Un code vestimentaire inclusif et non genré pour les écoles du CECCE
OTTAWA – En mai dernier, les élèves de l’école secondaire Béatrice-Desloges à Orléans, une des 59 écoles du Conseil des écoles catholiques du Centre-Est (CECCE), s’étaient retrouvés au cœur d’une polémique vestimentaire. Six mois après le « blitz », un nouveau code vestimentaire voit le jour basé sur les recommandations des élèves et d’autres parties prenantes.
Le directeur du conseil scolaire, Marc Bertrand l’a annoncé en grande pompe il y a quelques jours dans une vidéo promotionnelle comme étant « un code non genré, harmonisé et faisant place à l’expression de soi ».
Toutes les écoles du CECCE devront adopter ce règlement à partir du 9 janvier prochain.
Le CECCE explique, dans une note envoyée aux familles et à la direction des écoles, que cette version inclusive du code vestimentaire prend en compte ce que les élèves veulent, mais aussi les dispositions du Code des droits de la personne et de la Charte canadienne des droits et libertés.
« Le code vestimentaire a des limites tout en misant sur l’inclusion », avait annoncé le directeur, « son but est de permettre de s’exprimer tout en portant une tenue qui convient au milieu scolaire ».
Un code vestimentaire avant-gardiste
Ce nouveau règlement est en fait le fruit d’une consultation ayant débuté à l’automne 2021.
« Un code unisexe et pour tout le monde » approuvé par les apprenants, consultés durant le Sommet des élèves, mais aussi au travers d’un réseau d’élèves et des groupes d’adolescents de plusieurs écoles.
Pour fixer la limite, le conseil scolaire a fait appel à des travailleurs sociaux, la direction des écoles, des conseillers scolaires, les syndicats, les parents d’élèves, le personnel scolaire ainsi que le Centre canadien de la diversité des genres et de la sexualité.
« Les élèves sont invités à s’exprimer à travers leur tenue vestimentaire, afin que tous soient confortables de se rendre à l’école », peut-on entendre dans une vidéo explicative du conseil.
Diane Pacom, sociologue et professeure émérite de l’Université d’Ottawa, n’est point étonnée. « Je trouve que nous sommes rendues là depuis bien longtemps : le vêtement n’est plus le reflet de l’autorité suprême comme avant. »
Pour l’experte, il fut un temps où nous parlions d’uniformisation, d’ailleurs « une majorité des écoles avaient un uniforme ». Aujourd’hui, « les jeunes veulent du conformisme », ajoute-t-elle. « Nous sommes dans une société individualiste, les gens ne veulent pas être tous pareils, mais l’effet mode annule cela. Si on regarde les jeunes, ils sont à peu près tous habillés pareils. »
Ce code vestimentaire « harmonisé » n’est donc pas une grande nouvelle, puisque, assez logiquement, il interdit « une tenue vestimentaire qui fait la promotion et symbolise la drogue, l’alcool, une activité illégale, la haine, le racisme, la discrimination, le blasphème, la pornographie, qui incite à la violence ou le harcèlement et qui menace la santé et la sécurité ».
Il exige là encore « une tenue vestimentaire opaque, qui doit couvrir les sous-vêtements et les parties privées ».
L’aspect progressiste de ce nouveau règlement réside certainement dans la mention unisexe du code vestimentaire, qui laisse le champ aux interprétations de genre.
L’expression de soi dans le milieu scolaire
Est-ce que le vêtement est un critère de l’expression de soi? Pour Diane Pacom, « oui et non, mais dans un certain sens, ça n’a pas de rapport ».
D’après la sociologue, « les jeunes ont une mentalité tribale. Il y a des cliques qui se forment en fonction du look, le jeune à tout intérêt de se conformer ».
Donc, l’expression de soi n’est en fait que l’expression du groupe et de la mode. Pour Mme Pacom, il y a une recherche d’individualité de la part des jeunes et dans ce sens ce nouveau code vestimentaire plus inclusif et non genré permettrait cela.
D’un autre côté, « c’est une réalité de conformisme : les adolescentes sont les cibles préférées de la mode ».
Diane Pacom, suggère à ce titre qu’il serait intéressant de voir si les jeunes vont instaurer leur propre limite, « ce qui pourrait tout à fait être une stratégie du conseil scolaire ».
Il y a cependant un risque. « Le vêtement a toujours été un outil d’autorité, comme la tenue du policier. On est en train de déconstruire ses choses pourtant coulées dans le ciment. On voit donc du personnel scolaire habillé à l’identique d’un élève. »
Enfin, la sociologue explique que le corps a toujours été codé, « ce sont des codes pour dire : voici ma tribu ».
Le 21 mai dernier, la direction de l’École secondaire catholique Béatrice-Desloges avait lancé un contrôle du code vestimentaire auprès de nombreuses adolescentes. Suite à cela, les élèves avaient avoué les circonstances humiliantes d’un tel exercice. À ce moment-là, une élève avait expliqué à ONFR+, que « les filles avaient dû se pencher et toucher leurs orteils afin de voir si les shorts et jupes étaient trop courts et de constater si leurs sous-vêtements étaient visibles. Ils avaient même pris des règles pour mesurer ».