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Immigrants et aînés plus susceptibles de recevoir des soins hospitaliers en français en Ontario

Une nouvelle étude Statistiques Canada révèle qu'en Ontario le tiers des patients francophones ont été traités en français. Photo: Canva

ONTARIO – Les immigrants récents et les adultes de 65 ans et plus affichent des probabilités plus élevées de recevoir des soins hospitaliers en français en Ontario, selon les données récentes de Statistique Canada. L’étude montre que ces différences sont étroitement liées à la proximité des hôpitaux désignés pour offrir des services en français et à certaines caractéristiques sociodémographiques.

L’étude publiée jeudi et intitulée Enquête sur la population de langue officielle en situation minoritaire (EPLOSM) repose sur des données recueillies en 2022 auprès des adultes vivant au Nouveau-Brunswick, au Québec et en Ontario. 

On y apprend qu’en Ontario, les adultes de langue française immigrants récents (2017-2021) avaient une probabilité prédite de 32 % de recevoir des soins hospitaliers en français, contre 24 % pour les non-immigrants.  Les immigrants établis (avant 2016) présentaient, eux, une probabilité de 18 %. 

L’âge constitue un autre facteur déterminant. Les adultes de 65 ans et plus avaient une probabilité prédite de 30 % de recevoir des soins en français, soit 12 points de pourcentage de plus que les 18-64 ans (18 %).  L’étude ne précise pas les raisons expliquant ces phénomènes mais Estelle Ethier, cheffe de direction de l’Institut du Savoir Montfort, imagine plusieurs pistes pour les interpréter.

« Ce qu’on observe, c’est que certains francophones récemment immigrés viennent de pays francophones et ne maîtrisent pas bien l’anglais, ce qui peut les amener à demander davantage les services en français », explique-t-elle.

Par ailleurs, l’aisance à demander des soins en français renforce ces tendances : « les personnes qui se sentaient à l’aise de demander des services dans la langue officielle de leur choix étaient quatre fois plus susceptibles de recevoir des soins dans cette langue (44 %) que celles qui ne l’étaient pas (11 %) », précise l’auteur.

La connaissance des lois encadrant les services de soins de santé dans la langue officielle minoritaire jouait également un rôle important en Ontario, où 38 % des adultes de langue française connaissant ces lois avaient reçu des soins dans leur langue, comparativement à 19 % de ceux qui ne les connaissaient pas.

« Peut-être que nos Franco-Ontariens qui sont ici depuis plus longtemps demandent moins souvent, car ils ont appris l’anglais pour fonctionner dans leur environnement », lance aussi Mme Ethier.

Proximité d’un hôpital désigné

La distance par rapport à un hôpital désigné joue un rôle clé.

« En Ontario, par exemple, les adultes de langue française dont l’hôpital le plus proche était un hôpital désigné pour fournir des services dans la langue officielle minoritaire présentaient une probabilité prédite de 34 % de recevoir des soins dans leur langue, comparativement à 16 % de ceux vivant plus près d’hôpitaux non désignés », indique le rapport.

De manière similaire, ceux résidant dans des régions à plus forte concentration de locuteurs de langue française affichaient une probabilité prédite de 32 % de recevoir des soins dans leur langue, soit près du double de celle observée chez les personnes vivant dans des régions à plus faible concentration de locuteurs de langue française (17 %).

La proximité influence également l’accès : pour les adultes vivant à moins de 2,5 km d’un hôpital de langue minoritaire, la probabilité de recevoir des soins en français était de 27 %, contre 24 % pour ceux résidant entre 2,5 km et 15 km, et 21 % pour les personnes habitant à 15 km ou plus.

« Ce qui m’inquiète le plus, c’est le faible nombre de personnes qui ont réellement accès à des services de santé en français en Ontario », affirme Estelle Ethier.

Bien que 27 zones couvrant 80 % des Franco-Ontariens soient désignées en vertu de la Loi sur les services en français, seule une vingtaine d’hôpitaux sur plus de 140 détiennent cette désignation. « On va avoir des villes avec une grande population de francophones, mais les hôpitaux n’ont pas d’obligation à offrir des services en français », déplore-t-elle.

Une tendance nationale

À l’échelle du Canada, l’accès aux soins en concordance linguistique reste limité pour la population de langue officielle en situation minoritaire (PLOSM). 

Environ la moitié des patients de langue officielle en situation minoritaire ont reçu des soins dans leur langue, à l’échelle du pays. La proportion atteint près de 80 % au Nouveau‑Brunswick, 57 % au Québec pour les anglophones et un tiers en Ontario pour les francophones.

En 2022, 78 % des Canadiens jugeaient important de recevoir des soins de santé dans la langue officielle de leur choix, avec des variations selon les régions : 91 % des anglophones du Québec considéraient essentiel de recevoir des soins en anglais, contre 65 % des francophones vivant hors Québec. 

Concernant les autres variables, l’étude montre qu’au Nouveau‑Brunswick, les immigrants de langue française sont presque deux fois plus susceptibles que les non-immigrants de recevoir des soins en concordance linguistique, avec une probabilité de 78 % contre 42 %.

En outre, 68 % des aînés francophones au Nouveau-Brunswick et 61 % des anglophones au Québec reçoivent des soins dans leur langue minoritaire, comparativement à 55 % et 49 % chez les adultes plus jeunes.

Mme Ethier souligne l’importance de poursuivre la recherche afin d’éclairer ces résultats. « Je pense que les données nous disent qu’on ne sait pas pourquoi, et qu’il faut donc continuer à investiguer cette variable », indique-t-elle.

« Ces résultats suggèrent que l’amélioration de l’accès à des soins en concordance linguistique nécessite une approche multidimensionnelle allant au-delà de la seule question de la proximité », conclut l’étude.