500 000 $ aux entreprises franco-ontariennes : des réactions mitigées

L'enveloppe du PAFO reste inchangée: 1 million de dollars. Les besoins, eux, augmentent avec la pandémie. Montage ONFR+

L’annonce de la ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney, ce mardi, d’une aide de 500 000 $ destinée aux entreprises franco-ontariennes pour les aider à promouvoir leurs produits suscite des réactions mitigées au sein de la communauté.

« On a essayé de mettre quelque chose ensemble qui donne une illusion de s’occuper de la communauté franco-ontarienne. Ça va ressembler plus à un coup d’épée dans l’eau qu’à autre chose », estime Jean-Charles Cachon, professeur en gestion et marketing à l’Université Laurentienne.

La province consacrera 250 000 $ à la création d’un Réseau économique francophone qui « mettra en relation les entrepreneurs et les entreprises dans le but de créer ou d’élargir leurs gammes de produits, leurs services et leurs marchés, et d’accroître leur visibilité », indique le gouvernement.

« À mon avis, si on veut aider le tissu économique franco-ontarien, il faudrait peut-être commencer par regarder les organisations qui fonctionnent et qui sont capables de rejoindre les francophones. Il serait préférable de travailler en partenariat avec des organismes économiques qui touchent l’ensemble de la communauté plutôt que d’organiser ce genre de choses », dit M. Cachon, qui croit qu’un partenariat avec l’Alliance des Caisses populaires ou avec Desjardins, par exemple, aurait été plus profitable.

L’autre moitié de l’enveloppe permettra de « financer une campagne axée sur la promotion des produits et services franco-ontariens ».

Ces deux investissements auront pour but d’apporter « un soutien opportun aux entrepreneurs et aux petites et moyennes entreprises francophones de l’Ontario, tout en continuant de renforcer le milieu des affaires francophone », a indiqué la ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney, par voie de communiqué.

Cette annonce survient après une tournée de deux ans de la ministre auprès des entrepreneurs franco-ontariens. Il s’agit d’un deuxième engagement à caractère économique pour les francophones depuis le début de la COVID-19 après la reconduction du Programme d’appui à la francophonie ontarienne (PAFO) au coût d’un million de dollars.

Annonce mal ciblée et insuffisante?

D’autres industries francophones auraient pu davantage profiter de cette annonce, comme la vente au détail ou le secteur du tourisme, croit toutefois M. Cachon.

« Que ce soit au fédéral ou au provincial, on a laissé tomber l’industrie du tourisme cette année, notamment dans le Nord de l’Ontario où il y a énormément d’entrepreneurs francophones. Ces gens-là sont livrés à eux-mêmes. Il faudrait aussi aider les PME qui ont notamment souffert de la période de confinement et qui ont eu de la misère à se redresser par la suite. C’est clair qu’il y a beaucoup d’entrepreneurs qui ont souffert et qui souffrent encore de cette crise », soutient le professeur.

Quoique bien reçu et vu comme un pas dans la bonne direction, les 500 000 $ annoncés sont toujours insuffisants pour répondre à la demande, estiment des organismes.

« C’est un bon départ. La ministre fait ce qu’elle peut. Mais si l’on veut créer et initier un élan francophone en Ontario, il va falloir plus qu’un demi-million de dollars. On va dans le bon sens », croit Hosni Zaouali, homme d’affaires et président du Conseil de la coopération de l’Ontario (CCO).

Ce dernier croit que les acteurs francophones dans la province doivent cesser de se fier au gouvernement pour obtenir de l’aide.

« Oui, le gouvernement c’est une bonne chose, mais il faut montrer patte blanche. Le gouvernement a tout intérêt à avoir une bonne économie francophone. Je ne vois pas ça comme : nous autres contre le gouvernement. On est en train de faire de petits pas, même si l’on aimerait qu’ils soient plus grands, mais c’est à nous d’inciter ces rapprochements. »

M. Zaouali croit que les entrepreneurs francophones devraient changer certaines de leurs habitudes concernant l’achat local, surtout avec la crise de la COVID-19 qu’il voit comme une « occasion ».

« Ça dépend ce que l’on vend, mais si on parle d’achat local, il va nécessairement falloir aller vers la population anglophone. On n’est pas assez pour représenter un réel potentiel entrepreneurial si l’on veut vendre seulement aux francophones de l’Ontario. On n’a pas assez de consommateurs dans la francophonie ontarienne pour faire de réels progrès. Soit l’on vend aux francophones à travers le monde, soit on vend aux anglophones. Ok pour l’achat local, mais il faut adapter nos produits et services aux anglophones. »

L’AFO satisfaite

L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) s’est dite « heureuse de l’appui » du ministère des Affaires francophones dans le but de promouvoir les occasions de « faire des affaires en français ».

« Ça fait longtemps qu’on parle d’économie franco-ontarienne et des avantages de l’utilisation du français par 1,5 million d’Ontariens pour brasser des affaires. La création d’un réseau provincial réunissant nos leaders économiques vient combler un vide important dans notre communauté. En cette période de relance économique, nous croyons sincèrement qu’il y a des occasions en or pour nos entreprises, institutions et organisations de briller », a soutenu, dans un communiqué, le président de l’AFO, Carol Jolin.

Au mois de mai, l’AFO avait demandé ce financement au gouvernement dans le but de relancer l’économie francophone dans la province pour faire face à la crise de la COVID-19.