Penetanguishene veut plus de français, mais une « menace » plane
PENETANGUISHENE – Le berceau de la francophonie ontarienne, Penetanguishene, consulte sa population sur la place qu’elle devrait laisser au français. Si son maire, un Franco-Ontarien, souhaite mettre davantage de l’avant le fait français, la menace d’une fusion avec Midland pourrait nuire à ses démarches.
404 ans après l’arrivée de l’explorateur Samuel de Champlain sur des terres qui couvrent aujourd’hui le territoire de la municipalité de Penetanguishene, le fait français dans la municipalité fait mauvaise mine. L’affichage commercial n’est qu’en anglais, le site web de la municipalité mise sur Google Translate pour sa version française et l’assimilation se mesure à chaque fois que les résultats d’un recensement sont rendus publics.
Mais le maire de la municipalité, Douglas Leroux, est un fier Franco-Ontarien et il a décidé de prendre le taureau par les cornes. Depuis son élection, l’automne dernier, il multiplie les démarches en ce sens. « Bonjour, comment puis-je vous aider? Hello, how can I help you? », répond dorénavant la réceptionniste de l’hôtel de ville, à la demande du maire.
« Depuis que je suis maire, je pousse pour ça. Je suis le premier maire bilingue depuis 32 ans dans la municipalité. On est considéré comme une municipalité bilingue, mais on pourrait avoir plus de place pour le français, il faut améliorer ça », dit-il sans détour.
Actuellement, les citoyens de la municipalité sont invités à répondre à un sondage en ligne pour l’élaboration du prochain plan stratégique de la municipalité. La Ville souhaite savoir si les citoyens veulent, oui ou non, que le fait français et l’héritage francophone soient davantage mis de l’avant par la municipalité. Le maire souhaite aussi que l’ensemble des communications municipales soient en français et en anglais.
Une fusion municipale évoquée
Le maire de Penetanguishene a peut-être de bien belles intentions, mais il pourrait voir ses projets menacés par un projet de fusion municipale du gouvernement Ford.
Doug Ford a imposé un processus de révision des structures municipales, notamment dans le comté de Simcoe, où se trouve Penetanguishene. Une démarche qui pourrait aboutir vers un processus de fusions forcées de municipalités.
Une « menace » qui pourrait avoir des conséquences majeures pour sa communauté, selon Douglas Leroux. « Si on fusionnait avec Midland, il y aurait une incertitude sur la place qu’on laisserait au français. Penetanguishene a la plus grosse population francophone du comté, tout comme la plus grosse population autochtone. Le français, l’anglais et les langues autochtones font partie de notre identité », lance-t-il.
Le nom « Penetanguishene » ne peut pas être effacé du jour au lendemain. Il évoque une page de l’histoire canadienne, étant l’une des plus vieilles communautés du pays à l’Ouest de Québec. « C’est un nom qu’on doit conserver, tout comme l’héritage qui l’accompagne », dit le maire.
Doug Ford sera-t-il sensible à cet argument? « Tant qu’à moi, Ford n’a pas une grande histoire avec bien des gens. Sa relation est mauvaise avec les francophones, comme avec d’autres groupes. Mais c’est sûr que les Franco-Ontariens ne sont pas dans ses préférés », lance-t-il.
D’autres enjeux linguistiques
La question de la place du français se pose aussi sur le plan touristique. Si les célébrations du 400e anniversaire de la présence française en Ontario, en 2015, ont attiré bien des visiteurs, le ballon s’est dégonflé depuis. La Ville s’intéresse aux efforts de l’organisme la Clé d’la Baie pour créer un festival bilingue misant sur cette histoire.
L’affichage unilingue anglophone des commerces de la Ville est aussi d’actualité.
« C’est bien malheureux », dit le maire. « La plupart des marchands ne sont pas francophones et beaucoup de familles francophones ont laissé leur langue maternelle. Beaucoup avaient des grands-parents de langue française, leurs enfants l’étaient un peu moins et maintenant leurs enfants à eux vont à l’école en anglais », dit-il, en référence au phénomène d’assimilation. « Je viens d’une famille francophone de 11 et je suis maintenant le seul qui peut s’exprimer en français », dit-il, pour illustrer ce triste état de fait.
Quelque 8,6 % de la population de la municipalité a aujourd’hui le français comme langue maternelle, soit 825 personnes. En incluant les personnes qui ont appris le français plus tard dans leur vie, 20 % des 8 515 citoyens de la communauté maîtrisent la langue de Molière.
La municipalité compte aujourd’hui deux écoles élémentaires francophones, une école secondaire de langue française et un organisme phare pour les Franco-Ontariens, la Clé d’la Baie.
Il y a un peu plus de 40 ans, la communauté faisait parler d’elle à travers le pays pour son combat pour obtenir une école secondaire de langue française. Au terme de cette lutte, l’école secondaire Le Caron voyait le jour. Le maire se souvient de ce chapitre.
« J’ai lutté moi aussi. J’avais 17 ans. On s’est battu. Et à l’époque, le maire francophone de la communauté était contre notre demande », se désole M. Leroux. « Notre communauté a vécu plusieurs crises liées à notre langue française », d’ajouter le maire.