Vers une course indécise dans Glengarry-Prescott-Russell
[ANALYSE]
La préparation des élections provinciales en Ontario n’est plus à un rebondissement près. La prise de pouvoir soudaine du progressiste-conservateur Doug Ford l’atteste. Le renoncement de Grant Crack à briguer un troisième mandat en juin prochain dans Glengarry-Prescott-Russell va dans ce sens.
SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz
Grant Crack qui avait succédé au charismatique Jean-Marc Lalonde en 2011 préfère mettre un terme à sa carrière politique… à 55 ans. L’élu d’Alexandria sent-il venir la soupe chaude? Lui dont le siège est dit très menacé par la progressiste-conservatrice Amanda Simard lors des élections du 7 juin. Sa décision coïncidait la semaine dernière avec celle des ministres, Michael Chan et Tracy MacCharles, eux-aussi non partants pour la campagne électorale.
Éternel « backbencher » à Queen’s Park depuis plus de six ans, quelquefois hésitant, M. Crack a souvent déjoué les pronostics. Trois fois annoncé en mauvaise posture – lors de son investiture par le Parti libéral, puis ses victoires électorales la même année en 2011, puis en 2014 – l’ancien maire de Glengarry-Nord l’avait pourtant emporté… parfois sur le fil.
Très indécise, la circonscription de Glengarry-Prescott-Russell, située directement dans l’Est ontarien, voit ses électeurs se déchirer entre les libéraux et les conservateurs. Les gains des néo-démocrates y restent très limités.
Pierre Leroux, un atout plus sérieux
Si le successeur de M. Crack devra encore passer par la case investiture, tout indique que le maire de Russell, Pierre Leroux, seul candidat déclaré pour le moment, pourrait reprendre le flambeau.
Or, ce coup de théâtre de dernière minute va mettre quelques cailloux dans les chaussures de Mme Simard. D’une, Pierre Leroux est parfaitement bilingue. Un atout dans cette circonscription où les francophones sont encore plus de 60 %. Malgré des efforts sincères, M. Crack a longtemps vu ses difficultés à s’exprimer dans un français fluide lui coller à la peau.
Secondo, Pierre Leroux représente une certaine aile droite des libéraux. Entrepreneur et « pro-business », le maire de Russell possède un profil capable de séduire les Red Tories de Rockland, Hawkesbury ou encore Casselman. Une position politique qui pourrait lui permettre de grappiller quelques voix à Mme Simard.
Il y a fort à parier que la jeune conseillère de Russell aurait voulu éviter d’avoir le maire dans ses plates-bandes pour la campagne provinciale. Un duel fratricide, qui place M. Leroux, et son statut de premier magistrat, dans une position apparemment plus confortable.
Amanda Simard favorite
En dépit de toutes ses bonnes cartes, M. Leroux ne sera pas le favori contre Amanda Simard. Officialisée candidate dans la circonscription dès décembre 2016, la résidente d’Embrun a eu depuis le temps de cogner à de nombreuses portes. Opiniâtre et déterminée, elle ne ménage pas ses efforts. C’est d’ailleurs elle qui avait terminé largement en tête pour le scrutin des conseillers municipaux à Russell en 2014.
Sans compter que Doug Ford, fut-il polarisant, bénéficie toujours du rejet des libéraux par l’opinion publique. Malgré des investissements forts généreux, le budget dévoilé il y a quelques jours n’a pas tari l’impopularité de la première ministre, Kathleen Wynne.
En cas de victoire le 7 juin prochain, Amanda Simard signerait un double exploit. Remettre la circonscription dans le giron bleu au provincial. Une première depuis le départ de Joseph Albert Bélanger en 1981. Et devenir la première femme à diriger le comté, peu importe le palier gouvernemental. Un signe peut-être que les temps ont définitivement changé.
Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 9 avril.