Une offre permanente de services en santé mentale pour les francophones du Nunavut
IQALUIT – Les francophones du Nunavut ont accès depuis le mois dernier, à des services de santé mentale en français grâce à la télémédecine. Cette offre de service prend son envol alors que le projet qui a permis de l’établir tire à sa fin. Ainsi, les Franco-Nunavois ont désormais accès à des services de santé mentale à distance, qui tiendront compte de leur réalité nordique.
Le directeur général du Réseau santé en français du Nunavut (RÉSEFAN), Jérémie Roberge, explique que le projet, dans son ensemble, comporte trois importants volets.
« Développer l’accessibilité à des services publics en collaboration avec le ministère de la Santé du Nunavut. Une avenue pour développer des services au niveau privé parce qu’on sait qu’il y a des enjeux au niveau public par rapport à l’offre de services en français étant donné notre contexte linguistique et notre très forte minorité. Puis le troisième volet a trait à la formation sur des thématiques de santé mentale à la communauté ou aux professionnels (qu’ils soient) en santé, en éducation (ou) au niveau des organismes communautaires », résume-t-il.
Étalé sur trois ans, le projet financé par Santé Canada aura permis une percée dans le domaine des soins en santé mentale en français au Nunavut.
« On a récemment lancé, en juin, des services avec deux firmes du Québec (Familio et le Centre de thérapie de Montréal). Ces deux entreprises se sont associées pour couvrir les besoins… de zéro à 99 ans », indique M. Roberge.
« Ce qu’on voit au terme de trois ans c’est qu’au niveau de l’accès à des services privés, je pense que c’est un gain. C’est une réussite au niveau de ce volet-là. Au niveau de l’accessibilité au système public, il nous reste encore du travail de démarchage à faire, pour que les partenaires en santé mentale comprennent bien les besoins de la population », constate Jérémie Roberge.
S’il n’existe pas encore de services de santé mentale offerts par le territoire, c’est peut-être parce que l’argent octroyé au territoire par Ottawa pour la santé ne renferme aucune enveloppe destinée aux soins en français.
« Les sous qui proviennent du fédéral pour la santé sont négociés dans le cadre des ententes provinciales/territoriales sur la santé. Ces ententes-là en date d’aujourd’hui ne comportent pas de clause spécifique pour les langues officielles et les minorités linguistiques. Il n’y a pas d’argent identifié dans les ententes provinciales/territoriales en santé pour répondre à des besoins de minorités linguistiques pour l’instant. C’est un enjeu qui est présent et qu’on vit sur le terrain », déplore Jérémie Roberge.
Quant au troisième volet du projet, la formation, elle est importante selon M. Roberge, et devrait, à son avis, être offerte de façon continue.
« Il y a des formations sur les enjeux de santé mentale (et) il faut que ce soit donné de manière récurrente, donc pour moi il y a toujours du travail à faire à ce niveau-là. On connait les enjeux de stigmatisation en santé mentale. Ça demeure un travail constant. C’est beaucoup moins pire qu’il y a vingt ans, mais il y a encore beaucoup de travail à faire quand on parle de dépression, de dépression post-partum… », précise-t-il.
Pas de service directs
Pour comprendre le travail qui a été accompli par le RÉSEFAN, il faut savoir que « dans chacun des territoires et provinces on a un réseau de santé en français qui est financé par Santé Canada », explique Jérémie Roberge.
Ces réseaux n’offrent pas de services directs, mais travaillent plutôt « à développer l’accessibilité à des services de santé en français. Les réseaux de santé en français, ce qu’on fait, c’est du réseautage, donc nous, on est en relation avec des décideurs politiques et des ministères pour développer de l’accès. Donc, mon travail dans le cadre du projet de télémédecine en santé mentale, c’est de faire du lien pour que la population ait accès à un service », explique le directeur général de RÉSEFAN.
Jérémie Roberge reconnait toutefois que si la langue peut s’avérer un obstacle pour les francophones du Nunavut qui veulent des soins en français, ceux-ci côtoient une population inuite majoritaire dont les besoins en santé sont énormes.
« On a toujours de gros enjeux avec la tuberculose au Nunavut. Il y a beaucoup de défavorisation chez la population inuite. Donc on a des gros enjeux de pauvreté sur le terrain. Donc le système est débordé à la base avec la population qui est majoritaire sur place, et donc il faut (mettre) ça en contexte », insiste M. Roberge.
Il constate aussi qu’une bonne partie de la population francophone du Nunavut a de quoi bien vivre lorsqu’on la compare à d’autres communautés du territoire.
« Chez les Franco-Nunavois, on le sent. On a quand même des situations professionnelles privilégiées quand on est au Nunavut. Ce n’est pas le cas de tout le monde, il y a des personnes défavorisées francophones aussi, mais on aime bien mettre de l’avant l’équité, c’est-à-dire que si un service est disponible en français ou pour les francophones, on apprécie toujours qu’il soit disponible pour la majorité, donc les personnes inuites. On a vraiment ce souci de travail d’équité dans le fond, pour la population majoritaire dont la langue n’est pas respectée étant donné que la langue d’usage, c’est l’anglais », regrette M. Roberge.