Gestion de la COVID-19 : les erreurs qui auraient pu être évitées
Deux ans après la découverte du premier cas de COVID-19 en Ontario, la province est retournée à la phase 2 de son plan de lutte contre la pandémie, et ce alors que presque 90% de la population éligible de plus de 12 ans est entièrement vaccinée et que la troisième dose va bon train. Or, une question revient sur toutes les lèvres : pourquoi en est-on arrivé là? Qu’est-ce qu’on n’a pas bien fait ou qu’on aurait pu mieux faire? Éléments de réponses avec les deux parties qui participent à la prise de décision en matière de crise, à savoir la politique et la science.
« Fatigue pandémique », c’est le nom que donnent dorénavant les psychologues à ce nouveau phénomène qu’ils observent de plus en plus et qui a trait à un ras le bol envers la pandémie et les mesures restrictives qui vont avec, à l’instar de l’absence de vie sociale ou à la privation de liberté.
Il faut dire qu’il y a de quoi! Avec l’avènement du nouveau variant Omicron désormais dominant, l’Ontario, comme le reste du monde, fait face à des records consécutifs de contaminations jamais enregistrés depuis le début de la pandémie. Plus que cela, la situation paraît hors de contrôle si l’on se fie à l’indicateur nombre de cas et les vaccins semblent impuissants par rapport à la fulgurante propagation de ce variant. Si preuve en faut, les pays qui affichent les taux de vaccination les plus élevés de la planète, à l’image du Canada, sont ceux qui connaissent les plus grands nombres de contaminations.
« Manque de réactivité et calculs électoraux »
Pour l’opposition provinciale, la présente situation aurait pu être évitée si le gouvernement conservateur n’avait pas fait preuve d’un manque de réactivité.
« Deux ans après l’apparition de la COVID-19 chez nous, on voit qu’on est encore en confinement parce que les mêmes erreurs de gestion de crise se sont reproduites. Les Ontariens commencent sérieusement à être fatigués de tout ça », fustige le député néo-démocrate Guy Bourgouin.
Et d’ajouter : « L’une des principales raisons de cet échec est que le gouvernement réagit toujours en retard. Pour ne citer que cela, les annonces de dernières minutes concernant les fermetures et les ouvertures des écoles en sont le parfait exemple. Pourtant, il y a eu des recommandations scientifiques à maintes reprises pour réduire la taille des classes et laisser les écoles ouvertes. »
De son côté, la députée libérale, Amanda Simard attribue, entre autres, ce retard décisionnel au fait « qu’avant de prendre des décisions, le gouvernement procède à des sondages publics. Ce qui veut dire qu’il ne prend pas des décisions basées sur des critères scientifiques, mais plutôt sur l’opinion publique et une base électorale. Le phénomène est plus flagrant à l’approche des élections ».
La faute à Omicron
Quant à la science, c’est la professeure Nimâ Machouf qui s’y colle. Pour cette épidémiologiste, « on en est arrivé là parce qu’Omicron est venu tout bousillé, notamment à cause des vaccins qui se sont avérés peu efficaces contre la propagation de ce nouveau variant qui se multiplie 70 fois plus vite que le Delta ».
Toutefois, la chercheuse avance également des erreurs imputées à l’homme et à sa gestion.
« Les gouvernements ontarien et fédéral ont commis une grande erreur, celle de reconnaître tardivement un fait scientifique : le caractère aérien de la transmission du virus » – Nimâ Machouf, épidémiologiste
« Le gouvernement ontarien comme le gouvernement fédéral ont commis une grande erreur, celle de ne pas vouloir reconnaître, ou du moins tardivement, un fait scientifique : le caractère aérien de la transmission du virus. On a découvert cette caractéristique il y a longtemps, mais Santé publique Canada n’a commencé à en parler du bout des lèvres que cet été. Par conséquent, le plus gros des campagnes de prévention était axé sur le lavage des mains, ce qui est loin d’être optimal comme stratégie. »
La question qui s’impose d’elle-même face un tel constat est pourquoi une telle erreur de jugement malgré la preuve scientifique? Nimâ Machouf a sa petite idée.
« Chaque province a essayé de nier ce fait scientifique parce que s’ils l’acceptent, ils devraient entreprendre de gros changements s’agissant de la qualité de l’air, et cela dans tous les édifices gouvernementaux comme les écoles, les hôpitaux ou encore les lieux de travail », avance-t-elle.
Les non vaccinés ne seraient pas le problème
Pour ce qui est des non vaccinés et le poids de leur décision dans la situation sanitaire actuelle, la position de la professeure est aussi limpide qu’une solution de sulfate de sodium.
« Les non vaccinés sont loin d’être le problème, en tout cas pas avec Omicron parce que ce variant ne fait pas de distinction entre les vaccinés et les non vaccinés pour se propager. L’Ontario affiche un taux de vaccination parmi les plus élevés dans le monde donc on parle d’une minorité très peu significative de 7 à 8 % de la population », explique-t-elle.
Et de poursuivre : « Je pense qu’il ne sert à rien de forcer plus ce que l’on fait dans la vaccination en la rendant obligatoire. D’une part parce que ce n’est pas justifié et d’autre part parce que c’est difficilement applicable et cela ne ferait qu’écœurer la population. Il faut qu’on arrête de s’énerver avec la COVID. »
Toutefois, les premiers ministres des provinces, François Legault à leur tête, ne semblent pas l’entendre de cette oreille, bien au contraire. En effet, le premier ministre québécois compte bien imposer une taxe vaccinale aux non-vaccinés de sa province.