150 ans et toujours du pain sur la planche!
[CHRONIQUE]
L’année 2017 s’annonce remplie de festivités entourant les célébrations du 150ème anniversaire de la – mal nommée – Confédération canadienne. Mais en dehors de ces amusements, il est à espérer que le gouvernement fédéral, maintenant qu’il a pris la cadence, marquera cette année d’actions et de réformes concrètes, dans trois dossiers d’envergure notamment.
AURÉLIE LACASSAGNE
Chroniqueuse invitée
Réforme constitutionnelle?
Réformer la Constitution, c’est ouvrir la boite de Pandore. Cependant, les circonstances semblent réunies pour rouvrir ce débat. Le nationalisme québécois n’est pas porteur et ce serait pour lui un passage obligé si Justin Trudeau souhaite se faire un prénom.
À travers le pays, les communautés autochtones semblent mobilisées et impatientes d’un véritable changement de gouvernance. Comme jamais auparavant dans l’histoire du Canada, le sort des peuples autochtones est sur l’agenda politique.
Le fait que depuis plusieurs années, de nombreux jeunes autochtones fréquentent l’université, le nombre croissant et la visibilité d’intellectuels et artistes autochtones, de même que le vent d’espoir insufflé par la mobilisation des Sioux au Dakota sont autant de facteurs structurant un véritable mouvement social qui est à même de porter le projet d’une réforme constitutionnelle.
Ce qu’il y a de profondément attrayant dans cette perspective de refonte constitutionnelle, c’est que le Canada s’offrirait les moyens de penser et de régler plusieurs problèmes à la fois. Ces discussions permettraient non seulement de repenser les relations politiques entre l’État et les peuples autochtones, mais également de reformuler une identité canadienne inclusive et respectueuse, permettant par là-même de couper l’herbe sous le pied aux populistes amateurs de « valeurs canadiennes » passéistes, et – cerise sur le sundae – de restructurer l’économie canadienne en profondeur.
Car si négociations il y a avec les peuples autochtones, les questions territoriales seront un enjeu prioritaire. Si une économie canadienne du 21e siècle peut encore en partie reposer sur l’exploitation des ressources naturelles, celle-ci doit se faire de manière durable, aux côtés du développement d’une économie verte, et d’une politique industrielle ambitieuse qui permettrait d’insérer enfin les autochtones au marché du travail.
La diversification de l’économie canadienne apparaît d’autant plus un prérequis que la situation financière des ménages fragilise considérablement notre économie.
La fin du règne des banques?
Chaque année, la même ritournelle se fait entendre : l’endettement des ménages canadiens a encore augmenté. Au troisième trimestre de 2016, il était de 166,9%. Autrement dit, en moyenne, les Canadiens doivent 1,67 dollar en dette sur le marché du crédit, qui comprend crédit de consommation, prêts hypothécaires et non hypothécaires.
Le bal avait été lancé par le gouvernement Harper : un resserrement des conditions d’accès aux prêts hypothécaires. Le ministre des finances Bill Morneau a lui aussi pris des mesures dans ce sens. Pourtant, l’endettement continue d’augmenter.
Les mesures prises pour restreindre l’accès aux prêts hypothécaires représentent des mesurettes : les Canadiens continuent d’acheter des maisons bien au-delà de leurs moyens. Mais la marge de manœuvre du gouvernement est faible puisque toute mesure draconienne sur l’accès, tout comme une augmentation trop élevée des taux d’intérêt entraîneraient l’explosion de la bulle spéculative immobilière. Cela enclencherait un effet domino comme nous l’avons vu en 2008 aux États-Unis.
Une des marges d’actions du gouvernement cependant, c’est d’imposer aux banques qu’elles assument une plus grande part des risques. Le problème de l’endettement des ménages canadiens vient du fait que depuis 150 ans le Canada a fait la part belle aux banques.
On pourrait assez rapidement régler une partie de l’endettement en interdisant aux banques d’octroyer des cartes de crédit à tout va, à tout le monde, et à des taux usuriers.
Le projet de loi omnibus présenté par le gouvernement à l’automne dernier prévoyait d’établir certaines dispositions pour protéger les consommateurs face aux banques. Ces mesures ont été retoquées par le Sénat et tellement vertement critiquées par une grande partie de la société civile et des politiciens que le gouvernement a dû faire marche arrière.
On peut espérer que le gouvernement sera prêt en 2017 à proposer une vraie réforme encadrant le pouvoir des banques. Pour faire bonne mesure, le gouvernement pourra s’attaquer de façon sérieuse à l’endettement étudiant, véritable plaie sociétale. Il en va, au final, de la stabilité de toute l’économie canadienne.
Scène internationale
L’année 2017 sera plus que jamais remplie de tensions sur la scène internationale. Pendant que les médias se concentrent sur le délitement du Moyen-Orient, la chute sans fin de l’Europe, et la grotesque descente aux enfers des États-Unis, l’Afrique continue de souffrir, embourbée qu’elle est dans des relations néocoloniales qu’on lui impose et qui se maintiennent par la collaboration criminelle de potentats locaux indéboulonnables. La République centrafricaine et le Burundi s’enlisent, la crise politique s’amplifie en République démocratique du Congo, tout cela étant de sinistres présages dans cette région des grands lacs où les haines demeurent vives. Des courants mafio-islamistes continuent de pulluler en Afrique de l’Ouest se nourrissant du désespoir des jeunes et de la pauvreté de tous.
Le Canada est un petit pays mais il peut néanmoins agir, notamment dans le cercle somme toute restreint de la francophonie internationale, d’autant qu’il est à parier que la France en sera largement absente. Le Canada s’est dit prêt à contribuer aux efforts de maintien de la paix de l’ONU, on a beaucoup parlé d’un possible déploiement au Mali.
Ce n’est pas le nombre d’options qui manquent. On ose néanmoins espérer que ce soit sur le terrain de la diplomatie et du « développement » (il serait plus approprié de parler de partenariat économique renforcé et de transferts de technologies) que le Canada agisse. C’est par ce soft power que le Canada pourra retrouver son poids sur la scène internationale.
Dans l’état de turbulences extrêmes du monde, le Canada devrait saisir cette occasion pour entamer les réformes structurelles nationales dont il a besoin pour éviter de tomber dans le même piège que ses alliés – la division, l’ignorance, la haine, le mépris, le repli sur soi, etc. – dans cinq ou dix ans.
Gardons-nous une petite gêne, arrêtons de donner des leçons au monde, et occupons nous de nos problèmes, on en a bien assez comme ça.
Aurélie Lacassagne est professeure agrégée en sciences politiques à l’Université Laurentienne.
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