Une initiative bénévole à Vanier offre un réconfort social aux plus vulnérables
VANIER – Tous les mardis soir, plusieurs résidents d’Ottawa marchent dans les quartiers touchés par l’itinérance et la crise des opioïdes. L’initiative « Bons voisins » veut sensibiliser la population à l’insécurité, la toxicomanie et l’itinérance dans leur ville. Dans ces marches nocturnes, les volontaires apportent aussi leur aide aux personnes vulnérables.
« Certains résidents étaient tannés de la situation à Vanier », explique Myka Delisle-Spencley, présidente du comité de sécurité de l’Association communautaire de Vanier (ACV).
« Nous sommes témoins de l’escalade de crimes et de gens qui prennent de la drogue dans la rue. On voit des surdoses, puis on sait que les gens ont des problèmes de santé mentale. Ils ont besoin d’aide », clame-t-elle.
Cette initiative bénévole a émergé à un moment où les citoyens s’étonnaient du manque d’action de la Ville. Plusieurs résidents se sont rencontrés pour parler de solutions à portée de main, sans inclure la police ni la Ville.
La première marche a eu lieu le 8 août et depuis, tous les mardis, au départ du Centre Pauline-Charron, plusieurs personnes se joignent au mouvement. Initiés par des francophones et des anglophones du quartier, les groupes « Bons voisins » suscitent de plus en plus d’intérêt.
Un peu comme un rôle de travailleurs sociaux
« Il n’y a pas grand-chose que l’on peut faire pour les itinérants. On leur donne des bouteilles d’eau, des barres de granola et on leur parle. »
« Parfois, les gens ont juste besoin d’un contact social. Ils vont nous raconter un peu leur histoire et, s’ils veulent aller dans un abri, on peut essayer d’avoir de l’aide », relate Myka Delisle-Spencley.
Parmi les résidents qui se sont rejoints mardi dernier, une majorité de francophones. La conseillère Stéphanie Plante participe souvent à ces marches, indique la présidente du comité de sécurité.
Ce soir-là, six d’entre nous ont parcouru les rues de Vanier à la rencontre des sans-abri. Sur le chemin de Montréal, « c’est là que les personnes sont le plus souvent ». La conversation n’est pas toujours simple, l’état d’ébriété compliquant parfois la tâche.
Le groupe « Bons voisins » a déjà vagabondé dans plusieurs rues du quartier 12, celui de la conseillère municipale franco-ontarienne, le plus touché par ce fléau. « La semaine dernière, nous sommes allés dans le Marché By », se rappelle Mme Delisle-Spencley. Le quartier Rideau à Ottawa concentre une grande partie des personnes sous l’influence de drogues ou seulement itinérantes.
« Là où il y a le plus de sans-abri et de la drogue, c’est dans notre quartier le plus populaire pour les touristes », constate-t-elle. « Je ne veux pas cacher les gens, mais je crois qu’il faut les aider. »
Parmi les volontaires, Bruce McConville est particulièrement à l’écoute des personnes vulnérables. Au détour d’une rue, c’est sans aucune retenue que l’habitant de Vanier apporte son aide à une personne visiblement sous l’influence de drogues. La poche de Naloxone n’est jamais très loin.
D’ailleurs, les bénévoles ont eu droit à une formation. Dispensée par la ZAC Vanier, ils ont appris à dés-escalader une situation négative et comment administrer le Naloxone.
Aujourd’hui, M. McConville voit quatre problèmes interconnectés : le sans-abrisme, les surdoses de drogue, les maladies mentales et la criminalité de rue.
Le logement devrait être une priorité pour combattre l’itinérance
Avec l’hiver qui arrive, le bénévole s’inquiète de la situation qui, selon lui, ne pourrait être réglée sans un investissement majeur dans le logement.
Ottawa aurait besoin de plus de 20 000 unités de logement, d’après Bruce McConville. « Nous n’avons tout simplement pas les ressources nécessaires pour aider les personnes sans abri. Certaines sont inscrites sur des listes d’attente depuis des années pour obtenir un logement abordable. »
Environ 10 000 personnes seraient en situation d’itinérance chronique et n’auraient nulle part où vivre. Certains des résidents de Vanier, présents durant la marche, estiment que les refuges sont de moins en moins équipés pour fournir une solution.
Dans le petit groupe de marcheurs, une vieille dame se dit profondément touchée par cette situation. « Les gens ont peur de sortir de chez eux, de se promener dans les rues. Souvent, ils sont harcelés. »
« En tant que citoyens, notre réponse est que nous pouvons agir. »
Myka Delisle-Spencley croit qu’il est très important pour les résidents de participer à ces marches. D’abord, parce que les personnes dans la rue pourraient avoir besoin d’aider et que le groupe pourrait les guider au travers de discussions. « Plusieurs personnes commencent à réaliser qu’il n’y a personne qui choisit cette vie-là. »
« On ne se lève pas le matin pour dire : « Je vais être un sans-abri dans la drogue. » Ce sont les conditions de la vie qui t’amènent à ce point-là. Ça pourrait être n’importe qui, ça pourrait être nous », exprime Mme Delisle-Spencley.
Améliorer la sécurité des quartiers et se préparer à l’hiver
« Le froid est pire pour eux que pour nous », croit la présidente du comité.
« On va continuer malgré le froid qui s’en vient. On veut aussi amener différents organismes ensemble. Je sais qu’il y a des organismes qui tricotent des foulards, des mitaines pour les sans-abris. On aimerait se rassembler avec ces groupes pour pouvoir distribuer ces choses-là en même temps. »
L’organisme invite ceux qui le souhaitent à les joindre les mardis dès 19 h, devant le Centre Pauline-Charron. Myka Delisle-Spencley espère pouvoir offrir des soupes ou de quoi réchauffer les gens quand les nuits seront froides. Elle souhaite plus de bénévoles et d’organismes partenaires, mais sait aussi que des dons d’argent pourraient soutenir le mouvement « Bons voisins » à prendre de l’ampleur.
Bruce McConville estime que cette démarche pourrait, là encore, inviter les gouvernements à se saisir du problème. « Nous sommes en train de construire un consensus autour de bonnes pratiques. C’est quelque chose de nouveau et il bénéficie d’un soutien massif. »
Le bénévole voudrait que même ceux qui ne sont pas témoins de cette réalité participent. « Je crois que les personnes qui vivent en dehors du centre-ville ne s’en préoccupent pas assez. »
La volonté de ce groupe semble solide. En fin de compte, si cette démarche s’avère efficace, « nous pourrions être un exemple de succès, dans la capitale du Canada », croit M. McConville.
« On veut voir Ottawa passer d’une dépendance envers les centres pour sans-abris et consacrer chaque ressource disponible au logement d’abord. »