Remaniement ministériel : les francophones perdent un allié

John McCallum est remplacé au ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté. Crédit photo: Benjamin Vachet

OTTAWA – Moins de deux ans après son accession au pouvoir, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé, le mardi 10 janvier, quelques changements au sein de son conseil des ministres. Les francophones à l’extérieur du Québec perdent un allié puisque le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, John McCallum, quitte la Chambre des communes pour le poste d’ambassadeur du Canada en Chine.  

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Première victime de ce jeu de chaises musicales, le ministre McCallum risque de manquer aux communautés francophones en situation minoritaire. Depuis l’élection d’octobre 2015, le député ontarien avait montré plusieurs signes d’ouverture envers les aspirations des francophones à l’extérieur du Québec sur le dossier, jugé primordial, de l’immigration.

En mars dernier, il avait annoncé le rétablissement d’un programme de promotion de l’immigration francophone à l’extérieur du Québec tel que demandé par la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada.

Avant même l’annonce officielle du départ de M. McCallum, le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Carol Jolin, s’inquiétait déjà de ce changement.

« Il y a un sommet sur l’immigration francophone au printemps prochain à Moncton. La priorité sera de faire des recommandations pour améliorer la coopération entre le provincial et le fédéral. Il va donc falloir que la personne qui prendra les rênes comprenne très rapidement les dossiers et les enjeux pour travailler de façon efficace avec la province. J’espère que cette personne a beaucoup d’énergie et est prête à mettre toutes les heures nécessaires, sinon le dossier risque de traîner en longueur. »

Ancien ministre de la Défense nationale sous Jean Chrétien, puis ministre des Anciens  combattants, puis du Revenu national, sous Paul Martin, M. McCallum siège à la Chambre des communes depuis 2000. À l’issue du remaniement ministériel, M. McCallum devient le nouvel ambassadeur du Canada en Chine.

Pour le remplacer, Justin Trudeau a choisi un novice en la personne du député ontarien de York South-Weston, Ahmed Hussen, qui a fait son entrée à la Chambre des communes lors des élections générales de 2015. Originaire de Somalie, M. Hussen est arrivé au Canada comme réfugié en 1993, à l’âge de 16 ans. Président de l’organisation du Congrès des somaliens canadiens, il est le premier député d’origine somalienne au Canada.

M. Hussen aura la charge d’atteindre l’objectif du gouvernement fédéral d’au moins 4,4 % d’immigration francophone hors Québec d’ici 2023. Pour l’aider, M. Hussen pourra compter sur la FCFA, selon sa présidente Sylviane Lanthier.

« Nous sommes à deux mois et demi du forum des gouvernements sur l’immigration francophone, qui aura lieu à Moncton à la fin mars, et le gouvernement fédéral prépare présentement son prochain plan d’action en matière de langues officielles. Ensemble, nous pouvons vraiment aller chercher des résultats tangibles en matière d’immigration pour nos communautés si nous mettons en place des outils appropriés pour atteindre les cibles que nous nous sommes fixées. Nous avons hâte de rencontrer le ministre Hussen pour lui offrir notre collaboration à cet égard. »

Petit souci toutefois, ce dernier ne semble pas maîtriser le français, alors que M. McCallum était bilingue. Selon ce qu’a pu observer #ONfr, son site Internet, ses vidéos et ses médias sociaux sont tous presque exclusivement unilingues anglophones et ses rares interventions à la Chambre des communes dans la langue de Molière ont démontré ses difficultés. Au moment de publier cet article, son bureau n’avait pas répondu à nos demandes d’entrevue. La présidente de la FCFA se montre toutefois assez confiante.

« Il est certain que nous préférons qu’un ministre qui est en charge d’un dossier qui touche les francophones parle le français, comme nous encourageons tous les ministres à l’apprendre. Nous espérons que M. Hussen va accélérer son apprentissage du français et avons hâte de le rencontrer pour lui faire connaître nos enjeux. Mais ce qui est le plus important, c’est de pouvoir travailler avec quelqu’un d’ouvert et qui veut comprendre nos réalités. De plus, nous avons été informés que l’équipe qui travaillait avec M. McCallum restera en poste pour encore quelques mois et j’imagine que compte tenu de l’importance du forum à venir, qui réunira pour la première fois les ministres en charge de l’immigration et les ministres responsables des affaires francophones, cela fera partie des priorités de M. Hussen. »

Jeu de chaises musicales

M. McCallum n’est pas le seul vétéran libéral à la Chambre des communes à faire les frais du remaniement annoncé mardi. Le ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion perd également sa place au profit de Chrystia Freeland.

Le père du Plan d’action pour les langues officielles, qui a occupé les fonctions de ministre des Affaires intergouvernementales, dans le gouvernement de Jean Chrétien, de ministre de l’Environnement, sous Paul Martin, avant de devenir chef du Parti libéral en 2006, fait sans doute les frais du changement de présidence aux États-Unis. M. Dion réfléchit actuellement à la proposition formulée par le premier ministre Trudeau d’occuper le poste d’ambassadeur du Canada en Allemagne et auprès de l’Union européenne.

Députée ontarienne d’University-Rosedale, Mme Freeland a été élue pour la première fois en 2013. Elle occupait auparavant les fonctions de ministre du Commerce international. Elle est remplacée par François Philippe Champagne, mais conserve toutefois le dossier des relations canado-américaines, y compris en ce qui a trait aux échanges commerciaux.

Au sein du ministère de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail, MaryAnn Mihychuk cède sa place à l’ontarienne Patricia Hajdu, l’ancienne ministre de la Condition féminine, qui est, pour sa part, remplacée par Maryam Monsef. Nouvelle ministre des Institutions démocratiques, la députée ontarienne Karina Gould aura la charge de gérer le complexe dossier de la réforme du mode de scrutin promise d’ici les prochaines élections de 2019.

L’Ontario gagne un ministère

La province de l’Ontario continue de dominer au sein du conseil des ministres. Ils étaient 11 avant le remaniement, ils sont désormais douze ministres ontariens au sein du gouvernement de Justin Trudeau. Malgré le départ de M. McCallum, les nominations de Karina Gould et d’Ahmed Hussen augmentent le poids de la province la plus peuplée du Canada. Le Manitoba perd en revanche un de ces deux représentants avec le départ de MaryAnn Mihychuk.

L’opposition conservatrice a rapidement réagi au remaniement ministériel.

« Les échecs du gouvernement libéral sont la responsabilité du premier ministre Justin Trudeau.  Changer les visages au cabinet ne changera pas le mauvais jugement et l’orientation de notre pays fondamentalement erronée du premier ministre », a déclaré Candice Bergen, la leader de l’Opposition officielle à la Chambre.

Les nouveaux ministres (de gauche à droite) :

Nouveaux ministres

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