Une fête d’indépendance particulière pour les Congolais de l’Ontario
Des festivités peu communes pour les 60 ans de l’indépendance, teintées par la pandémie et les manifestations anti-racistes. Autant dire que les célébrations de la fête nationale congolaise, ce mardi, en Ontario revêtent une signification particulière.
Pas question pour la diaspora du pays francophone le plus peuplé du monde de ne pas hisser haut les couleurs du drapeau.
« Nous sommes plus de 20 000, présents ici à Toronto », laisse entendre le président de la Communauté congolaise du Grand Toronto (la Cocot), Jean-Paul Idikay.
Mais les activités, cochées à l’agenda il y a plusieurs mois, ont dû être annulées en raison des mesures de distanciation sociale.
« On avait prévu des conférences, des discours, des tournois de soccer et de basket pour les jeunes, des défilés de mode… Finalement, nous allons faire un débat par Zoom sur le 60e anniversaire de l’indépendance, et le comité de direction de notre association va visiter les mamans dans les centres d’hébergement et les étudiants. »
Un sentiment semblable 500 kilomètres plus loin, du côté de la région de la capitale nationale.
« En termes de festivités, ça se passe tout en ligne », explique Bumma Maisha, l’un des responsables de la Communauté Congolaise du Canada Ottawa-Gatineau.
« Il y a un gala que nous organisons, ça pourrait être suivi à travers le monde. C’est un gala virtuel quand même assez chargé. Le seul événement qui n’a pas été virtuel fut la journée de lever du drapeau, à 11h, devant l’hôtel de ville d’Ottawa. Puis, toutes nos conférences ont par la suite été virtuelles. »
Pas de pas de danse cette année, ni de chaudes accolades en personnes, mais la fierté de se souvenir du 30 juin 1960. Ce jour-là, le Congo accédait à son indépendance. Avec Patrice Lumumba premier ministre et Joseph Kasa-Vubu à la présidence, le pays se libérait ainsi de la Belgique.
« Les Congolais, ici au Canada, restent connectés », assure M. Maisha. « Nous mettons en valeur certaines représentations culturelles, mais on a importé beaucoup d’éléments de la culture congolaise, que ce soit l’art culinaire, et l’art musical. Il y a une certaine connexion qui est là! (…) Après 60 ans, Il y a définitivement beaucoup de prise de conscience de l’identité congolaise, le besoin d’un recul de soi. On se sent invité à réfléchir à l’identité congolaise, et à penser aux lendemains. »
La volonté d’être entendu par les institutions franco-ontariennes
Comme pour beaucoup, la pandémie a mis un coup au moral aux différentes associations.
« Ça nous a fragilisés, dans le sens pour faire certaines levées de fonds. Nous n’avons pas eu les capacités de les faire. Disons que c’est plus l’expression de la culture qui nous limite, car nous sommes très dynamiques », explique le président de la Communauté Congolaise du Canada Ottawa-Gatineau.
Mais les manifestations anti-racistes au Canada, peu après la mort de George Floyd, ont ravivé les revendications des Congolais envers les leaders franco-ontariens. L’enjeu : être écouté et avoir plus de place.
Peu avant, un autre drame avait déjà ébranlé la communauté congolaise de Toronto. Le 5 mai, Caleb Tubila Njoko chutait d’un immeuble à London à la suite d’une intervention policière.
« Nous sommes dominés par une autre race, mais les gens ne connaissent pas les besoins. Il y a des francophones qui ont pris le monde francophone en otage. Nous voulons être intégrés et obtenir plus de représentativité. Cela passe, par exemple, par plus de programmes qui encadrent les jeunes, mais des programmes basés sur les besoins de notre communauté. »
Deuxième communauté d’immigration franco-ontarienne
D’après Statistique Canada, un peu plus de 10 % des résidents permanents d’expression française admis en Ontario chaque année sont de la République démocratique du Congo. Derrière la France, le pays représente la deuxième source d’immigration francophone dans la province.
« Nous payons nos taxes, mais nous voyons l’injustice du gouvernement », poursuit M. Idikay « Le gouvernement canadien a ouvert grand la porte a des milliers de réfugiés syriens. Six millions de personnes ont été tuées au Congo, est-ce que le gouvernement a ouvert la porte pour autant? »
Un sentiment partagé du côté de l’association de la capitale nationale. « Tout cela rappelle une histoire sombre avec des blessures. Certes, beaucoup d’entre nous n’ont pas connu la période de l’esclavage et de la colonisation, mais beaucoup d’entre nous ont vécu une situation de discrimination. »
Les Congolais d’Ottawa ne sont pas aussi représentés, d’après lui, dans les associations.
« Quand il faut avoir des subventions des institutions franco-ontariennes, on se sent moins soutenu et nous avons rarement des réponses. »