
Une consultation à grande échelle pour redéfinir l’avenir de la francophonie ontarienne

À la veille d’une assemblée citoyenne, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) invite la communauté à participer aux états généraux de l’Ontario français. Lancé en mars 2025, ce vaste exercice vise à réfléchir collectivement aux défis et aux priorités de la francophonie ontarienne pour les prochaines décennies.
Pour Peter Hominuk, directeur général de l’AFO, ces états généraux s’inscrivent dans un double contexte : la révision du plan stratégique communautaire, menée tous les cinq ans, et la nécessité de se repositionner après la pandémie.
« Des craques commençaient à apparaître dans nos organismes, dans nos structures. Pendant la pandémie, ces petites craques sont devenues de grosses craques », explique-t-il.
À ces fragilités institutionnelles s’ajoutent les inquiétudes exprimées par de nombreux Franco-Ontariens : le financement insuffisant de certains organismes, l’épuisement de bénévoles qui assurent encore la survie de services essentiels dans plusieurs régions, mais aussi les effets de l’assimilation et du vieillissement de la population.
« Dans certaines communautés, nos organismes sont dans la misère. Le même financement de base sert tantôt à des structures solides, tantôt à des groupes qui reposent uniquement sur des bénévoles. Et les gens se demandent : comment va-t-on assurer l’avenir dans ces conditions? »
La conjoncture est aussi marquée par des changements législatifs majeurs : la nouvelle Loi fédérale sur les langues officielles, qui vise à rétablir le poids démographique des communautés francophones, et la Loi provinciale sur les services en français, qui introduit le principe de l’offre active.
Pour M. Hominuk, ces transformations sont à la fois sources d’inquiétude et de possibilités.
« La conjoncture des nouvelles lois est une opportunité de repenser comment on fait les choses, souligne-t-il. Les défis sont réels, mais ils peuvent aussi devenir des chances de renouveler nos façons de travailler et de renforcer notre présence. »
Une large consultation de la base
Les états généraux reposent sur une démarche participative. Outre des rencontres régionales et un sondage provincial lancé ce mercredi pour recueillir l’opinion des Franco-Ontariens sur les priorités à retenir, une étape importante aura lieu ce jeudi avec la tenue d’e l’’une assemblée citoyenne.
Cette rencontre doit permettre de présenter en détails le processus et de commencer à dégager des pistes de réflexion collective.
« On ne commence pas à zéro. On veut que les gens aient eu la chance de mijoter, de comprendre dans quoi ils s’embarquent. Parce que tu ne peux pas rêver l’avenir en une fin de semaine », souligne Peter Hominuk.

L’assemblée citoyenne servira donc de point de départ pour identifier les grands thèmes qui nourriront la suite des États généraux : l’avenir de la francophonie ontarienne, les défis démographiques, la modernisation des structures et le partage des ressources.
L’idée est de faire émerger une vision à long terme, qui dépasse le court terme des cycles politiques. « On veut sortir avec une vision peut-être pas sur cinq ou dix ans, mais sur 25 ans », insiste-t-il.
Cette approche vise à inclure toutes les composantes de la francophonie ontarienne : les jeunes, les nouveaux arrivants, les aînés, mais aussi la diversité des réalités urbaines et rurales. Le processus prévoit également la participation de leaders communautaires, d’organismes partenaires et d’acteurs institutionnels, afin de garantir que cette consultation soit véritablement représentative de la communauté dans son ensemble.
Redéfinir l’identité franco-ontarienne
Les états généraux devront aussi répondre à une question fondamentale : qu’est-ce qu’être Franco-Ontarien aujourd’hui? Pour M. Hominuk, cette notion a beaucoup évolué au fil du temps.
« C’était bien clair quand j’étais jeune. Ça l’est beaucoup moins aujourd’hui », reconnaît-il.
Selon lui, l’identité franco-ontarienne ne peut plus se limiter à la langue maternelle ou à l’héritage familial. Elle s’élargit à de nouvelles réalités : des jeunes issus de l’immersion française, des personnes immigrantes qui choisissent le français comme langue d’intégration, ou encore des familles où plusieurs langues cohabitent.
« Ce n’est pas un club exclusif. On accueille des gens pour qui le français est une troisième ou une quatrième langue, et on leur dit : bienvenue, vous êtes des Franco-Ontariens. »
Dans cette perspective, les états généraux doivent permettre de repenser l’inclusion et de bâtir une vision commune qui reflète la diversité de la communauté telle qu’elle existe aujourd’hui.
« L’identité franco-ontarienne ne disparaît pas, elle se transforme. Et il faut qu’on ait cette conversation ensemble », explique-t-il.
Une ambition collective appuyée par les partenaires
Au terme de ce processus, l’AFO espère dégager une vision commune à long terme.
« Pour moi, le plus de gens qui participent, qui nous aident à imaginer notre avenir, c’est une réussite. Ensuite, sortir avec un plan qui nous donne une vision claire de ce qu’on peut être comme communauté, ça va être un point très important », explique Peter Hominuk.
Les États généraux visent ainsi à projeter la francophonie ontarienne non pas sur cinq ou dix ans, mais sur un horizon de vingt-cinq ans. Un pari ambitieux, mais jugé nécessaire pour assurer sa vitalité et son rayonnement.
L’AFO insiste toutefois sur la nécessité que ces résultats ne restent pas lettre morte. Le futur plan d’action devra non seulement servir de feuille de route pour les organismes communautaires, mais aussi orienter les politiques publiques.
« Il faut que ce travail mène à des collaborations concrètes avec nos instances publiques : les gouvernements, les institutions, nos partenaires. C’est ensemble qu’on peut transformer la réalité de la francophonie ontarienne », conclut le directeur général.