Une rentrée scolaire à la maison pour près de 15 000 Franco-Ontariens
Alors que la rentrée scolaire est déjà débutée dans certaines régions de l’Ontario, ONFR+ a appris que près de 15 000 élèves franco-ontariens débuteront l’école la maison. ONFR+ a interrogé quelques parents de ces 15 000 élèves pour comprendre ce qui les a poussés à retirer leurs enfants de l’école en personne.
Alors que certains conseils anglophones de Toronto voient entre 20 et 30% de leur clientèle opter pour les cours en ligne, 10 à 20% (voir tableau plus bas) des parents francophones ont décidé d’utiliser la même option. Les parents éloignés des grands centres sont beaucoup moins susceptibles de garder leurs enfants à la maison, notamment dans le Nord de l’Ontario.
Par exemple, le Conseil scolaire Viamonde aura une plus grande proportion d’élèves à la maison que le Conseil scolaire catholique du Nouvel-Ontario et celui du district catholique des Aurores boréales réunis ensemble.
Quelques parents interrogés par ONFR+ ont assuré avoir basé une partie de leur décision sur les avantages qu’apporte l’offre virtuelle. Pour Stéphanie Lepage, d’Ottawa, sa fille effectuera la maternelle à la maison, en plus de bénéficier de l’aide de sa grand-mère pour l’accompagner dans ses travaux.
« Pour moi, elle va bénéficier encore plus de l’apprentissage en ligne, car elle va pouvoir avoir de l’aide en un à un avec sa grand-mère qui est une ancienne enseignante. Je crois qu’elle va progresser à un rythme beaucoup plus rapide que si elle était en salle de classe avec une vingtaine d’élèves », indique Stéphanie Lepage.
Cette dernière ne s’inquiète pas de l’absence d’interactions sociales pour sa plus jeune fille assurant avoir prévu le coup.
« C’est sûr qu’elle va un peu s’ennuyer, mais quand on va au parc, on essaie d’inviter des amis. J’ai aussi des cousins et cousines qui n’envoient pas leurs enfants à l’école, alors ils vont se rencontrer au moins une fois par semaine pour aller jouer ensemble. Je l’ai aussi inscrite à un cours de gymnastique avec d’autres enfants de cinq ans. Alors elle va aller chercher son côté social à plusieurs autres endroits que seulement assise à l’école. »
Pour Céline Lariviere-Perreault et ses deux adolescents de l’Est ontarien, le coronavirus aura permis de découvrir les bienfaits des cours en ligne.
« Mes enfants s’en sont super bien sortis en mars dernier. Il y a un gros apprentissage qu’ils n’auraient pas pu faire s’il n’y avait pas eu la COVID-19. L’école en ligne a permis d’ouvrir toutes sortes d’ouvertures et de fenêtres. Des fois, l’école était frustrante pour eux, car certains élèves ne prenaient pas l’école au sérieux et ça ne les aidait pas. Ils sont vraiment très contents de cette option-là », explique l’ancienne enseignante.
Des mesures sanitaires pas « saines »
Même s’ils sont d’accord avec les mesures sanitaires imposées, certains parents croient qu’elles représentent un certain désavantage pour l’apprentissage des enfants.
« Pour moi, le quotidien des enfants ne sera pas sain à l’école. Quand j’ai vu que les enfants devraient se laver les mains avant de rentrer en classe, en sortant de la classe, avant d’aller aux toilettes, avant de manger, etc. Je me suis dit « Oh, mon dieu, ils vont passer la journée en file pour se laver les mains ». Ça ne finit plus. C’est plus sain d’être à la maison et de passer l’heure qu’ils vont utiliser à être en file d’attente pour aller au parc avec ma fille », explique Chantal Côté, maman d’une élève en 1ère année à Orléans.
Le retour est d’autant plus impossible pour certains ayant des conditions médicales. C’est le cas pour Stéphanie Labrosse, de Sudbury, dont la plus grande va au secondaire et le plus jeune à l’élémentaire. La maman est en attente d’un troisième enfant et son mari fait de l’asthme, tout comme sa fille en 8ème année.
« C’est impossible pour ma fille de porter un masque toute la journée. Mon garçon a des troubles de concentration, alors il a besoin de bouger et de se lever. Rester assis sur un pupitre de 9h à 3h serait impossible pour lui. Le meilleur choix était de les garder à la maison. »
Pour son garçon de neuf ans qui rentre en 4ème année, la Sudburoise a décidé qu’il était plus utile de faire de l’école à la maison plutôt que d’utiliser l’option offerte par Conseil scolaire public du Grand Nord de l’Ontario (CSPGNO).
« Je suis un peu inquiète, car on (son mari et elle) n’a jamais fait ça auparavant. Mais on va l’aider en équipe. Je ne suis pas la meilleure en mathématiques, alors mon mari va s’en occuper et je vais m’occuper du reste. Mais on va être là pour lui », assure Mme Labrosse.
Une occasion manquée , croit un expert
Le professeur en éducation de l’Université d’Ottawa Éric Dionne voit que les cours en ligne pourraient être bénéfiques pour les bons élèves ou ceux ayant un « environnement aidant ».
« Pour les élèves autonomes et doués, c’est possible que ça soit bénéfique, car ils ne seront pas obligés d’attendre après les autres. Par contre, pour ceux qui tirent de la patte et qui ne sont pas dans des environnements familiaux aussi propices à l’apprentissage que d’autres, ça risque d’être beaucoup plus difficile. »
Pour lui, le gouvernement « a raté le bateau » concernant les enseignants et la rentrée scolaire.
« On a raté une occasion, cet été, de préparer une formation pour les professeurs qui allaient enseigner en ligne. À la place de s’occuper d’installer des flèches et des boîtes de Purell, on aurait pu avoir des types de cellules pédagogiques pour se préparer, mais il ne s’est rien passé. On s’est occupé de la boîte, mais pas du contenu et ça risque d’avoir des effets dans trois à cinq ans. »
Un retour en personne envisageable
La majorité des parents préfèrent utiliser les prochaines semaines pour voir comment se déroulera la rentrée scolaire avant de prendre une décision à savoir si leurs enfants pourront retourner à l’école.
« Il faudrait que ça soit sécuritaire et agréable pour décider si notre enfant retourne ou non », lance Chantal Côté. « Pour moi, il faut que l’école soit quelque chose de positif. Une fois que les choses se seront placées, là on reconsidérera et ce, même si ça pourrait prendre plusieurs mois. Mais pour l’instant, notre décision est claire, nette et précise. »
Les possibles éclosions et fermetures d’écoles ont aussi penché dans la balance en bout de ligne.
« On sait qu’une éclosion va arriver et le va-et-vient possible entre l’école en ligne et en personne a été le gros facteur dans notre décision. La possibilité de tomber en quarantaine, faire les cours en ligne et ensuite, retourner à l’école n’était pas possible pour nous. Les enfants voulaient avoir une stabilité et c’est ce qu’ils vont avoir en mode virtuel. Tant qu’à aller directement se mettre dans la gueule du loup, on a l’option, ici en Ontario, et je suis très contente et impressionnée qu’on aille cette option », affirme Céline Lariviere-Perreault, maman de deux enfants.
Selon les parents interrogés par ONFR+, les cours en ligne devraient débuter d’ici une à deux semaines.