Le français « limité » du médecin-hygiéniste en chef de l’Ontario Moore
TORONTO – L’entrée en fonction, ce samedi, du Dr Kieran Moore à la tête de Santé publique Ontario est un changement dans la continuité. La province a une fois de plus opté pour un médecin-hygiéniste en chef anglophone, malgré les appels répétés à faire du plus haut poste de la santé publique ontarienne un poste bilingue. Le médecin de Kingston a toutefois confié à ONFR+ qu’il ferait tout ce qui est en son pouvoir pour que lui-même et son bureau communiquent dans les deux langues officielles.
Ses qualités sont vantées partout où il passe. Le médecin hygiéniste du bureau de santé publique Kingston, Frontenac, Lennox & Addington prend, ce samedi, les commandes de Santé publique Ontario avec pour mission majeure de guider la province vers la sortie de la pandémie, tandis que son prédécesseur, le Dr Williams – loin d’avoir fait l’unanimité –, prend sa retraite.
Les deux hommes sont apparus pour la première fois ensemble lors du dernier point presse de jeudi, symbole d’une passation de pouvoir en douceur. Médecin hygiéniste adjoint à partir de 2011, M. Moore a pris la tête de son bureau régional en 2017, démontrant dès le début de la pandémie des capacités certaines à gérer la crise.
Réputé pour son franc-parler, ses connaissances et son sens pédagogique, il s’est tout de suite fait remarquer par son aisance à s’approprier YouTube afin de vulgariser ses messages de santé publique. Il délivrera des mises à jour tous les mardis, à 15h, en remplacement des séances habituelles des lundis et jeudis.
Le français « très important pour moi » affirme le Dr Moore
S’il est connu pour sa rigueur et sa proactivité à mettre en place des mesures de santé publique, il l’est beaucoup moins pour sa maîtrise du français. Et pour cause, ce n’est pas son point fort.
« Mon français est correct pour la lecture, mais limité en conversation », confie-t-il. « Je prends des cours de conversation et je les poursuivrai avec le ministère. Je me suis fixé l’objectif de récupérer mes compétences. J’étais bilingue à l’Université d’Ottawa, mais je n’ai pas eu l’occasion de maintenir mes compétences. Rassurez-vous, c’est très important pour moi. »
Satisfaisant pour l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO)? Le président Carol Jolin évite toute réponse directe, mais rappelle que son organisation préconise, dans son document pour la modernisation de la Loi sur les services en français, la nomination d’un responsable capable de s’exprimer dans les deux langues officielles.
« C’est important d’avoir quelqu’un qui puisse s’adresser directement aux gens en français » – Carol Jolin
« La Loi n’est pas encore modernisée, mais j’espère qu’on va bouger dans la bonne direction, car c’est important d’avoir quelqu’un qui, à la tête des services de santé en Ontario, puisse s’adresser directement aux gens en français », signifie M. Jolin. « On ne peut pas avoir toujours une personne qui traduit à côté. »
D’un point de vue juridique, une nomination unilingue est un manquement à la loi rappelait à ONFR+ le professeur François Larocque, ce poste se rapportant à la législature. Une interprétation rejoignant celle de l’ombudsman adjointe Kelly Burke qui mentionnait dans son rapport annuel que le poste de médecin-hygiéniste en chef de l’Ontario constituait un organisme gouvernemental au sens de la Loi sur les services en français.
Mme Burke s’est dite prête, au micro d’ONFR+, à travailler avec le nouveau médecin-hygiéniste en chef afin que « lui et son équipe communiquent les informations cruciales à la santé et la sécurité publiques simultanément dans les deux langues ».
Poste bilingue : inéluctable à moyen terme
Selon plusieurs observateurs, l’imminence de la refonte de la Loi sur les services en français, conjuguée à la surmédiatisation du poste le plus important de la santé publique provinciale durant la crise, rend inéluctable la nécessité du recrutement d’un professionnel bilingue à moyen terme.
« Avant la pandémie, ce poste n’était pas aussi exposé que maintenant et la capacité de communication en français n’était pas si importante, car il y avait plusieurs relais entre le médecin-hygiéniste en chef et le grand public, et on trouvait cette capacité au sein du ministère, même si elle n’a jamais été garantie », analyse le politologue Peter Graefe. « Mais la crise a changé cette perspective. »
« Ça aurait été bien d’avoir un médecin-hygiéniste bilingue », s’époumone Guy Bourgouin, le porte-parole de l’opposition aux Affaires francophones. « Ça n’enlève pas les compétences du Dr Moore, mais c’est dommage de voir que ce n’est pas une priorité pour le gouvernement. Je vais demander à le rencontrer pour lui adresser les besoins de la francophonie, car c’est inacceptable d’être considérés comme des citoyens de deuxième classe. »