20 ans de travail pour pouvoir divorcer en français

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OTTAWA – L’adoption du projet de loi C-78, qui modifie la Loi sur le divorce, est une victoire pour la Fédération des associations de juristes d’expression française de common law inc. (FAJEF) et le Réseau national de formation en justice qui se battaient depuis deux décennies pour parvenir à ces changements en matière de droits linguistiques à travers le Canada.

« Nous avons longtemps œuvré pour arriver à ce grand jour. Ça fait 20 ans que la FAJEF fait du lobbying avec la FCFA [Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada] », explique le vice-président de la FAJEF, Réjean Aucoin.

Pour cet avocat de Nouvelle-Écosse, le temps était tout simplement venu de corriger cette incohérence du système juridique canadien.

« Bien que la Loi sur le divorce soit de juridiction fédérale, c’est la justice provinciale qui en assure l’administration. Si bien que dans bien des provinces, il n’était pas possible de faire sa demande de divorce en français. Avec les modifications apportées à la Loi, tous les francophones à travers le pays vont pouvoir déposer leurs requêtes et les documents nécessaires dans leur langue », précise-t-il.

Me Aucoin explique qu’une contestation judiciaire avait même été envisagée, mais que finalement, les organismes ont préféré négocier avec le gouvernement sur la question.

Rien de nouveau pour l’Ontario

Pour l’avocate en droit de la famille à Hamilton, Vicky Ringuette, ces changements ne feront pas de grande différence sur son quotidien.

« Là où je suis, la juridiction est déjà bilingue si bien que les formulaires sont déjà disponibles en français. Dans ma pratique, ça ne va donc rien changer. Mais à l’extérieur de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick et du Québec, cela va faire une grande différence. Ça offre l’option, ce qui est important. Ça aurait dû être fait depuis longtemps! »

Si cette modification a pris autant de temps, c’est que les évolutions en matière de droit de la famille prennent du temps, juge Me Ringuette.

« Cela peut aussi s’expliquer par la difficulté d’avoir des juges et du personnel bilingues dans certaines provinces. Toutes ne sont pas aussi bien adaptées aux services dans les deux langues officielles », suggère-t-elle.


« Ce n’était qu’une question de temps et de volonté politique » – Réjean Aucoin, vice-président de la FAJEF


Mais le vice-président de la FAJEF ne s’en inquiète pas outre mesure.

« La capacité existe. Il y a déjà des juges au niveau des cours supérieures qui font du droit criminel dans les deux langues officielles. Peut-être auront-ils besoin de formation, mais c’est possible. Il faut juste que l’appareil judiciaire s’habitue. Ça va chatouiller les habitudes, ça ne se fera pas du jour au lendemain, mais c’est une première étape. »

Selon lui, il sera nécessaire que le fédéral dote les provinces des ressources financières nécessaires pour mettre en place ce système et c’est d’ailleurs peut-être l’une des raisons pour lesquelles le dossier a pris autant de temps à se concrétiser.

Mise en œuvre

Le projet de loi a reçu la sanction royale le 21 juin et l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario (AJEFO) attend avec impatience l’entrée en vigueur de ces dispositions linguistiques.

« Grâce au projet de loi C-78, un justiciable francophone en instance de divorce pourra dorénavant divorcer dans sa langue maternelle, peu importe la province ou le territoire où il réside. Ceci constitue un avancement très important en termes d’accès égal à la justice dans les deux langues officielles, particulièrement dans un des moments les plus difficiles de la vie d’un justiciable », se réjouit la présidente de l’AJEFO, Me Nadia Effendi.

Pour les justiciables, cela pourrait permettre de diminuer les frais associés au divorce, puisqu’il ne sera plus nécessaire de faire traduire les documents, suggère Me Aucoin.

Pour Mme Ringuette, les provinces pourraient s’inspirer de l’Ontario.

« On doit regarder du côté des nouvelles technologies. En Ontario, il est déjà possible de faire sa demande de divorce par voie électronique pour les cas simples, depuis une initiative de l’ancien procureur général Yasir Naqvi [ministre libéral sous le gouvernement de Kathleen Wynne]. »

D’autres changements à faire

Si l’avancée est jugée majeure par la FAJEF, Me Ringuette estime que d’autres changements plus importants devraient aussi être apportés en matière de droit de la famille.

« Il y a encore beaucoup de choses qui doivent être corrigées et qui auront encore plus d’impact pour les Canadiens. L’une des questions les plus urgentes est celle des pensions alimentaires. C’est ce qui ralentit le plus le système actuellement. »