Ces médecins francophones en première ligne contre la COVID-19
Soins intensifs engorgés, hospitalisations en hausse et flambée des cas durant le temps des fêtes, les dernières semaines se sont révélées très occupées pour le système hospitalier ontarien. ONFR+ a parlé à des docteures francophones en Ontario sur leur quotidien récent contre la COVID-19 et cette bataille menée depuis bientôt un an.
Pour plusieurs d’entre eux, le coronavirus est complètement venu transformer leur quotidien.
« Le hamster roule à 150 % depuis le mois de mars », avance la docteure Chantale D’Aoust-Bernard qui gère une clinique de soins et dépistage de la COVID-19 pour l’Hôpital Montfort.
« C’est comme avoir augmenté le niveau de difficulté dans un jeu vidéo, mais tu ne voulais pas l’augmenter », image de son côté la docteure Dominique Ansell à l’hôpital Horizon Santé-Nord de Sudbury.
À Scarborough, la docteure Anaïs Bélanger nage dans cette flambée des hospitalisations qui est observée depuis un mois. Pour elle et ses collègues de l’hôpital de Scarborough, le pire a été évité : le triage des patients qui consiste à évaluer la condition du patient et déterminer le niveau de priorité des soins.
« On est proche de la limite, on ne pourra pas se permettre d’avoir une autre grosse montée de cas » – Anaïs Bélanger
Au début janvier, les médecins des soins intensifs des différents établissements de l’hôpital du Grand Toronto avaient même commencé à discuter sur la façon de gérer la possibilité de faire ces choix.
« On espère ne jamais se rendre à ce point là. C’est un choix à faire qu’aucun professionnel de la santé ne veut faire. De décider qui peut avoir le droit à des soins est un choix horrible. On parlait un peu de triage après Noël quand les chiffres ont commencé à augmenter et qu’on s’approchait du pire. Au moins, ça semble être stable dernièrement, mais on est proche de la limite. On ne pourra pas se permettre d’avoir une autre grosse montée de cas ».
Des moments difficiles
À Sudbury, la COVID-19 affecte moins les centres de santé que dans le Sud de l’Ontario, mais le virus y est toujours présent. Une majorité des patients étiquetés COVID-19 passe par l’urgence de l’hôpital et sont vus par la docteure Ansell qui en transfère certains vers les fameuses zones chaudes d’Horizon Santé-Nord.
« Si le patient arrive en détresse respiratoire, je les reçois et je vais être dans la zone chaude pendant la durée du traitement du patient. Ça peut prendre de 30 minutes à deux heures dans une salle… C’est assez difficile, il fait très chaud. Tu ne peux pas vraiment ressortir pour prendre une gorgée d’eau ou aller aux toilettes. On reste là jusqu’à ce qu’on ait fini ce que l’on a faire. »
« On est en train d’accompagner un étranger dans un moment dans leur vie qui est très épeurant où ils sont tout seuls » – la docteure Dominique Ansell
Même si les protocoles et la gérance du virus s’avèrent une difficulté ajoutée, ce sont les moments de proximité avec les malades qui sont les plus douloureux.
« On est en train d’accompagner des étrangers dans un moment dans leur vie qui est très épeurant où ils sont tout seuls. Il y a des gens qui ne viennent pas se faire soigner pour le coronavirus, mais ils doivent venir tout seuls. C’est horrible d’imaginer avoir une grosse maladie cardiaque ou le cancer, mais il faut que vous vous rendiez là tout seule. C’est un tout autre niveau de solitude », observe la docteure Ansell.
Après les fêtes
Dans les dernières semaines, la docteure D’Aoust-Bernard a remarqué une certaine crainte des gens face à la possibilité d’être positif face au virus, surtout avec le temps des fêtes.
« On a souvent vu ça après Noël, par exemple, chez les 18 à 30 ans qui sont allés voir un ami ou deux. Ils ont ramené le virus dans la famille, ce qui a eu un effet boule de neige assez rapidement. C’est un peu du découragement quand on voit ça (…) Depuis deux semaines, on voit une baisse de 160 à 170 clients par jour au centre. Les gens ont peur de se faire tester, car ils sont allés chez des amis durant les fêtes. »
Les trois travailleuses de première ligne regrettent un peu la lignée de pensée de certains dans la population qui font fi des mesures actuelles et qui croient que le virus ne les affecte pas ou qui y voit un complot.
« Ça me fait de la peine de voir ça. Je vois la réalité et les gens qui meurent de la COVID-19. J’ai des collègues qui l’ont attrapé et qui ont été très malades. Dieu merci, personne n’est mort. Les gens peuvent croire ce qu’ils veulent, mais je la vois la COVID-19, c’est bien pire que la grippe », souligne la docteure Bélanger.
La vaccination : une lueur d’espoir.
Pour les trois femmes interviewées par ONFR+, le vaccin est vu comme la lumière au bout du tunnel.
« À l’hôpital, on a tous très hâte d’être vaccinés. On a tous besoin d’une lueur d’espoir et de savoir qu’y a possiblement une fin à tout ça », affirme la docteure Ansell qui attend sa première dose prochainement.
Si la campagne de vaccination commence à prendre son envol en Ontario, la docteure Bélanger dit comprendre « l’incertitude autour du vaccin », mais assure qu’il est sécuritaire pour la population.
« J’ai pris le vaccin, car je le voulais, et juste qu’à présent, ce sont des millions et des millions de personnes qui l’ont pris. Je pense que s’il y avait quelque chose, on le verrait. Le vaccin a passé par d’énormes standards de protection et les investissements qui ont été mis pour le créer ne sont pas comparables à ce qui a été fait par le passé », indique Anaïs Bélanger.
D’ici là, les trois docteures demandent un dernier effort à la population.
« Si nous autres (le personnel hospitalier) on ne peut pas lâcher, je ne crois pas que la population peut se permettre de ne pas lâcher non plus. On va être là pour vous, mais faut que vous soyez là pour vous et votre entourage », soutient la docteure Ansell.