Il reste environ 130 mètres pour que les deux parties du tablier réalisent leur jonction. Ce devrait ètre chose faite au cours de l'été. Crédit image : Projet du Pont international Gordie-Howe

WINDSOR – Avec une portée libre de 853 mètres, le pont international Gordie-Howe reliant Windsor à Détroit sera le plus long pont à haubans d’Amérique du Nord, le dixième à l’échelle mondiale. Avant son entrée en fonction prévue en septembre 2025, une première étape majeure est sur le point d’aboutir d’ici cet été : la jonction du tablier simultanément construit depuis les deux rives, américaine et canadienne. ONFR s’est faufilé sur ce chantier hors norme pour rencontrer un des 10 000 travailleurs mobilisés depuis cinq ans.

Coordonnateur de projet au point d’entrée canadien depuis un an, Elario Hanna n’est pas peu fier de participer à l’édification du deuxième pont qui reliera les villes de Windsor en Ontario et de Détroit dans le Michigan. Chaque jour, il mesure les progrès accomplis par ses collègues et lui-même, s’imaginant déjà traverser ce monstre de béton et d’acier.

« Je ressens une grande fierté lorsque je dis à mes amis et à mes proches que je travaille sur ce projet unique au monde qui rapproche le Canada et les États-Unis et contribuera à leur prospérité économique, confie cet Ontarien d’origine libanaise. J’ai hâte d’emprunter ce pont en sachant que j’ai participé au plus grand projet d’infrastructure à la frontière canado-américaine. »

Un des aspects les plus spectaculaires reste certainement la progression, mètre par mètre, du tablier, cette surface sur laquelle reposera la future route à six voies et qui supportera le trafic transfrontalier quotidien de plusieurs milliers de véhicules.

Comme suspendues dans les airs, défiant les lois de la gravité, à plus de 40 mètres au-dessus des flots de la rivière Détroit, des plaques de béton de plusieurs tonnes ne tiennent que par la force d’immenses câbles d’acier (des haubans) tissés depuis deux imposants piliers de 220 mètres de haut érigés sur les berges.

Elario Hanna, coordonnateur de projet pour Bridging North America au point d’entrée canadien. Crédit image : Projet du Pont international Gordie-Howe

En poste depuis un an, M. Hanna est enthousiaste. « C’est ma première participation à la construction d’un pont et d’un point d’entrée. C’est aussi la première fois que je travaille sur un grand projet en Amérique du Nord », rapporte ce travailleur, précédemment engagé dans un grand projet d’infrastructure routière en Arabie saoudite en 2021.

Une fourmilière sur plusieurs dizaines d’hectares

Tout comme lui, des milliers de travailleurs sont mobilisés sur ce chantier débuté en 2018. Près de 10 000 ont suivi une formation à cette fin, 42 % de la main-d’œuvre provenant de Détroit ou du comté de Windsor-Essex.

Ouvriers, ingénieurs, techniciens, agents de communication et de sécurité s’affairent sur les deux immenses sites (53 hectares pour le seul côté canadien) qui accueilleront, outre le pont en lui-même, une complexe infrastructure d’échangeurs routiers et de postes-frontière.

À titre de responsable de la collaboration entre les différentes parties prenantes du projet, Elario Hanna côtoie sous-traitants, consultants et architectes, tout en collectant les commentaires des inspecteurs sur l’état d’avancement des 11 bâtiments, structures et autres éléments du point d’entrée canadien. Il doit en effet s’assurer que le projet respecte toutes les spécifications établies.

Il prend très à cœur cette mission au contact des mécaniciens de chantier, des soudeurs de structures, des opérateurs d’équipements lourds, des électriciens, des plombiers ou encore des peintres. « On travaille tous en étroite collaboration afin de progresser chaque jour. »

Le tablier en cours de construction a simultanément démarré du côté canadien et du côté américain. Crédit image : Projet du Pont international Gordie-Howe

Chaque poutre d’acier pèse une tonne et doit être manipulée avec une extrême précaution. Crédit image : Projet du Pont international Gordie-Howe

Aucun pilier dans l’eau : ce pont à haubans tient grâce à des câbles obliques partant deux pylônes supportant à eux seuls le tablier sur lequel les véhicules circuleront. Crédit image : Projet du Pont international Gordie-Howe

Le pilier canadien culmine à 220 mètres de haut. Crédit image : Projet du Pont international Gordie-Howe

Une fois achevé, ce sera le plus grand point d’entrée canadien le long de la frontière canado-américaine. Crédit image : Projet du Pont international Gordie-Howe

« Les conditions météorologiques sont particulièrement difficiles à gérer »
— Élario Hanna, travailleur francophone

Sa journée débute par une réunion cruciale avec tous les sous-traitants pour passer en revue nos plans de travail, puis se termine par un examen des progrès accomplis, avec l’équipe administrative. « C’est à ce moment qu’on se répartit de nouvelles tâches pour le lendemain. »

Et quand le mauvais temps s’en mêle, il faut rebattre les cartes. « Les conditions météorologiques sont particulièrement difficiles à gérer parce que nous travaillons principalement à l’extérieur, qu’il neige ou qu’il pleuve, dans le froid comme la chaleur. Si la sécurité est en jeu, nous réorganisons nos plans et nous concentrons l’intérieur des bâtiments. »

Des missions moins connues du grand public

Dans l’ombre du chantier principal, ce travailleur confie que des missions moins connues prennent forme sur le site. « Au point d’entrée canadien, l’un des éléments que beaucoup de gens ne considèrent peut-être pas est notre travail en matière de protection des espèces sauvages de la région. »

Une équipe environnementale déploie chaque jour des buses sur le site afin de dissuader des oiseaux de nidifier dans les infrastructures. L’objectif de ce programme de fauconnerie est double : préserver les espèces en péril et éviter un arrêt du chantier en cas de déplacement d’un nid, comme le prévoit la loi.

Un fauconnier et son oiseau de proie, prêts à inspecter le chantier. Crédit image : Projet du Pont international Gordie-Howe

« Récemment, deux oiseaux sont entrés dans notre remorque de chantier. Pour les déloger en toute sécurité, l’un de nos superviseurs a utilisé un balai pour diriger les oiseaux vers la sortie en toute sécurité », relate Elario Hanna.

Derrière lui, se dessine la silhouette du mastodonte inachevé qui prendra le nom du plus grand joueur de hockey canadien. Il reste environ 130 mètres pour que les deux parties du tablier réalisent leur jonction. Retardée d’un an, la fin des travaux est prévue pour septembre 2025, avec une ouverture à la circulation à l’automne de la même année.

Après le pont Ambassador et le tunnel Windsor-Détroit, le pont Gordie-Howe constituera le troisième lien routier entre les deux villes frontalières par lesquelles transite près du quart du commence canado-américain. On estime à plus de 450 milliards de dollars le volume annuel des échanges commerciaux entre l’Ontario et les États-Unis, dont Windsor et Détroit constituent l’entrée principale.

Le pont Gordie-Howe en chiffres

  • 10e pont à haubans le plus long au monde
  • 2,5 kilomètres de long, 37,5 mètres de large
  • 7 ans de construction, de 2018 à 2025
  • 6,4 milliards de dollars de contrat
  • 10 000 personnes formées pour y travailler
  • 2500 emplois créés, dont 42 % au niveau local
  • 275 entreprises de Windsor et Détroit impliquées
  • 12 millions d’heures de travail depuis 2018
  • 6 voies de circulation et 1 voie piétons/vélos