Patrick Brown remporte la chefferie PC

«Je veux voir des membres de notre parti à tous les coins de rue, et dans tous les quartiers de notre province», a scandé le nouveau chef progressiste-conservateur Patrick Brown dans son discours de victoire devant les militants de son parti, le 9 mai.

 

TORONTO – Les militants du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario ont rompu avec l’establishment de la formation en choisissant Patrick Brown comme chef, le samedi 9 mai.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @SebPierroz

L’élu fédéral de Barrie l’a emporté contre sa seule rivale, la députée provinciale Christine Elliott, avec un écart confortable. Il a recueilli plus de 6600 voix sur un total possible de 10700 voix, soit 62% des suffrages, selon une formule de pointage par « grands électeurs » à l’américaine.

« Notre parti a déjà compté plus de 100000 membres. Des membres de tous les milieux et des quatre coins de notre province. Je veux voir des membres de notre parti à tous les coins de rue, et dans tous les quartiers de notre province », a scandé M. Brown dans son discours de victoire devant les militants de son parti, le 9 mai. « Je veux que notre parti reflète les différents points de vue de ses membres. Je veux des débats constructifs et respectueux. »

La course au leadership du Parti PC a permis à la formation de faire le plein de plus de 65000 nouveaux membres, a-t-on appris de sources officielles. La troupe d’opposition vivotait tout près des 10000 membres un an plus tôt.

Plus à droite sur l’échiquier politique, Patrick Brown, 36 ans, est un opposant loquace à une réforme par le gouvernement libéral de l’Ontario du curriculum d’éducation sexuelle dans les écoles élémentaires et secondaires de la province.

Les appuis de l’ex-candidat à la chefferie Monte McNaughton, un autre opposant notoire à la réforme de l’éducation sexuelle qui s’est rallié à la campagne de M. Brown en fin de parcours, auront d’ailleurs contribué au couronnement de celui-ci.

« Patrick représente le changement générationnel dont notre parti a besoin », a souligné M. McNaughton, heureux du résultat du congrès à la chefferie de son parti. « J’avais identifié pour ma campagne un enjeu difficile : celui de l’implantation par les libéraux d’un nouveau curriculum d’éducation sexuelle. Je comprends que des courses au leadership peuvent parfois nous amener sur des terrains glissants. Maintenant, nous devons nous unir. »

 

Message d’unité

Ce message d’unité était sur presque toutes les lèvres à la fin d’une course qui a révélé, plus que jamais, des différences idéologiques entre l’aile progressiste et l’aile réformiste du Parti PC.

« La clé du succès a toujours été d’élargir notre base. Nous avons toujours eu des appuis dans le nord, mais nous n’avions jamais été les solliciter auparavant. C’est ce que Patrick a fait », a confié à #ONfr le progressiste-conservateur Jack MacLaren, un supporteur de M. Brown de la première heure. « C’est un leader qui comprend les gens de l’Ontario. Il comprend les bonnes valeurs. Les valeurs canadiennes. Il comprend que la famille est l’élément le plus important de notre société. Il comprend que tout le monde a besoin d’un emploi. »

Le nouveau chef progressiste-conservateur devra maintenant céder sa place au parlement d’Ottawa et tenter de se faire élire à Queen’s Park. Il n’a toutefois pas précisé à quel moment il entendait passer d’un pallier de gouvernement à l’autre, ni dans quelle région de la province il lorgnait un siège.

« Il y aura plusieurs occasions » pour M. Brown de briguer un siège au provincial, a fait remarquer M. McNaughton.

Patrick Brown hérite de la chefferie progressiste-conservatrice à Queen’s Park onze mois après la cuisante défaite aux urnes qui a éconduit l’ancien leader Tim Hudak. Il reprend le flambeau du député de longue date Jim Wilson, qui a assuré l’intérim.

Honoré par les siens, M. Wilson s’est dit fier de laisser les rênes de sa formation alors qu’elle coiffe les libéraux et les néo-démocrates dans les sondages d’intentions de vote.

 

« Tourner la page »

« Ce fut une année difficile. C’est bon de tourner la page », a commenté la progressiste-conservatrice Lisa MacLeod, une ex-candidate à la chefferie PC qui s’était ralliée à Christine Elliott. « Patrick a démontré aujourd’hui qu’il avait gagné le respect des gens de notre parti. Il a démontré sa capacité à bâtir des coalitions. »

« Notre parti s’est réuni immédiatement », a ajouté Victor Fedeli, un autre candidat désisté à la chefferie qui avait rejoint le camp de Mme Elliott. « L’économie de notre province est dans un tel pétrin que nous devons maintenant trouver des manières de réparer les dommages qu’ont causés Kathleen Wynne et ses libéraux », a relancé l’élu de Nipissing, dans le nord-est de l’Ontario.

Ancienne lieutenante du parti, Christine Elliott, 60 ans, était pour sa part considérée comme le choix de l’establishment et la favorite dans la course au leadership jusqu’à ce que Patrick Brown vienne revendiquer la pole position, fin février. L’élue provinciale de Whitby-Oshawa avait l’appui, entre autres, de la majorité du caucus de sa formation et de figures emblématiques comme l’ancien premier ministre Bill Davis.

« Je suis confiante que les progressistes-conservateurs vont s’unir derrière le leadership de Patrick », a déclaré Mme Elliott peu après sa défaite, sans rien laisser présager par rapport à son avenir politique.

Mme Elliott, veuve de l’ex-ministre fédéral et provincial Jim Flaherty, proposait de faire de la Big Blue Machine d’autrefois une « grande tente bleue » inclusive et à l’écoute des moins fortunés. Son élection à la chefferie aurait signalé un retour au centre, après une dérive à droite qui n’a pas profité à la formation sous l’égide de M. Hudak.

 

« Militant du Tea Party »?

Les autres partis à Queen’s Park n’ont pas perdu de temps, le 9 mai, pour émettre des doutes quant à la capacité de Patrick Brown à mener sa troupe vers une victoire aux prochaines élections provinciales.

« C’est le quatrième leader du Parti PC depuis 2003 », a réagi avec une pointe d’ironie Steven Del Duca, ministre libéral des Transports. « Pendant neuf ans, Patrick Brown a représenté une communauté pas très loin de la mienne, qui grandit à vue d’œil. Il a eu plusieurs occasions de passer de la parole aux actes. Il aurait pu se tenir debout pour notre province alors que le fédéral présentait des budgets qui successivement nous appauvrissaient. Mais il ne l’a pas fait », a fustigé l’élu de Vaughan, au nord de Toronto.

M. Del Duca a comparé le nouveau chef de l’opposition à Queen’s Park à un « militant du Tea Party », ce mouvement issu de la droite libertarienne aux États-Unis qui véhicule, selon lui, des idées très loin des courants d’aujourd’hui.

« Les partis essaient parfois de se renouveler avec un nouveau chef. Mais du côté des libéraux, nous avons vu que la première ministre Kathleen Wynne n’est finalement pas si différente de son prédécesseur Dalton McGuinty. C’est la même chose pour les progressistes-conservateurs », a opiné le néo-démocrate Jagmeet Singh, traçant un parallèle entre M. Brown et M. Hudak.

Plusieurs centaines de militants de l’opposition officielle à Queen’s Park étaient réunis à Toronto pour le dépouillement du vote à la chefferie de leur parti, le 9 mai.