Un tournant pour la participation de l’Ontario à l’OIF
[ANALYSE]
Pour une fois, une partie de l’avenir de l’Ontario français ne se jouera pas à Queen’s Park ni sur le territoire canadien. À la veille du XVIIe sommet de la Francophonie qui se tiendra à Erevan, en Arménie, l’incertitude persiste pour Michaëlle Jean.
SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz
La Franco-Ontarienne d’adoption, dont le mandat arrive à son terme, jouera, mercredi et jeudi, sa peau à la tête l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). La partie sera tendue pour Mme Jean qui devra affronter la Rwandaise Louise Mushikiwabo.
Bien difficile de juger le bilan de Michaëlle Jean à la tête de l’OIF. Entre la promotion de la langue française ou encore la mise en commun des atouts économiques, l’institution censée représenter les 274 millions de francophones dans le monde semble chercher sa voie. Une chose est certaine : l’Ontario y perdrait en cas de départ de Mme Jean.
La province doit beaucoup à la secrétaire sortante pour son adhésion à l’OIF à titre de membre observateur en novembre 2016. Originaire d’Haïti, mais longtemps installée à Ottawa, Mme Jean connait les réalités des francophones en milieu minoritaire. C’est évidemment mieux quand on dirige une organisation avec 84 États et gouvernements membres, chacun avec leurs propres spécificités en matière de francophonie.
Des conservateurs moins chauds avec l’OIF
L’automne 2018 marque bel et bien un tournant dans la participation de l’Ontario à l’OIF. À l’entrain quelque peu excessif des libéraux à faire partie du concert des nations francophones a succédé la vision beaucoup plus pragmatique du gouvernement progressiste-conservateur.
La ministre déléguée aux Affaires francophones, Caroline Mulroney, l’a dit sans ambages : ça sera l’Ontario d’abord, et l’international ensuite. Aucune chance donc que sous Doug Ford, l’Ontario dépense quelque 2,5 millions de dollars annuels pour un statut de plein droit. Le fait qu’il n’y aura pas de délégation ontarienne présente à Erevan démontre bien le manque d’intérêt.
Il faut aussi souligner que l’OIF a un coût, même pour les membres observateurs. Aux 300 000 $ injectés par la province dans l’organisme depuis deux ans s’ajoute une série de contributions volontaires d’une valeur semblable, sans oublier les frais de voyages.
Des retombées encore minces
Les retombées pour le moment? Une entente de coopération entre l’Institut de la Francophonie pour le développement durable (IFDD) et le Réseau de développement économique et de l’employabilité de l’Ontario (RDÉE-Ontario) signée l’année dernière.
Pour le reste, les retombées concernant l’immigration francophone ou encore les partenariats économiques ne sont pas encore perceptibles. On attend toujours la nomination du « sherpa » qui doit représenter l’Ontario au sein de l’institution.
Il faut laisser du temps, dira-t-on, et c’est vrai. Sauf que le statut de membre observateur de l’Ontario reste limitatif. La province ne peut pas intervenir dans les grandes réunions de l’institution, ne peut présenter des candidats aux postes à pourvoir, et n’est pas autorisée à faire partie des séances à huis clos.
Sur le papier, le grand projet de voir l’Ontario français parmi les nations internationales est superbe. Encore faut-il que la province puisse avoir une voix forte et claire – un statut de plein droit – comme c’est le cas pour le Québec et le Nouveau-Brunswick.
Loin d’Erevan en Arménie, plus de 100 000 Franco-Ontariens n’ont pas accès à des services provinciaux dans leur langue, et l’Université de l’Ontario français n’est pas encore ouverte. Ne pas oublier cette réalité, c’est aussi reconnaître que les grands projets commencent toujours avec des bases solides.
Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 9 octobre.