Un pas de plus vers un campus francophone virtuel canadien
TORONTO – En investissant deux millions de dollars dans la plateforme torontoise Voilà Community Help, le ministère des Langues officielles entend donner de l’élan à l’apprentissage dans le métavers, cette réalité numérique alternative qui permet à des élèves d’interagir via des avatars. Boudée en Ontario français, cette technologie pourrait gagner rapidement les pays de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).
Derrière ce financement, l’idée de la ministre Ginette Petitpas Taylor est d’arrimer l’intelligence artificielle aux langues officielles, la mettre d’une certaine façon au service du bilinguisme.
Voilà Community Help développe depuis plusieurs années un univers d’apprentissage virtuel du français comme langue seconde à travers le métavers façonné comme un campus où se croisent et se côtoient les avatars d’élèves et enseignants issus de 35 conseils scolaires partout au pays.
Échanger, faire ses devoirs, écrire sur un tableau, créer des vidéos, solliciter l’aide d’un enseignant… Des options variées s’offrent aux élèves de la 1ère à la 12e année afin qu’ils développent leurs acquis et compétences en français après la classe, de 17h à 20h. L’intégration de l’intelligence artificielle permet alors de recueillir de l’information sur l’apprentissage de chaque élève en vue de personnaliser ses besoins et attentes.
L’organisme torontois développe dans le même temps un autre projet destiné cette fois à l’apprentissage dès la petite enfance. Avec MétaLingo, des enfants de 2 à 6 ans seront en mesure d’interagir en français avec des animateurs et d’autres enfants de leur âge au moyen d’activités et de jeux adaptés et évolutifs.
« La petite enfance joue un rôle critique pour favoriser la transmission de la langue, la construction identitaire et le maintien du poids démographique des francophones au pays. Ces investissements permettront ainsi de répondre aux nouveaux besoins et priorités en matière d’éducation en langue française, et ce, dès la petite enfance », estime Mme Petitpas Taylor.
Le financement du ministère, qui s’étend sur deux ans, doit à la fois permettre l’optimisation de la technologie et le déploiement du programme. « La première chose, c’est de construire la plateforme et faire en sorte que les enfants soient à l’aise dedans. La deuxième, c’est employer des enseignants capables de donner des cours de 11h du matin à 3 heures de l’après-midi », détaille Hosni Zaouali, le président de Voilà Community Help.
Aucun conseil scolaire franco-ontarien
Près de 35 conseils scolaires sont connectés au campus actuellement. Aucun d’entre eux n’est franco-ontarien. « On a des conseils francophones comme celui de Vancouver, mais pas de l’Ontario », concède M. Zaouali. « Ils n’ont pas émis le souhait et on n’a peut-être pas bien fait de communication de notre côté. On doit faire plus d’effort pour aller vers eux. »
Alors que le développement de l’intelligence artificielle s’accélère, posant toujours plus de questions sur ses contours éthiques, le président de Voilà Community Help indique que la régulation de cette technologie est au centre de ses préoccupations.
« C’est un gros pavé sur mon bureau et qui rejoint la responsabilité et les valeurs de toute entreprise évoluant dans ce domaine en mutation rapide. » Aucune agence ne régule ce que l’on fait avec les données et l’enseignement. Alors on s’est entouré de spécialistes de la Aid Tech pour nous aider à trier ce qui est éthique de ce qui ne l’ait pas. »
Et de comparer l’exploitation concurrentielle des technologies d’intelligence artificielle comme « une course contre la montre ». « Mais on ne déploie rien qui n’a pas été testé ni régulé avec les pare-feu nécessaires pour prévenir les débordements. »
Ambition mondiale à l’échelle de l’OIF
Son organisme a récemment décroché un contrat avec l’OIF afin de déployer sa technologie dans les 88 pays membres. Son ambition : rejoindre des milliers d’étudiants grâce à un campus francophone universel accessible quel que soit leur équipement, ce qui explique les graphismes rudimentaires de la plateforme. « On veut garder cela le plus simple possible afin que, peu importe si tu as un ordinateur puissant ou pas, tu puisses être inclus, sans discrimination technologique. »
Pour la ministre, hors de question cependant de remplacer la salle de classe par l’apprentissage virtuel. « On ne veut pas remplacer les enseignants ni les salles de classe. Ça restera un outil complémentaire qui renforcera la confiance des enfants en eux », tient-elle à clarifier.
Et de conclure : « Cet outil a été déployé en Ontario, au Nouveau-Brunswick, en Colombie-Britannique, partout au pays. C’est incroyable de savoir que les jeunes vont vivre des expériences et des activités en milieu linguistique minoritaire. »