Université : fini le temps des politesses
[ANALYSE]
Après un an de démarchage poli auprès du gouvernement de l’Ontario, les organismes qui militent pour la création d’une université « par et pour » les francophones de la province commencent à s’impatienter.
FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault
Le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) et ses partenaires, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) et la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO), préparent une « journée d’action » à Queen’s Park, le 18 février. Une manifestation sous les drapeaux verts et blancs devant la Législature provinciale, ça ne s’est pas vu depuis un bon bout de temps.
C’est tout un changement de ton.
Il faut dire que du côté du gouvernement libéral de Kathleen Wynne, rien n’a vraiment bougé dans le sens d’une université franco-ontarienne depuis qu’une demande officielle a été formulée, il y a un an. Les appuis demeurent conditionnels. On évoque la situation économique difficile. On doute de la viabilité du projet. On s’en remet à d’autres études.
La néo-démocrate France Gélinas a bien déposé à Queen’s Park un projet de loi privé demandant au gouvernement d’édifier cette université francophone. Mais, le texte ayant passé l’étape de la deuxième lecture, il tombe maintenant sous la loupe d’un comité parlementaire dont l’ordre du jour est contrôlé par les libéraux. Il pourrait donc ramasser la poussière jusqu’aux prochaines élections.
L’élue de Nickel Belt en sait quelque-chose. Elle a dû déposer trois projets de loi en cinq ans pour que la province interdise les salons de bronzage aux mineurs. Son projet de loi sur l’indépendance du Commissariat aux services en français est mort au feuilleton trois fois, avant que le clan libéral ne le reprenne à son compte.
La onzième heure
Le gouvernement Wynne a eu un an pour donner une réponse claire au RÉFO et à ses partenaires. Il ne l’a pas fait.
Sans mordre la main qui pourrait toujours leur donner l’institution dont ils rêvent, les organismes qui revendiquent à Queen’s Park une gouvernance universitaire francophone commencent à montrer les dents. Leur impatience n’est pas à prendre à la légère. Ce ne sont pas des groupes qui cherchent habituellement la confrontation.
Mais voilà. La onzième heure a sonné.
Les militants pour une université « par et pour » les Franco-Ontariens souhaitent l’ouverture d’un premier campus dans la région de Toronto en 2018. S’il n’y a pas d’engagement de la province dans son prochain budget, au printemps, cet échéancier déjà très serré ne tiendra définitivement plus la route.
Le RÉFO, l’AFO et la FESFO ont porté le dossier de l’université franco-ontarienne plus loin que tout autre groupe depuis 40 ans. Ils profitent à l’heure actuelle d’une conjoncture politique sans précédent. Les trois partis dans la Législature sont en principe d’accord pour donner aux francophones la pleine gestion de leurs programmes universitaires. Il y a là une occasion à saisir qui ne se représentera peut-être pas.
À l’aube d’une nouvelle session parlementaire à Queen’s Park, les militants pour une gouvernance universitaire de langue française doivent trouver un moyen d’élever leur revendication à la hauteur des autres grandes priorités de l’heure : énergie, environnement, infrastructure…
Voilà pourquoi le ton du débat a soudainement changé.
Pour que le projet d’université franco-ontarienne ne devienne pas, encore une fois, l’affaire d’une prochaine génération.
Cette analyse est publiée également dans le quotidien LeDroit du 13 février.