744 000 Franco-Ontariens, le nouveau chiffre avancé

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OTTAWA – Difficile de s’entendre sur le nombre de francophones en milieu minoritaire… et de Franco-Ontariens. Depuis deux mois, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) fait maintenant référence à 744 000 Franco-Ontariens. Un chiffre qui diffère de la Définition inclusive de l’Ontario (DIF) parlant de 622 340 Franco-Ontariens. Explications.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

La nouvelle définition de l’AFO se base en réalité sur l’article 4 du Règlement modifiant les langues officielles, dévoilé en octobre. Le changement tient compte des personnes qui parlent le français à la maison, même si ce n’est pas leur langue maternelle.

« Pour l’application de la présente partie, le nombre de personnes représentant la population de la minorité francophone ou anglophone d’une province, d’une région métropolitaine de recensement, d’une subdivision de recensement ou d’une aire de service correspond au nombre total des personnes dont la première langue ou l’une des premières langues apprises à la maison dans l’enfance et encore comprises est la langue officielle de la minorité et de celles qui parlent la langue officielle de la minorité à la maison, calculé par Statistique Canada d’après les données publiées du plus récent recensement décennal de la population », peut-on lire dans l’article.

« Pour un, ce chiffre permet une meilleure évaluation de la communauté francophone, en ayant des proportions, on dit que 1,5 million peut parler français », affirme le président de l’AFO, Carol Jolin. « Ça reflète véritablement la communauté et la manière dont le français prend sa place…. C’est un chiffre important, surtout par rapport à la population totale de l’Île-du-Prince-Édouard [presque 150 000 personnes selon le recensement de 2016]. »

Communiqués de presse, déclarations ou même dans les discours, l’organisme porte-parole des Franco-Ontariens soigne ce chiffre depuis quelques semaines. « Je l’ai utilisé dans mon discours le jour de la grande manifestation le 1er décembre à Ottawa », admet M. Jolin.

Le nombre de Franco-Ontariens reste sujet à interprétation. Les données du dernier recensement publiées par Statistique Canada en août 2016 avaient révélé qu’ils étaient 549 185 dans la province ayant « le français comme première langue officielle parlée ». Toujours d’après l’agence fédérale, quelque 566 965 personnes auraient le français comme langue maternelle.

Dans les deux cas, il s’agissait alors d’une augmentation en valeur absolue, mais non en valeur relative, puisque les francophones perdaient légèrement en poids.

Plus généreuse, la DIF faisait dans le même temps passer le nombre de Franco-Ontariens de 611 500 à 622 340.

Selon cette définition lancée en 2009, sont considérés comme francophones, « les personnes pour lesquelles la langue maternelle est le français, de même que les personnes pour lesquelles la langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais, mais qui ont une bonne connaissance du français comme langue officielle et qui utilisent le français à la maison ».

Une méthode en question

« Dès que la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) nous a informés, il n’y a pas eu de consultation ou de réunion pour déterminer. Nous sommes allés de l’avant avant le chiffre de 744 000 », fait part M. Jolin.

Cette méthode est toutefois critiquée par le politologue de l’Université d’Ottawa, Martin Normand. « S’ils (l’AFO) veulent changer le chiffre, il faut qu’ils l’expliquent. François Boileau utilise encore, par exemple, la DIF. Il faut expliquer comment le calcul a été fait, et si les gens sont à l’aise avec le nouveau calcul. »

Pour l’universitaire, il faudrait au contraire une définition plus consensuelle des Franco-Ontariens. « Cette discussion sur les nombres, on l’a depuis l’affaire Denise Bombardier. Un moment donné, il faudra s’entendre sur ce qu’est un francophone, est-ce qu’il contribue à la vitalité de la communauté… Il y a peut-être des chiffres qui sont pertinents dans certains contextes, plus que dans d’autres. Encore une fois, je n’ai pas de problème avec la définition de l’AFO, mais je m’interroge. »

Lors de leurs dévoilements, ces nouveaux critères pour déterminer le nombre de francophones avaient été salués par beaucoup. À commencer par l’ancienne sénatrice franco-manitobaine, Maria Chaput, qui avait à plusieurs reprises tenté de revoir les critères utilisés par le gouvernement fédéral par l’entremise d’une loi pour déterminer où les services fédéraux doivent être offerts dans les deux langues officielles.

Polémique après la chronique du Devoir

Toujours est-il que cette nouvelle mesure de l’AFO intervient dans un nouveau contexte de « guerre des chiffres ». Dans une chronique publiée mardi dans le quotidien Le Devoir, Charles Castonguay avait remis en cause le chiffre de 600 000 francophones présents en Ontario.

« Par comparaison, selon la définition inclusive de francophone (DIF), l’Ontario compterait 622 000 francophones, soit deux fois plus. Cela comprend cependant plus de 250 000 Ontariens de langue maternelle française qui parlent l’anglais comme langue d’usage à la maison, dont 30 000 ne sont même plus capables de parler le français. (…) Le calcul de la DIF commet d’autres excès du genre. Mais passons. »

Une affirmation qui a fait réagir François Boileau. Le commissaire aux services en français a livré sa propre réponse, jeudi matin, dans le même quotidien.

« Cette méthode (la DIF), dérivée de l’outil développé par Statistique Canada pour l’étude post-censitaire Étude sur la vitalité des minorités de langue officielle, est non seulement plus inclusive que celle qui la précède, mais tient compte de cette frange active et participative de la communauté francophone en Ontario. »


POUR EN SAVOIR PLUS :

Services fédéraux bilingues : l’ex-sénatrice Chaput plutôt satisfaite

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