôt avec un effectif administratif réduit, dans un contexte de compétition.

« C’est un problème qu’on vit partout à Hearst. On se vole nos employés entre nous. Les employés trouvent de meilleurs emplois, de meilleurs taux horaires avec des fonds de pension. On ne peut pas les blâmer d’aller chercher de meilleures conditions. C’est facile de dire « on augmente les salaires et on crée un RÉER ». En ce moment l’argent est là, mais il y aura des années où l’argent ne sera pas là et que ça va créer des trous. »

Steve Mcinnis, e directeur général des Médias de l’épinette noire. Source : Facebook

Normalement, l’organisme fonctionne avec près de 14 personnes à temps plein. Ce nombre est aujourd’hui réduit à presque la moitié, huit employés, ce qui est insuffisant, soutient Steve Mcinnis.

« On a toujours été une école pour former de futurs animateurs de radio et du personnel. Le problème est que le monde part, mais on est plus capable de trouver la relève. On est obligé d’engager du monde non qualifié (…). Non seulement on est surchargé de travail, mais là, il faudrait qu’on forme du monde par-dessus ça? Ce n’est pas possible. On n’y arrive plus et les employés non plus. »

Alors que plusieurs médias ont dû fermer leurs portes lors des dernières années, faute de moyen financier, ce n’est pas le cas ici, précise le dirigeant de l’hebdomadaire.

« L’argent est là : je dépose des demandes de subvention. Ce n’est pas ça le problème. Ce sont les employés que je ne trouve pas. Le journal est plus en danger que la radio. Il ne perd pas d’argent, même si l’on en perd un peu des fois. La radio compense. C’est plus facile de fermer le journal. »

« Des solutions sur la table »

Avec le conseil d’administration des Médias de l’épinette noire, Steve Mcinnis se donne jusqu’au 7 décembre, au moment de l’assemblée générale de l’organisation, pour prendre une décision. C’est à ce moment-là qu’on devrait savoir si la publication du média communautaire pourra continuer au-delà du 1er janvier.

« On a un mois pour chercher des solutions ou pour trouver du monde, mais les CV ne rentrent pas. On a fait un appel à tous en ondes vendredi dernier (22 novembre) et j’ai reçu un CV depuis une semaine. On ne peut pas faire une autre année comme ça, sinon, je vais être le premier à tomber en burnout. »

Il admet toutefois que « plusieurs solutions sont sur la table ».

« Je ne me décourage pas et j’essaie d’être proactif afin de trouver des solutions. Est-ce que l’on doit externaliser la comptabilité, ce qui nous coûterait toutefois plus cher? Est-ce qu’on n’a plus besoin d’une réceptionniste et on met un répondeur à la place? Il y a certaines solutions qu’on peut avoir, mais chacune aura des répercussions sur la population. Si on fait des changements, il va certainement y avoir des conséquences. »

Ce n’est pas la voie qu’il avait envisagée quand il a pris les rênes du journal.

« Je suis là depuis 2013. Le journal le Nord nous appartient depuis six ans. C’est mon bébé. Dans ma tête, si je ferme le journal le 1er janvier, ça sera une grosse défaite. Je réalise que je risque de perdre mon défi. Je le prends très très personnellement. Je ne veux pas dire non plus « on a plus d’employés, on sortira le journal et il aura l’air de ce qu’il aura l’air ». J’ai une fierté et je suis orgueilleux. Quand je sors un journal, je veux qu’il soit le plus professionnel possible et de la meilleure qualité possible. »

Le journal le Nord existe depuis 1976.